Émancipation


tendance intersyndicale

Les femmes : grandes gagnantes dans la mobilisation !

Dossier

La mobilisation contre la réforme des retraites s’est construite dans le prolongement d’un mouvement social pluriforme et étalé dans le temps, qui a donné la possibilité à de nombreuses personnes de s’investir dans les luttes. Notamment, elle s’est développée en partie à partir des luttes des femmes, qui se sont investies l’année dernière dans le mouvement des Gilets jaunes, mais aussi dans les luttes féministes comme celles des 8 mars et 25 novembre. La réforme des retraites a représenté la goutte d’eau en trop, tant les injustices mais aussi la communication mensongère autour du statut des femmes y ont été nombreuses.

En effet, le gouvernement a tout fait pour limiter le mouvement des femmes, en affirmant qu’elles seraient les “grandes gagnantes” de la réforme… Communication dont aucune n’a été dupe, tant les injustices et inégalités qui touchent les femmes envahissent leur quotidien. Suppression des majorations de durée d’assurance, carrières interrompues (temps partiels, éducation des enfants…) pénalisées… La liste des mesures pénalisant les femmes dans le projet de réforme est longue et c’est sans compter les 25 % d’écart qui séparent les salaires des femmes de ceux des hommes en moyenne.

Mais oui, les femmes sont les grandes gagnantes. Cependant, contrairement à ce que dit le gouvernement, elles ne le sont pas dans le cadre de la réforme ; elles le sont plutôt dans le cadre des luttes, qu’elles ont investies largement et dans lesquelles elles construisent des outils et des liens pérennes.

Dans de nombreuses villes de France, elles se sont organisées : flashmobs, réunions publiques, cortèges féministes… la colère des femmes a été entendue dans le mouvement et l’a structuré.

Retour sur quelques exemples dans différentes villes.

À La Rochelle

La première journée de mobilisation contre la réforme des retraites du 5 décembre, a rassemblé 10 000 personnes, un nombre considérable de manifestant·es, non enregistré depuis bien longtemps dans la cité rochelaise ! Beaucoup de femmes mobilisées, comme dans de nombreuses villes en France, avec des slogans rappelant qu’elles se refusaient à être dupes des propos gouvernementaux qui les annonçaient comme “les grandes gagnantes” de la réforme. Comme en résonnance de la manifestation du 23 novembre, une banderole accrochée le matin même par des militantes sur le pont Jean Moulin, avec des paroles de l’Hymne des femmes, donnait de la visibilité aux manifestantes dans la lutte, nous exhortant à prendre toute notre place dans ce combat contre la destruction de nos droits sociaux.

Le 16 janvier dernier, lors du rassemblement qui s’est dirigé vers l’Espace Encan où devaient se dérouler la cérémonie des vœux du maire aux entrepreneurs locaux, (cérémonie que les manifestant·es ont joyeusement empêchée), pour la première fois, un petit groupe de militantes féministes d’Osez le féminisme 17 avec drapeaux et pancartes, a pris place dans le cortège au côté des organisations syndicales et des étudiant·es. Apparaître dans le mouvement social en tant que militantes féministes, participe au renforcement de la structuration des femmes pour les luttes spécifiques qu’elles ont à mener, et pour toutes les autres. Au plan local, à La Rochelle, nous avons grand besoin d’amplifier cette visibilité.

À Nantes

Les actions féministes se multiplient depuis le début du mouvement. En amont du 5 décembre, des diffusions de tracts des réunions publiques ont été organisées par des collectifs, comme le collectif Féministes révolutionnaires Nantes, afin d’expliquer le plus largement possible le sort réservé aux femmes par la réforme des retraites. Ces réunions ont réuni des travailleuses mais aussi des étudiantes et ont permis de mettre en lumière à la fois l’attaque que constitue le projet actuel, mais aussi les attaques faites par les réformes des retraites antérieures. Très vite, les discussions ont pu faire le lien entre les luttes des femmes et les projets des politiques libérales et capitalistes.

