d’une certaine Éducation nationale,
celle qui défendait l’idée de l’émancipation
par les savoirs pour tous et toutes !
Dans l’Éducation nationale, un autre enseignement est mis en place voué au tri et à l’orientation des élèves pour satisfaire aux besoins des entreprises.
Un certain François Bayrou, il y a 20 ans au Figaro, a dit une chose juste, une fois n’est pas coutume, qu’il fallait “arrêter de faire croire que l’Éducation nationale est responsable du chômage ! […] tout le monde sait que le problème de l’emploi, c’est celui de l’économie. Si les jeunes sont au chômage, ce n’est pas parce qu’ils et elles ne sont pas formés. C’est d’abord parce que l’économie ne crée pas suffisamment d’emplois !” Fin de la citation et de l’accord avec Bayrou.
Un crash en trois temps
La stratégie utilisée vise avant tout à brider les personnels enseignant et au-delà tous les personnels. Un premier temps a été la réforme du lycée avec Parcours-sup, la casse du groupe classe, le contrôle continu et les spécialités. Il fallait, avec cette réforme, empêcher l’expertise des profs, empêcher qu’ils et elles permettent à la majorité des élèves d’entrer à l’université, les empêcher de faire ce qu’ils et elles savent et peuvent faire quand on leur lâche la bride.
Le deuxième temps ou “bascule” pour beaucoup, est programmé pour 2024. C’est la réforme Attal, le “choc des savoirs” pour le collège, qui réduit les disciplines, casse les classes, instaure les groupes de niveaux, un nouveau DNB, et les classes prépa-lycée. Cette réforme, comme au lycée, est aussi destinée à empêcher que les profs, les experts, fassent ce qu’ils et elles savent faire, ouvrir la voie vers le lycée au plus grand nombre d’élèves possible.
Le troisième temps, c’est le crash final de l’enseignement, la réforme Guérini. Prévue en mars, elle vient d’être reportée au second semestre 2024. Celle-ci promet d’une part le salaire au mérite, mesure qui se veut incitative pour les profs qui obéiraient le mieux aux nouvelles injonctions et d’autre part, la remise en cause du concours, c’est à dire la remise en cause complète du statut (des droits) des fonctionnaires. Son but, en finir avec les prérogatives du métier d’enseignant, avec son statut de cadre, aussi diviser en imposant une compétition et une hiérarchie pour imposer des missions et contrôler.
Poursuivre les réformes jusqu’au bout !
Une seule variante, le nom du/de la ministre ! À son arrivée, N. Belloubet est claire et va dans le sens de toutes les réformes en cours. Pas de remise en cause non plus de la décision de Macron de faire de l’école un “sujet régalien”, son “domaine réservé”. Elle a confirmé les priorités du gouvernement, à commencer par le harcèlement sans parler de son lien avec la pénurie d’adultes dans les établissements.
Elle a repris à son compte toute la programmation d’Attal, jusqu’à la fin du second quinquennat, des mesures qui vont causer la dégradation des établissements scolaires vers une gestion entrepreneuriale et managériale. À savoir la décentralisation, l’autonomie des établissements. De plus, Cécile Rilhac vient de déposer le vendredi 16 février, un projet de loi pour donner un statut juridique aux écoles.
Elle déclare qu’elle œuvrera pour un enseignement moins vertical, ce qui signifie l’individualisation de l’enseignement dont le but est d’inverser l’enseignement, mettre le ou la prof “au service des besoins” dit-elle de l’élève, ou “projet” selon la vision entrepreneuriale de la chose. Conséquence, multiplication des niveaux, déstructuration du groupe classe.
D’autre part, selon ses déclarations, une chose semble se préciser, c’est la suppression d’autres disciplines que la technologie. Bien sûr toutes les revendications des enseignants et enseignantes ont été ignorées et les mesures déjà prises justifiées comme les mesures salariales, le PACTE.
Aucun doute non plus quant à la réforme du lycée professionnel passée en catimini par Oudea-Castera juste avant son départ.
Quant au besoin en professeur·es pour les nouvelles mesures, il est acté qu’il s’agit d’un grattage savant de morceaux de postes récupérés par tous les moyens, qui manipule des pourcentages de personnel enseignant et d’élèves comme n’importe quel produit manufacturé.
