Émancipation


tendance intersyndicale

Une épidémie grave, mais qui aurait pu être contenue

Dossier

Le covid-19 est bien plus grave que la grippe, mais à la portée de réponses rapides et cohérentes

Le virus “SARS-CoV-2”, abréviation de Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2, est une souche récente de Coronavirus, identifiée et séquencée voilà un peu plus de deux mois, stable pour l’instant. Dans l’état actuel des connaissances, due en grande partie aux praticien·nes et chercheur·es chinois·es – qu’il est contre-productif (et méprisant voire raciste) de ne pas prendre au sérieux – ce virus de grande taille, se caractérise par une incubation assez longue : on s’accordait jusqu’ici sur 14 jours ; d’où la quatorzaine d’isolement encore prônée par de nombreux pays ; mais une étude récente vient de montrer que le portage viral durerait en moyenne une vingtaine de jours, avec contagion jusqu’à la fin. Il est relativement contagieux, certainement du fait de la forte charge virale constatée dans les prélèvements au niveau des voies respiratoires, et de la grande durée d’incubation ; une personne peut en contaminer entre deux et trois autres, en fonction des mesures de lutte contre la propagation (avec le confinement il y a espoir de descendre à moins de un et demi voire à moins de un). Les enfants considéré·es jusqu’ici comme porteur·euses sain·es très contagieux·euses, ne le seraient pratiquement pas selon une étude américaine récente ; si cette étude venait à être confirmée par d’autres, ça aurait des conséquences sur la fermeture des écoles. Les animaux familiers ne seraient pas – pour l’instant – infectés par le virus, (contrairement aux chauve-souris et certainement aux pangolins), mais ils risquent de le transporter sur leur pelage, d’où la recommandation de se laver les mains après les avoir caressés, et avant si on est porteur·euse du virus. À l’extérieur du corps, dans l’état actuel des études, encore insuffisant, on trouverait des virus actifs jusqu’à deux à trois jours sur des surfaces métalliques ou en céramiques, un jour sur du carton et quelques secondes dans une gouttelette de postillon ; les résultats sur sa durée de survie dans l’air font l’objet d’une controverse du fait du dispositif opératoire employé. Il a été mis en évidence un nombre élevé (25 % en moyenne avec une décroissance en fonction de l’âge) de cas asymptomatiques mais contagieux, ce qui complique les mesures de lutte, comme les statistiques. Les femmes et les groupes sanguins O sont plus épargné·es que la moyenne. Le taux de mortalité du Covid-19 est 20 à 30 fois plus élevé que celui de la grippe (1/1000), et 15 à 25 fois plus faible qu’Ébola (50 %) ; à partir des données chinoises on s’accorde sur un taux moyen de 2 à 3 %, qui se répartit de 0 % pour les moins de 30 ans à 13 % pour les plus de 80 ans. Ce taux est difficile à quantifier en Europe vu l’insuffisance de tests pour approcher le nombre réel d’infecté·es ; il a été évalué le 25 mars à plus de 8 % en Italie, 4,5 % en France et 0,4 % en Allemagne. La courbe de transmission de ce virus émergent suit une courbe ascendante exponentielle avec actuellement en France doublement du nombre d’admis·es à l’hôpital et de morts tous les trois jours en moyenne. Le pic épidémique ne pourra être connu qu’au moment de la redescente. À la fin d’un premier épisode de contagion, en fonction du pourcentage de personnes contaminées, on observera, sous bénéfice d’inventaire, une forme d’immunité collective. Ce qui n’exclut pas d’autres pics de contagion.

La contagion passe essentiellement par les muqueuses buccales et nasales et par la cornée et ce sont souvent les mains qui déposent les virus. Une promiscuité trop proche et durable peut favoriser la transmission par les postillons, contre lesquels le port des masques est efficace, à l’émission, comme à la réception, contrairement aux affirmations gouvernementales et des responsables de l’ARS, qui ne font que s’adapter à la pénurie de masques. On voit là la lourde responsabilité de laisser les transports bondés dans les grandes agglomérations.

