Le mot écoféminisme a été inventé en 1974 par Françoise d’Eaubonne dans son livre Le féminisme ou la mort 1. Elle y met en évidence un lien entre le féminisme et l’écologie, mais pas que.
Le 2 mai 2023 lors de la première assemblée de constitution du Comité de soutien aux Soulèvements de la terre (SdlT) plus d’une centaine de personnes s’étaient réuni·es à la Bourse du travail de Dijon ; représentant·es de syndicats, d’associations, militantes et militants, simples citoyennes… ; tou·tes doublement révolté·es par la violence inouïe de la répression étatique lors de la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline et par la dissolution des SdlT. Lors de plusieurs AG des SdlT qui ont suivi, composées uniquement de femmes, nous nous sommes dit “mais on est un comité écoféministe !”. De fait, une grande majorité de nous autres participent aux AG, aux réunions de préparation d’actions et aux dites actions – par exemple contre l’extension de la carrière de Saint-Cécile (71) le 9 décembre en coordination avec les autres comités de Bourgogne-Franche-Comté. Lorsque nous avons échangé sur les requêtes au Conseil d’État contre la dissolution, nous avons constaté qu’il n’y avait que des co-requérantes dans notre comité (ce qui n’exclut pas des co-requérants ne participant pas au comité de soutien).
La parole est fluide, les expressions claires et multiples, les ordres du jour, les modalités d’action, tout ça roule et remplit l’environnement d’énergie et d’idées. Peu ou pas d’hommes cisgenres ! On ne peut s’empêcher d’être suspicieuse, de penser qu’il n’y a rien à gratter pour eux en termes de pouvoir, rien à gagner !
Pourtant la présence de femmes dans les luttes écologiques est ancienne. Dans les années 50-60 Rachel Carson (biologiste) avec son livre Printemps silencieux fit un gros travail de recherche et d’investigation sur les pesticides (elle utilisa le terme biocides) qui aboutit dix ans plus tard à l’interdiction du DDT. Dans les années 80 nous avons été de toutes “les mobilisations locales, composées dans leur énorme majorité de femmes” 2 d’Afton/USA à Bhopal/Inde en passant par Plogoff où pendant six semaines, ce sont des ELLES qui tiennent tête aux gendarmes mobiles .
Des Écoféminismes
“Ni les femmes, ni la terre ne sommes des territoires de conquêtes” Muerais creando.
De 19 ans (Lili, Antifa) à 82 ans (Maryvonne faucheuse historique), venu·es d’ATTAC, de la LDH, des ami·es de la Conf, de XR, de LFI, de Solidaires tout ce compagnonnage de rage, de pensées scientifiques, de réflexions philosophiques anime le comité, mais pas de femmes racisées, pas encore. Un compagnonnage qui se retrouve, se recompose, s’articule sur d’autres luttes contre la loi immigration, pour la défense du squat de Fontaine-les-Dijon, pour Gaza et le peuple palestinien.
À Dijon lors de la manifestation non déclarée (mai 2023) de soutien aux luttes locales contre les écocides et la bétonisation – Quartier Larrey, Berges du Suzon, méga-méthaniseur, quartier libre des Lentillères… – fi du défilé tristoune : batucada, bas résilles, masques et étendards aux effigies d’animaux, enfants sur des charrettes, chants, drag-queens. On pourrait croire à un défilé de carnaval mais les chants, les banderoles, les slogans (“tout le monde déteste la police”) appellent à une convergence des luttes écologiques, féministes, antifascistes. Cet aspect festif attire des personnes qui posent des questions, ne comprennent pas la présence d’un important dispositif policier. Cet aspect festif attire des commentaires acerbes de certains camarades enkystés dans une brume des siècles passés. Nous supputons ce qui gêne, quelque chose entre les bas résilles et l’attaque frontale des violences policières ? Déjà en 1910-11 des milliers de femmes “pillent les marchés et taxent les produits […] boycottent les spéculateurs […] les syndicats critiquent ce mouvement instinctif, désordonné […]” 3 et font rentrer les ouvrières, ménagères dans leur foyer.
Nous ne nous trompons pas d’ennemi·es. L’oppression étatique, branche armée du capitalisme patriarcal limite, encadre, blesse, tabasse, garde à vue, les oppositions à l’extractivisme, aux biocides, aux racismes, aux mégabassines, aux syndicalismes et à la pauvreté.
Élisabeth Diaferia