Plus d’un an après le déclenchement de son “opération spéciale” en Ukraine, Poutine commence à reconnaître qu’il s’agit d’une guerre. Une guerre totale avec invasion terrestre par une des principales armées du monde, blocus aérien et maritime, pilonnage des villes et autres objectifs civils (centrales, écoles, théâtres…), pillage des richesses et récoltes ; et aussi d’innombrables victimes militaires et civiles, des millions d’exilé·es,, des crimes de guerre et contre l’humanité (viols, déportations d’enfants, massacres de civils, torture…), des menaces nucléaires. Cette agression impérialiste du puissant État russe contre l’État indépendant d’Ukraine, dépasse en intensité beaucoup de conflits post-coloniaux, ou interethniques depuis 1945.
Cette guerre entraine au niveau des belligérants, mais aussi mondial, d’énormes régressions, sur tous les plans. Le non-respect des traités de paix et de non-agression, ainsi que l’agression des peuples, dont Poutine est coutumier, entraînent le renforcement et la légitimation des blocs militaires. Le militarisme, les politiques de réarmement, les ventes d’armes sont relancées. Les budgets militaires explosent, particulièrement en France. Cette course aux armements, comme les bombardements, le blocus des ports d’Ukraine, et les sanctions aggravent encore les lourdes factures écologiques économiques et sociales de la pandémie de Covid et du dérèglement climatique. Les populations pâtissent partout de cette aggravation, au niveau de la non disponibilité des denrées (avec l’augmentation de famines),de l’emploi, de l’inflation, des politiques d’austérité, des surcoûts de l‘énergie, et des graves conséquences du retour en force du charbon et des autres énergies fossiles et de la reprise des programmes nucléaires militaires et civils. Et aussi des migrations climatiques et de la faim, de leur sordide exploitation sur la route et des drames en mer commandités par l’Europe, qui pense se dédouaner à bon compte par un accueil plus ou moins satisfaisant des Ukrainien·nes “de souche“, blanc·hes et chrétien·nes…
L’autocrate à vie Poutine, prétend dénazifier l’Ukraine, pour convoquer le souvenir de la lutte héroïque du peuple russe contre l’Allemagne nazie. Cette guerre permet de renforcer le nationalisme dans un pays en crise, pour ce régime qui est de plus en plus souvent considéré comme fascisant, avec la sainte alliance de l’ultra nationalisme grand russe post-tsariste, des oligarques, du goupillon orthodoxe, d’une hiérarchie militaire rétrograde et servile, d’escadrons de la mort entrainés aux massacres en Syrie, en Afrique et dans le glacis post soviétique ; et aussi d’un quadrillage social et répressif qui n’a rien à envier au stalinisme.
La résistance de l’armée ukrainienne, de la défense territoriale et de la population ont infligé à l’armée russe d’importantes pertes matérielles et humaines et l’ont repoussée et bloquée sur tous les fronts, y compris dans les enclaves russes. Zelinski est apparu comme le symbole de l’unité de la lutte contre l’envahisseur. Pour autant, son gouvernement ultralibéral, dominé par les oligarques et soutenu par les USA, profite de la loi martiale pour renforcer sa politique anti-ouvrière, contre laquelle syndicats et organisations progressistes ukrainiennes doivent se mobiliser en même temps que combattre l’invasion russe.
Le soutien de l’union européenne et des USA rapide et substantiel (qui tranche avec celui vis à vis du peuple palestinien, dont la situation est très similaire du point de vue du droit et des résolutions internationales), n’est pas dénué d’arrières pensées. Les sanctions permettent aux USA de vendre au meilleur prix leur gaz liquéfié extrait par la très anti écologique fracturation. Les impérialismes occidentaux ne sont pas fâchés d’affaiblir la Russie sur le dos du peuple ukrainien, d’où des livraisons d’armes de plus en plus “performantes”. Et on ne compte plus les demandes d’adhésion à l’OTAN, qui devient de plus en plus la base arrière de l’effort de guerre ukrainien, avec les risques de généralisation du conflit inter-impérialiste.
Émancipation, fidèle à sa tradition internationaliste et antimilitariste, défend un positionnement de classe visant à soutenir la résistance du peuple ukrainien, son droit à s’autodéterminer. Mais aussi à contrer l’exacerbation partout du militarisme et les effets désastreux de cette guerre pour les travailleur·euses, la jeunesse du monde entier et pour la planète.