Le dépistage, fiable, est réalisé par la recherche de la charge virale dans un prélèvement nasal et un pharyngé.

La maladie dans ses formes bénignes, peut être totalement asymptomatique ou occasionner (en moyenne à partir du 5éme jour) fièvre, courbatures, éternuements, toux, perte du goût et/ou de l’odorat, difficultés respiratoires…

Dans les cas graves elle peut causer des pneumonies aigües sévères (d’où son nom), en moyenne après le 7éme jour, avec complications bactériennes et immunitaires.

À défaut de vaccin des médicaments ?

Il n’y aura pas de vaccin contre le SARS-CoV-2 avant plusieurs mois et il n’y a actuellement (27 mars) pas de traitement, même si plusieurs antiviraux, l’hydrochloroquine et la colchicine sont actuellement testés dans de larges essais européens et internationaux aléatoires en aveugle (ERC, essai randomisé contrôlé). Pour la chloroquine, médicament, sujet d’un engouement médiatique certain et d’une vive controverse scientifique et interpersonnelle, qu’en est-il ? Une étude chinoise prouvant l’efficacité in vitro de l’hydrochloroquine (un antipaludéen sur le marché depuis 1949 et donc libre de droit et peu cher) et la publication dans une revue scientifique d’un communiqué des autorités chinoises (se pensant assurément plus crédibles qu’une autorité médicale) relatent l’efficacité de ce médicament dans le traitement des patient·es. Elles ont fait réagir le professeur Didier Raoult de l’IHU de Marseille, spécialiste titré et plus reconnu internationalement que par les instances françaises particulièrement celles qui sont compromises avec les labo pharmaceutiques, qui n’acceptent pas que soit promu un médicament libre de droits et peu coûteux. Le chercheur a pensé que l’entrée du virus SARS-CoV-2, de grande taille, dans les cellules humaines pour se répliquer pourrait être inhibée par l’antipaludéen comme il l’avait étudié pour l’entrée de bactéries intra cellulaires. Il a obtenu des autorités de santé de pouvoir réaliser un essai méthodologiquement simplifié sur une trentaine de patient·es infecté·es. Cet essai lui a permis de considérer que la charge virale disparait rapidement (quatre à six jours) dans les trois quart des cas avec l’hydrochloroquine seule et quasi totalement si elle est associée à un antibiotique l’Azithromycine. Il préconise de procéder à des électrocardiogrammes à temps 0 et temps 2. Cet essai n’a pas la rigueur des essais randomisés, mais il aura au moins permis que l’efficacité de ce médicament soit testée dans les ERC européens à partir du 23 mars. Si l’activité vis à vis du Covid-19 devait être avérée dans les mêmes délais qu’à Marseille, son utilisation pourrait être autorisée avant la fin des essais, à l’hôpital (elle l’est déjà pour les patient·es très malades, ce qui est trop tardif, le médicament agissant certainement sur l’entrée du virus, mais en tout cas pas sur l’inflammation immunitaire responsable des cas graves ). Plusieurs spécialistes et responsables de services d’urgences demandent que le protocole de Raoult soit immédiatement mis en place dans les hôpitaux et la fabrication massive d’hydrochloroquine demandée à Sanofi. Ils expliquent qu’une guerre contre le virus, ainsi caractérisée par Macron, devrait s’accommoder d’une médecine de guerre, gérant autant l’urgence que la rigueur méthodologique. Ajoutons : plutôt que les gesticulations médiatiques coûteuses et d’utilité assez symbolique en terme de gestion de masse de l’épidémie d’une médecine militaire en voie de démantèlement.

Dépistage ou confinement

En l’absence de vaccin et de médicament confirmé, les pays qui ont réussi à stopper ou à ralentir de façon substantielle la maladie (Chine, Corée et dans une certaine mesure l’Allemagne…) sont ceux qui ont associé de larges dépistages et l’isolement des personnes testées positif, avec distanciation sociale et bien sûr des masques.

