Si on était naïf, on applaudirait l’exploit sportif sans précédent réalisé par la ministre précédente, Madame AOC : madame Amélie Oudéa Castéra a réalisé le tour complet du ministère de l’Éducation nationale en 28 jours.
Et si on était naïf, on applaudirait la nomination de madame Belloubet parce qu’il ne pouvait y avoir pire, semble-t-il, que la ministre des Jeux Olympiques.
Mais nous ne sommes pas naïfs.
D’abord, parce que Gabriel Attal a tracé au cordeau sa feuille de route. Il a assuré que Nicole Belloubet allait « porter la ligne du Président de la République » et de lui-même. Puis il a préciséqu’ »elle saura porter notre feuille de route au ministère de l’éducation nationale » (sur France2)
Ensuite parce que dame Belloubet n’a pas besoin de l’archange Gabriel pour mener une politique réactionnaire et assurer la défense des écoles catholiques.
Il suffit de lire un texte écrit en 2016 pour la revue Après-demain, titré (ironiquement parait-il) : « Supprimer le ministère de l’Éducation nationale ? ».
Nicole Belloubet plaidait pour une nouvelle territorialisation de l’Éducation nationale :
”Partout les systèmes sont plus décentralisés qu’en France », disait-elle. (Dans plus des 3/4 des pays, les enseignants sont gérés au niveau local soit par les collectivités soit par les établissements) ; partout les établissements sont plus autonomes ».
Et elle prônait l’extension des « compétences des collectivités“, y compris dans la pédagogie.
Elle précisait ce que la territorialisation signifie pour les enseignants. “Une approche plus locale exige également une forte déconcentration des affectations et de la gestion des ressources humaines de plus de 800 000 enseignants ».
Cela seul assurera l’implication des personnels… Cette logique impose de conférer le pouvoir de choisir l’affectation de l’enseignant à celui qui a l’expertise pour ce faire au niveau où les besoins éducatifs sont le mieux identifiés. […] c’est le chef d’établissement qui est le garant de l’unité et de la réussite de son équipe“.
En fait, dans cet article, toute la politique de Macron est annoncée, tout le « Choc des savoirs ».
Et lors de la, cérémonie de passation des pouvoirs, le 9 février, N Belloubet a annoncé la couleur :
« Nous devons aussi faire évoluer nos pratiques pédagogiques […] Nous devons trouver ensemble la voie vers une organisation flexible des enseignements articulant classes hétérogènes et groupes réduits répondant aux besoins spécifiques des élèves pour certains apprentissages fondamentaux. »
Ce qui implique de « travailler sur la formation initiale et continue des enseignants ».
Rappelons que le 30 janvier, Attal a indiqué que la réforme des concours serait annoncée en mars.
Pour mettre en œuvre les réformes voulues par Macron et Attal, N Belloubet a annoncé la méthode :
« Cela exige la mise en place très rapide d’un dialogue avec les représentants des enseignants, des chefs d’établissement, des corps d’inspection et des parents d’élèves. Je m’y attacherai dès la semaine prochaine ».
Ce « choc des savoirs » impose un nouveau métier et d’importantes attaques contre les garanties statutaires.
C’est le sens des annonces de Macron qui veut » complètement changer le système de recrutement de nos enseignants », affaiblir les concours, créer des licences pluridisciplinaires.
Cela entre en résonance avec les propos du ministre Guerini sur France Inter le 11 février. Il a précisé le contenu de la réforme annoncé du statut de fonctionnaire :
« Il faut avoir le courage d’aller dans le cœur du logiciel, le logiciel statutaire »; « il faut « moderniser le statut ».
« Moi ce que je souhaite, c’est rendre de la liberté aux employeurs, pour pouvoir définir le mérite ». Car « sur le terrain, les employeurs, ils n’ont aucune marge de manœuvre »
« Quand on se décarcasse, on a envie d’être valorisé et on n’a pas envie qu’un collègue qui est moins engagé vous ralentisse dans l’évolution, dans la performance ».
Alors, « Si un agent a une réelle insuffisance professionnelle (c’est-à-dire s’il n’est pas performant) cela semble logique de le licencier ».
Ce qui est annoncé, par Attal, Belloubet, Guerini est donc parfaitement limpide :
Dans la continuité de la réforme des lycées professionnels applaudie par le MEDEF, avec le « Choc de savoirs », c’est une transformation profonde de l’école, une véritable rupture qui s’annonce :
– c’est l’explosion du second degré, la fin du cadre national des enseignements, des programmes, des horaires
– c’est la déscolarisation d’une fraction importante de la jeunesse, pour la soumettre aux besoins variables du patronat selon le bassin d’emploi, munie du simple kit de compétences du nouveau socle (dont les ’compétences psychosociales’)
– c’est la casse du métier et un coup de bélier dans les fondements du statut de fonctionnaire.
Et tout comme Belloubet, Guerini annonce que « Tout ça, on va le concerter ». « Dès la semaine prochaine, je vais proposer aux organisations syndicales de de reprendre le fil du dialogue (un dialogue qui est très sincère !) »
De cela il n’y a pas à douter : dialogue, dialogue, dialogue, à toutes les sauces, avec tout un chacun
Car le « dialogue social » a fait ses preuves comme moyen d’amadouer les syndicats et de conduire les mobilisations à l’échec.
On l’a bien vu avec la réforme des retraites : en dépit des annonces de Macron dès sa campagne électorale, le « dialogue » s’est développé durant des mois en 2023, jusqu’au dépôt du projet de loi au Parlement.
Car si les ministres changent, la méthode demeure.
- C’est avec cette méthode que le syndicat doit rompre.
Ni le « choc des savoirs » ni la « réforme des concours », ni la « modernisation » du statut de Guerini (dans sa totalité comme dans ses détails), ne sont discutables, amendables.
Il faut exiger le retrait pur et simple de la totalité de ces plans
Il y a urgence, car Macron engage la guerre contre la jeunesse qu’il entend formater, « réarmer », avec son nouveau socle, la redéfinition de l’EMC, l’évaluation des compétences « psycho-comportementales »… avec le SNU, les classes défense, l’uniforme… avec la participation de l’armée…
C’est aussi une guerre qu’il engage contre les personnels enseignants, contre les fonctionnaires,
Ces attaques contre l’Enseignement public visent à faire exploser le second degré, séparant l’école du socle (primaire-collège) du lycée dont les effectifs vont diminuer (bac-3:/bac+3).
Elles menacent lourdement tous les personnels de l’Enseignement public
Elles menacent aussi ouvertement notre… Syndicat National des Enseignements du Second Degré/SNES
Le 1er février, les personnels enseignants ont montré leur volonté de combattre cette offensive, de défendre l’Enseignement public
Personne ne veut que la volonté de combat qui s’est exprimée le 1er février connaisse la même issue que l’énorme mobilisation pour le retrait de la réforme des retraites,
Alors, il faut refuser les « concertations » avec dame Belloubet, avec sieur Guerini
Il faut utiliser toute la force et l’énergie du syndicat pour œuvrer à la réalisation de l’unité pour le retrait total de ces plans et pour organiser la mobilisation avec l’objectif d’infliger une défaite à ce gouvernement
En discuter est l’un des enjeux essentiels de notre congrès.
GD émancipation 69, le 14 février 2024