La solidarité ouvrière internationaliste :
- soutien aux forces démocratiques et syndicales indépendantes, qui se mobilisent aussi contre les mesures anti-ouvrières en Ukraine ;
- soutien aux opposant·es anti-guerre en Russie, en Biélorussie… et aux pacifistes ukrainien·nes. Le droit légitime à l’autodétermination ne doit pas être un prétexte pour contraindre les personnes qui ne le souhaitent pas à se battre, quel que soit leur genre réel ou supposé ;
- accueil de tou·tes les réfugié·es, originaires d’Ukraine et d’ailleurs sans discrimination et avec des réponses adaptées à leur situation. Particulièrement pour les femmes, nombreuses, vue la conscription genrée en Ukraine. Les victimes de viols doivent être accueillies dans un pays qui autorise l’avortement ;
- soutien aux convois et réseaux ouvriers de solidarité. Émancipation rejoint “le réseau européen de solidarité avec l’Ukraine et contre la guerre” et soutient, parmi d’autres formes de solidarité, plusieurs convois. Pour ce qui est des invectives sur les livraisons d’armes, des distinctions oiseuses entre les armes défensives et offensives, la production de telles armes, leur vente et leur livraison sont des prérogatives que se réservent les impérialismes. La question pour des internationalistes est plus de se préoccuper des forces (progressistes ou non) qui recevront ces armes et pourront les utiliser dans l’éventualité d’un processus de mobilisation populaire, toujours possible dans le contexte ;
- boycott des hydrocarbures et produits de luxe russes… ou refus de les décharger ;
- confiscation des profits des entreprises réalisés en Ukraine malgré les sanctions.
Les exigences pour la paix en Ukraine et au niveau mondial :
- négociations pour un cessez-le-feu immédiat, l’abandon du blocus maritime, le retrait des troupes russes de l’ensemble des zones occupées, si nécessaire avec médiation internationale. La question de la Crimée, annexée en 2014 par la Russie suite à un référendum sous la contrainte d’une invasion, ne doit pas constituer un motif de poursuite et d’extension de la guerre. Elle doit se régler de façon diplomatique, ce qui suppose l’arrêt des persécutions de Tatars en Russie et en Crimée ;
- annulation de la dette de l’Ukraine (moratoire immédiat sur le service de la dette, annulation de la dette auprès du Fond Monétaire International, de la Banque Centrale Européenne et de la Banque mondiale, rachat de la dette privée par la BCE) et aide conséquente à la reconstruction du pays abondée par la saisie des biens des oligarques et des aides internationales non soumises à allégeance aux USA, au FMI ou à la BCE ;
- respect partout des minorités nationales ; combat contre la romophobie et la russophobie ;
- dissolution des blocs militaires, l’OTAN et l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et fin des menées impérialistes de notre gouvernement, en Europe orientale (Roumanie, Estonie, Pologne), en Afrique et partout ailleurs dans le monde ;
- programmation d’un désarmement nucléaire et conventionnel, du démantèlement des complexes militaro-industriels, de la réorientation des budgets militaires vers la justice sociale et environnementale, la coopération et la solidarité entre les peuples.
Combattre la militarisation, le militarisme en France et ailleurs
- généralisation des collectifs antimilitaristes, contre la guerre, la militarisation et le militarisme ;
- refus des armées de pacification intérieure (Sentinelle…) ;
- actions concrètes contre le militarisme sur les lieux de travail : armée à l’école, éducation à la paix, campagne contre l’armement de guerre des forces de répression, contre le SNU que Macron veut rendre obligatoire. ;
- prise du parti des exploité·es et des opprimé·es dans tous les conflits. Cela exige une opposition irréductible à l’armée en tant que corps constitué, au militarisme et au chauvinisme sous toutes leurs formes.
Le capitalisme c’est la guerre !
Il n’y aura pas de paix véritable en Europe et dans le monde, tant que les pays seront dirigés par des gouvernements gérant les intérêts des grands groupes capitalistes pour qui les êtres humains et la nature ne sont que des instruments de leurs profits, dans le travail, comme dans des guerres. Ce qui doit conduire à soutenir les politiques anticapitalistes et les révolutions sociales.
Émancipation tendance intersyndicale, le 14 mai 2022
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