Ceux qui ne l’on pas fait sont obligés d’essayer de limiter l’incidence de l’épidémie par un confinement plus ou moins total, dont le but est de ralentir la diffusion du virus, et donc “d’écraser” la courbe, ce qui permet de répartir le nombre de malades dans le temps de façon à tenter d’empêcher la saturation des systèmes de santé. Une telle gestion archaïque comme pour les grandes épidémies de peste ou de choléra, détonne dans une époque où les connaissances et les énormes possibilités d’infrastructures, d’équipements et de communication pourraient protéger les populations contre un virus de ce niveau moyen de dangerosité. Elle est rendue nécessaire par la dramatique incapacité d’une bonne partie des décideurs et décideuses politiques à prévenir et à gérer une telle crise, que ce soit par incompétence ou plus souvent, par choix politique.

Une pandémie planétaire dont la gravité s’accroît en raison de choix politiques inappropriés

Le pouvoir chinois a réussi à juguler l’augmentation des cas endogènes de Covid-19 en conciliant le dépistage et l’isolement de millions de personnes, facilités par des mesures systématiques de la température. Cette évolution positive a été rendu possible par la disponibilité de tout le matériel de protection nécessaire, fabriqué pour une bonne partie en Chine. Mais, entre les premiers cas de Pneumonie atypique aigüe à Wuhan en décembre (officiellement parce que ce serait depuis novembre que le virus aurait diffusé en silence ; silence de la maladie comme déjà observé ailleurs ou silence des autorités difficile de trancher), et le confinement dans cette ville le 23 janvier, et dans sept autres villes de la province du Hubei le 24, un long mois a passé, avec l’incidence qu’on connaît. D’après Thomas Puyeo, les mêmes décisions prises un jour plus tôt auraient évité au pays le quart des 80 000 contaminé·es et des 3200 mort·es et bien sûr aurait limité la progression de la maladie dans le monde.

Première faille exploitée par le virus, le retard chinois

Contrairement à ce qui s’est passé en Corée, Hong Kong, Singapour, qui ont montré la rigueur et l’efficacité de leurs systèmes de santé, après avoir été confrontés, dans un passé récent, à des épidémies virales graves (SRAS, H1N1…), la perte de temps chinoise est étonnante de la part d’un pays qui a connu les mêmes épidémies et dont le régime autoritaire facilite l’adoption de mesures de détection et de confinement drastiques. On peut penser que les avis des spécialistes n’y ont été suivis que lorsque le grand Parti Communiste Chinois a jugé que c’était le moment. Beaucoup se sont gaussés de ces particularités chinoises, alors que leurs propres retards à prendre les mesures qui s’imposaient contre le Covid-19 sont bien plus importants et font courir de grands risques pour leur pays et le monde (USA, Grande-Bretagne, France…). C’est le cas de Macron dont le régime autoritaire et policier si prompt à réprimer les opposant·es, les lycéen·nes, les jeunes pour le climat, les femmes… a été incapable de prendre à temps les mesures pour protéger les Français·es contre la pandémie : tous les inconvénients des régimes autoritaires et/ou des peuples habitués à se plier aux régles, sans en avoir les avantages des pays asiatiques seulement bien sûr pour gérer les crises sanitaires.

Trump et Johnson entre bêtise, entêtement idéologique et calculs politiques

Aux USA, pourtant première puissance mondiale dotée d’une des meilleures recherches médicales, Trump a pu entonner l’air trop répandu “ce virus n’est pas plus dangereux que la grippe”, se fondant sur un taux d’infection dans son pays encore plus sous estimé qu’ailleurs vu que les personnes, pour être testées, doivent débourser 3 000 euros, 1500 avec une couverture maladie. Depuis que sa position est devenu intenable politiquement, il a nommé comme responsable de la gestion de la crise sanitaire un champion de base ball, qui n’est pas médecin, il cherche à acheter tous les labos et chercheur·es qui touchent peu ou prou à la lutte contre l’épidémie (et d’ailleurs, le pouvoir français, avec ces commandes annoncées et non passées, devrait se méfier de cet impérialisme américain dans tous les domaines, qu’il s’efforce de copier) et il a interdit l’accès du territoire américain aux européen·nes, à l’exception du plus inconséquent des pays d’Europe dans sa gestion de la maladie, l’Angleterre avec Johnson qui a claironné que le libéralisme dictait de maintenir les pubs ouverts, jusqu’à ce que ce qu’il se calme au vu des prévisions des épidémiologistes sur le nombre énorme de victimes avec une telle attitude. La seule réalisation de Trump qui pourrait, paradoxalement dans la période, trouver quelque utilité, c’est son mur contre les immigrants : espérons qu’il protège le Mexique et l’Amérique centrale actuellement bien moins atteints contre la contagion record des USA.

