Sommaire

Sommaire

L’utopie ou la mort !

L’utopie ou la mort ! écrivait René Dumont il y a plus de cinquante ans, et c’est de plus en plus d’actualité, non ? Une utopie qu’il est urgent et nécessaire de faire advenir passe par la rupture avec le capitalisme, un capitalisme tout puissant qui détruit tout sur son passage.

Dans cette période de révolte paysanne, que la FNSEA instrumentalise au profit de ses cadres agro-industriels, voici un focus sur une lutte en cours : celle contre les engrais chimiques azotés, produits notamment à partir d’ammoniaque.

La multinationale Yara en produit, en stocke et en commercialise. Le marché est juteux : des profits multipliés par sept en deux ans (voir dans la revue d’octobre 2023, Yara géant aux pieds fragiles), et un total mépris du vivant, un cas d’école avec une entreprise, classée Seveso+, située à Montoir, commune proche de Saint-Nazaire, qui constitue le petit maillon d’une chaîne, dans un système international.

Mais Yara, c’est quoi ?

Une destruction de la santé

Les rejets toxiques dans l’air, les sols et l’eau sont inhérents à cette production, mais il y a des normes minimales à respecter, la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) et le service préfectoral en sont garants. Depuis des années, cette entreprise ne les respecte même pas, et les autorités ont fermé les yeux jusqu’à cet automne pendant lequel une vaste campagne de mobilisation s’est tenue, mais les amendes infligées sont dérisoires et la réponse patronale est de licencier plutôt que d’engager des travaux de remise aux normes.

Ces rejets, de diverses entreprises sur l’estuaire, dont Yara, entraînent une surmortalité notable (plus de 26 % : cancers, maladies respiratoires et cardio-vasculaires sur le territoire), sans qu’aucune enquête épidémiologique qualitative soit menée. Cherchez l’erreur !

Alcoolisme et tabagisme sont invoqués par les “autorités”, dans un cynisme et un mépris scandaleux pour la population.

Une enquête dans Le Monde (22.11.2022) faisait état d’un coût induit de plus de 13 milliards d’euros annuels concernant les pesticides. Et concernant les engrais chimiques, avatars des explosifs utilisés pour tuer, dans les guerres ? Enquête à mener !

En plus des rejets toxiques, il y a le risque d’une explosion majeure, avec un effet domino (terminal méthanier voisin) qui anéantirait tout sur plusieurs kilomètres à la ronde (cf. AZF ou Beyrouth). Sans parler des flux et transports de ces produits…

Face à ce danger industriel destructif immense, le cirque du “confinement” auquel il faut désormais “s’entraîner” dans les écoles notamment, fait figure de triste plaisanterie et renvoie à une incurie programmée de la puissance publique, à une impréparation coupable…

Une destruction des droits au travail

Nous avons trop peu d’éléments précis sur ce qui se passe dans les mines de phosphates, et autres lieux d’extractions diverses dans le monde, une autre enquête à mener ! Mais, à Montoir, ce qui est certain c’est qu’aux 180 salariés dits postés, en CDI s’ajoutent une myriade de sous-traitants, non syndiqués, atomisés, sans aucun suivi médical quant aux conséquences des émanations.

En octobre dernier, un salarié précaire est décédé, en travaillant sur le site, on attend toujours les résultats de l’enquête… l’omerta règne.

Et puis il y a les conséquences pour les agriculteurs et agricultrices pris dans l’engrenage des achats d’entrants toxiques pour augmenter la productivité.

On voit le résultat : des maladies professionnelles graves, une paysannerie ruinée, épuisée, dépendante aux engrais, toujours plus chers, des désespérances, des suicides, un “plan social” massif : toujours moins de paysan·nes, pendant que les actionnaires de cette agro-industrie se gavent.

Une destruction de l’environnement

La production de ces engrais nécessite une grande quantité d’énergie fossile, en l’occurrence du gaz (discours mensonger sur l’autonomie !). Et ces engrais produisent en plus un gaz à effet de serre, lors de l’épandage, un gaz bien plus puissant que le CO2 ! (voir L’énergie fossile dans nos assiettes par Les amis de la terre, 2023).

Faut-il en rajouter sur les particules fines, à effet cocktail, les pollutions à l’azote des eaux qui ruissellent (phénomène des algues vertes), le déversement irrégulier, “accidentel” d’ammoniac dans les eaux, la Loire est servie !

Et puis, bien sûr, ces engrais abîment rapidement les sols, contrairement aux engrais verts associés au fumier.

Un néo colonialisme intensif

Les matières premières sont toutes importées, extraites dans des conditions inacceptables.

Le lobbying est très puissant, au niveau européen mais pas que, car il s’agit maintenant de rendre dépendante toute la petite paysannerie du sud (Afrique, Brésil) qui depuis des siècles nourrit la population sans ces intrants, et de vendre toujours plus, à coup de greenwashing : “Yara nourrit le monde”, conquérir des marchés, au mépris du vivant.

Le livre de Nicolas Legendre : Silence dans les champs, 2023, est une enquête précise et sensible qui parle de l’agro-industrie en Bretagne. Trois parties : Les fondements de l’empire armoricain, Le bal des vampires, et Une lumière d’automne. C’est cette lumière qu’il est nécessaire de faire vivre. Par exemple, un État indien de 55 millions d’habitant·es a décidé de rompre avec ce système mortifère et de (re)développer une “mosaïque agro-écologique”.

Et lire aussi : Reprendre la terre aux machines de L’atelier paysan, 2021.

Il s’agit de sortir de l’agro-industrie pour retrouver le cycle naturel de l’azote (utilisation notamment de légumineuses) et évidemment réformer fondamentalement la PAC.

Alors, ici, comme ailleurs, on se dit, avec les Soulèvements de la Terre et autres associations ou collectifs, qu’il ne faut jamais lâcher.

On organise dans un premier temps une rencontre le samedi 25 mai, à Montoir, site de Gron, pour s’informer, penser les alternatives et puis aussi, on chantera et on dansera, contre Yara et son monde.

Soyons nombreux·ses et déterminé·es .

Emmanuelle Lefèvre