Comprendre les stratégies gouvernementales !
La première des stratégies c’est la rapidité des réformes, l’effet submersion. À peine promulguée, une autre lui succède. Deuxième stratégie, l’expérimentation, autorisée trois à cinq ans. Inscrite dans le Code de l’éducation le gouvernement l’utilise pour passer des mesures sous forme de projets locaux, pérennisés ensuite tels que suppression des manuels, pédagogie des îlots, embauche contractuelle, méthodes d’inclusion, partenariats divers…). Des expérimentations qui ne sont jamais évaluées car les critères sont ceux du gouvernement, inavouables. Quant à l’inclusion scolaire, je pense également qu’une des stratégies du gouvernement c’est de l’instrumentaliser sans vergogne pour son objectif de révolutionner l’institution. Sujet sensible et douloureux s’il en est, elle est une démonstration évidente, une de plus, du caractère inhumain voire abject de ce gouvernement. Car si le sujet divise, un constat commun peut être établi, c’est qu’au-delà du fait que l’inclusion a été décidée sans moyens suffisants, un des principaux objectifs de la manœuvre était d’économiser des moyens, entre 3000 et 4000 euros pour chaque élève inclus. Les inclusions réalisées ont déjà permis la fermeture de nombre d’instituts médicalisés malgré le fait qu’officiellement, à ce jour, 11 000 familles sont demandeuses. Je pense que l’inclusion, ne devrait pas être considérée tant que le facteur coût reste la préoccupation première du gouvernement. Et ce, tant dans l’Éducation nationale qu’au niveau médical, donc Sécu, dont dépendent les établissements spécialisés médicaux éducatifs. Et on doit regarder en face le fait que l’inclusion telle qu’imposée, peut maltraiter et empêcher le ou la professeur·e d’enseigner et pour l’élève de l’école publique d’apprendre au niveau de ses capacités. Car les conditions sont telles, et le gouvernement ne l’ignore pas, que l’inclusion, de fait, multiplie les niveaux et impose une individualisation jusqu’à l’absurde qui déstabilise gravement les enseignants et enseignantes. C’est dans ce sens que l’inclusion est instrumentalisée et devient une stratégie.
L’urgence, c’est l’union primaire-secondaire
Et cela repose sur les enseignants et enseignantes du primaire qui doivent aussi rentrer dans la bataille ! Pour plusieurs raisons :
• La première étant que primaires et secondaires combattent les mêmes mesures !
• Parce que les pseudo rattrapages pendant les vacances que préconise le gouvernement pour éviter les redoublements, dont tout le monde sait qu’ils ne servent à rien sinon justifier le non-redoublement, ces pseudo rattrapages donc ne sont là que pour justifier le travail des enseignants et enseignantes pendant les vacances. D’ailleurs la classe prépa-lycée, qui n’a rien d’une troisième normale, montre à l’évidence que le gouvernement ment quand il parle d’autoriser le redoublement. Une mesure d’économie de 2 à 3 Mds € qui pourrait justifier un certain redoublement-bashing.
• Parce que c’est tout de suite, maintenant, que le primaire peut jouer un rôle majeur, empêcher la mise en place des groupes. Car établir les groupes de niveau en collège dès septembre prochain cela signifie que le gouvernement table bien sur le primaire pour les définir dès juin de cette année 2024. Les évaluations de 6ème, ensuite, permettraient juste d’ajuster à la fois le tir et le tri.
• D’autre part Belloubet l’a confirmé sur France Inter, elle compte bien utiliser les professeur·es des écoles qui ont accepté le PACTE pour combler une partie des besoins en profs dans les collèges. Cette mutualisation de professeur·es dans les deux cycles confirme que le socle se met bien en place et que le primaire est donc bien concerné par cette réforme qui n’est pas seulement celle du collège. L’urgence est de faire l’unité primaire-collège pour exiger le retrait de cette réforme du “choc des savoirs”.
• Et enfin si l’on gagne, unis, cela nous rend plus fort pour empêcher les nouvelles réformes comme le projet de loi Rilhac pour la création des EPLEP (Établissements publics locaux d’enseignement public).
Marie Contaux