Ce n’est pas par seulement par forfanterie que le premier ministre britannique a pris le risque de laisser la maladie se répandre dans le pays, alors que son statut insulaire aurait pu permettre de la freiner. L’article du Monde du 14 mars montre comment Johnson (et aussi Macron voir ci-contre) ont fait le choix d’une stratégie tout à fait en phase avec le credo ultralibéral : laisser la maladie passer pour obtenir rapidement une immunité et faire redémarrer l’économie au plus vite, mais au prix de sacrifier les plus fragiles et les vieux/vielles, autant de non productif·ves. Et l’auteur de l’article considère que Macron a également choisi cette stratégie (Cf. page VIII). Résultats : Johnson est parmi les très nombreux·euses infecté·es par le virus de son pays et, pour rattraper son inexcusable retard, l’Angleterre s’oriente vers la plus longue décison de confinement au monde : jusqu’à juin, y compris avec des scolaires qui ne reprendraient pas avant les vacances.

Le capitalisme mondialisé premier responsable

Le monde capitaliste bardé d’une Organisation Mondiale de la Santé, sur les recommandations de laquelle la plupart de ses dirigeant·es s’assoient, d’accords commerciaux, de G7 ou G8 et même G20, s’est montré incapable d’avoir une stratégie globale cohérente de lutte contre la pandémie.

Au niveau européen la cohérence des réponses et la solidarité entre États sont en dessous de tout : c’est la Chine qui a répondu aux appels à l’aide de l’Italie ; la Tchéquie a intercepté un envoi de matériel pour l’Italie et l’aide frontalière à la saturation des hôpitaux de la région Grand-Est de l’Allemagne (quatre fois plus de lits de réanimation qu’en France, pour une morbidité cinq fois moindre), du Luxembourg et de la Suisse est jusqu’ici assez symbolique.

Le capitalisme et surtout la version ultralibérale forcenée d’un Macron n’a appris du passé que ce qui est rentable à courte vue. Il en va ainsi de la recherche, comme de la prévention. Une fois passées les graves inquiétudes de 2002-2003 sur le SRAS (SARS-CoV), les recherches sur les vaccins contre cette  maladie à coronavirus ont été stoppées, alors qu’elles auraient permis de gagner des mois précieux pour la lutte contre le SARS-CoV-2  actuel.

Le 14 mars, sur France 3 Marseille, deux directeurs de recherche dénonçaient l’impossibilité de poursuivre leurs travaux sur les coronavirus, vu que l’État ne les finance qu’un mois sur douze. De même après l’épidémie du virus Chikungunya qui a, en 2006, infecté le tiers de la population de l’île de la Réunion et causé la mort de 258 personnes, les recherches sur ce virus ont été mises en sommeil.

Toutes ces erreurs graves qui vont se payer très cher légitiment les exigences des chercheurs·euses en lutte contre la restriction du financement de la recherche prévue par la loi de programmation pluriannuelle pour le recherche (LPPR).

L’insuffisance, dans de nombreux pays (dont ceux où flambe le Covid-19) de tests de dépistage, de masques et équipements pour les personnels de santé, de gels désinfectants… sont à mettre sur le compte de l’impréparation des gouvernements, mais surtout de leur soumission à de puissantes multinationales de la santé et des médicaments, qui privilégient les productions rentables et ont progressivement délocalisé une bonne partie de leur  fabrication (souvent en Chine) privant les populations de sites de production adaptables aux besoins locaux.


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