Celles et ceux qui ont pu bénéficier du régime de retraites conquis par les luttes sociales des dernières décennies peuvent témoigner que le droit à la retraite n’est nullement un cadeau du pouvoir et du patronat : il s’intègre au contrat implicite d’une vie de travail et de cotisation et reconnaît, respecte, le désir de chacun·e de se construire une autre existence – celle-ci devenue possible grâce à l’amélioration globale de la santé.
Cette neuve activité ne se réduit pas aux soins intrafamiliaux – si nécessaires et respectables soient-ils. Et il faut débarrasser le mot de “retraite” de ses connotations réductrices, voire péjoratives, liées sans doute à l’usage militaire du terme et à l’âgisme.
Ce n’est pas rien, car c’est réhabiliter la vieillesse comme le temps d’une existence intense et active, permettant l’épanouissement de désirs et d’aptitudes plus ou moins refoulées, voire sacrifiées pendant les années d’emploi salarié.
Le mensonge profond de la propagande gouvernementale à l’égard de “l’emploi des seniors” éclate à considérer l’état social réel : non seulement beaucoup de cinquantenaires sont licencié·es de leurs entreprises comme moins performant·es et trop coûteux·euses, mais beaucoup de pensions sont si basses que les retraité·es acceptent de se saisir d’emplois alimentaires pour pouvoir survivre !
À quoi logiquement correspond donc ce diktat abstrait ?
Il s’inscrit dans une politique de productivité forcée, aveugle, refusant d’aller chercher l’argent – pas si manquant que çà d’ailleurs après moult vérifications – là où il se trouve : chez les nanti·es.
Il s’agit donc, au-delà de (faux) problèmes conjoncturels d’œuvrer non pas à des réformes mais à une véritable révolution permettant à toutes et tous de vivre pleinement, par divers développements, réaménagements, réparations de toutes sortes :
- – dans le domaine économique d’abord avec l’augmentation des salaires et des pensions, une réduction majeure des inégalités s’inscrivant dans une autre distribution du travail (le temps de celui-ci devant être diminué et non prolongé ad infinitum !) et des richesses avec le système d’imposition attenant ;
- – et dans le domaine culturel en procédant à la chasse radicale d’une bêtise envahissante et à la multiplication de lieux et de moyens capables de répondre à ou de réveiller la curiosité intellectuelle et artistique, avec les désirs de création qu’elle engendre. Dans ce domaine, si les moyens existent, visiblement, les esprits hésitants se décideront à choisir cette voie, encore laborieuse certes, mais utile à soi-même et à la société tout entière.
Alors la “retraite” ne sera plus une fin solitaire, prélude au “grand repos”, une abstention et un endormissement, une euthanasie symbolique, mais le début d’une vie libre, inventive, démultipliée et démultipliante.
Marie-Claire Calmus