Ces premiers temps de lutte ont permis la constitution d’un cortège féministe lors d’une manifestation interprofessionnelle. Si cette dernière n’a pas été aussi suivie qu’on l’aurait espéré, elle a été précédée de la chorégraphie des femmes chiliennes et a permis de visibiliser et rapprocher les luttes féministes et le mouvement social. Parce que tel a été le but des actions féministes depuis le début du mouvement : réunir les revendications spécifiques qu’elles portent et le mouvement social, afin de montrer que les deux doivent et peuvent avancer ensemble.

C’est aussi dans ce contexte que se sont développées les AG de préparation au 8 mars (voir l’article spécifique sur ce sujet) – qui portent haut la nécessité de la grève des femmes et lient les revendications féministes à celles du mouvement social, comme celles du mouvement des Gilets jaunes.

À Dijon

Les femmes sont moteures des manifestations et de la mobilisation. Elles animent les cortèges, les points de tractage. La plupart enseignantes, nous sommes les plus impactées par la réforme !

Malgré une forte mobilisation, la manifestation du 5 décembre n’était pas encore très combattante. Au fil des manifestations de décembre, les slogans se sont musclés avec des pancartes, des chansons contre la réforme. Le 17 décembre, une vingtaine de femmes reprennent l’hymne féministe chilien. L’AG éducation a pris possession des manifestations en animant le cortège notamment par des Haka sur le slogan “les jeunes dans la misère, les adultes précaires, les vieux dans la misère, et Jean-Michel Blanquer, de cette société là, on n’en veut pas”. En janvier, les femmes de l’AG éducation se sont saisies de la chorégraphie d’Attac “À cause de Macron”, costumées en riveteuses, gants jaunes, bandeau rouge. Les manifestations sont depuis rythmées par ces démonstrations. Une chorégraphie ne suffisant pas, les femmes, enseignantes pour la plupart, se sont entrainées pour une deuxième sur la reprise “Women on fire”, montré à la manifestation du 6 février. Elles ont maintenu le cap lors de cette manifestation, face à une préfecture qui voulait dévier la manifestation. Le cortège, femmes en tête, s’est fait gazer, non pas à la fin de manifestation, comme c’est souvent le cas, mais bien en plein milieu du parcours.

Les femmes ont bien compris qu’elles ne seront pas les grandes gagnantes de cette réforme !

À Paris

Comme dans les autres villes, les flashmobs et cortèges féministes – pink blocs – se sont multipliés pendant le mouvement. À ces actions se sont ajoutées deux AG non mixtes contre les retraites, qui ont marqué une véritable avancée dans la visibilisation des revendications féministes dans le mouvement.

Partout, les femmes se mobilisent de plus en plus contre la précarité, les injustices et la violence qui les touchent. Si le mouvement des Gilets jaunes a accru une politisation des femmes, il a, avec le contexte international autour de la grève des femmes, permis d’ancrer ces mobilisations dans les luttes. Les grèves, les mouvements sociaux doivent désormais compter avec les féministes, qui s’efforcent d’articuler les luttes contre le libéralisme, le capitalisme et le patriarcat.

Joëlle, Karine, Marine

La motion de la première AG du 8 janvier affirme :

Nous, femmes mobilisées contre la réforme des retraites, en AG le 8 janvier, nous sommes conscientes que cette réforme va aggraver notre situation déjà injuste. Les inégalités dans le monde du travail sont décuplées quand nous prenons notre retraite.

Cette réforme accentuera encore plus notre précarité, qui elle-même nous rendra plus vulnérables aux violences sexistes. Aujourd’hui dans le monde entier les femmes dénoncent et se battent contre ces violences : les deux sont liées. Nous les femmes avons aussi droit à une retraite décente !

Nous souhaitons aussi nous adresser à nos camarades hommes en grève : soutenez notre combat pour l’égalité ! Organisons des garderies collectives pour permettre à toutes les femmes de se mobiliser – de prendre la parole en AG, d’aller manifester, de participer aux actions.

Nous appelons toutes les femmes à entrer dans la lutte ! C’est toutes et tous ensemble que nous pourrons faire retirer cette réforme et avancer vers un monde plus juste ! »