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Le corps et le sport à l’école

Alors que E. Macron se montre sur internet avec des gants de boxe pour exhorter à faire du sport… alors que les Jeux Olympiques, particulièrement liberticides et écocides en 2024 à Paris, nous sont vendus sur toutes les chaînes, sur tous les tons, s’interroger sur l’éducation physique et sportive, présente dans les programmes de l’Éducation nationale est de circonstance.

Le livre de Serge Durali et Guillaume Diestch : Une histoire politique de l’EPS du XIXe siècle à nos jours (De Boeck Supérieur,2022), et le numéro spécial de Questions de classe : En corps à l’école (2023) y contribuent.

Aux origines de l’EPS

Après la défaite militaire de1870 face à la Prusse, le projet scolaire de la troisième République va s’inscrire dans la perspective d’une revanche militaire. L’éducation physique apparait alors comme “un moyen de préformer le futur combattant en le renforçant physiquement et en le préparant aux techniques militaires”, et cela durera au moins jusqu’en 1914. En 1882, il y a la mise en place des Bataillons scolaires, le maître de gymnastique est un militaire et la discipline relève d’une double tutelle, celle de l’Instruction publique et celle de la Guerre. Ce n’est qu’en 1926 que le budget de l’éducation physique sera transféré au ministère de l’Instruction publique et l’enseignement des instructeurs militaires est interdit dans les établissements scolaires : on est après l’hécatombe de 14-18. Cette dimension militariste s’articulant avec des enjeux hygiénistes prenant de plus en plus de place, mais ce n’est qu’en mars 1938 que les instructions officielles actent l’entrée de la pratique sportive à l’école. Selon Léo Lagrange, elle doit être un instrument de paix et de solidarité sociale, où le corps ne serait plus seulement un outil de travail, dévalorisé : le sport doit devenir populaire : le sport pour tous contre le sport spectacle, le sport loisir contre le sport de compétition.

Sous Vichy, ce n’est plus cette perspective qui est avancée mais celle de la “volonté de discipliner et endoctriner les corps”. Les nouveaux programmes inscrivent 11 heures d’activités sportives par semaine, les effectifs d’enseignant·es d’EPS sont multipliés par 5, soit 4 000 en 1945. C’est le colonel Pascot qui va poster sous Vichy une orientation raciste et autoritaire, interdisant les joueurs étrangers dans les clubs de foot, excluant les juif·ves des compétitions, instituant des chantiers de jeunesse afin de transmettre les “valeurs de la République nationale”. Cela résonne fort avec le SNU…

Dans l’après-guerre

Avec le Gaullisme, le sport va être mis au service du “rayonnement et de la modernisation de la France”. Il s’agit de former une élite sportive, le citoyen·ne doit être compétitif·ve et performant·e. Cela va être l’époque, après 68, où le SNEP et sa tendance communiste U&A vont gagner de l’influence et où l’EPS sera présente dans tous les établissements scolaires. En 1984, les activités physiques prônent moins le contrôle des corps que leur libération, leur expression, les modalités d’évaluation sont revues, prenant en compte l’investissement, et non pas seulement la performance, mais le virilisme, la compétition restent très prégnants : il s’agit, derrière les textes, et le discours gouvernemental sur le sport comme “amour du dépassement et du collectif, les valeurs du sport sont les valeurs de la République”, de former des “auto entrepreneur·es”, musclé·es, dans la compétition capitaliste. (Note de la claviste !).

La critique du sport

Les travaux de Jean Marie Brohm, Claude Pujade-Renaud, et aussi de Ronan David et Nicolas Oblin, avec notamment la revue Illusio, développent un courant critique sur le sport comme produit de la modernité capitaliste. Leurs travaux de recherches visent au dévoilement et à la compréhension des processus de domination et de réification, marchande et technologique du corps et de la culture à l’œuvre dans les sociétés capitalistes. Dans un petit ouvrage Jouer le monde (Le bord de l’eau, 2017) les auteurs montrent comment les sports : culture de la sélection, de la compétition, de la domination (y compris sexiste et sexuelle) s’imposent et se substituent aux jeux. Ils soulignent que les jeux libres des enfants sont l’antithèse de ces compétitions : “l’enfant sportivisé s’identifie aux performances uniformisées qu’il produit, le récit est déjà écrit, alors que les jeux sont une expérimentation renouvelée des possibles où l’on joue à éprouver en soi la multiplicité des rôles. Le jeu se situe aux antipodes de la quête sportive qui exclut toute pensée comme le précise la Charte olympique qui exclut quiconque exprime une opinion politique”.

Dans le cauchemar à venir des JO 2024, à Paris, préférons les jeux aux sports olympiques !Emmanuelle Lefèvre