G. Attal a annoncé le 5 décembre les mesures qu’il compte mettre en œuvre dès la rentrée 2024 dans les écoles, collèges et lycées, dans le cadre d’un prétendu “choc des savoirs”.
Ce plan organise le tri des élèves dès la fin de l’école primaire, programme l’explosion du groupe classe au collège et introduit une barrière à l’entrée du lycée, avec en toile de fond une scolarité obligatoire qui serait réduite à l’école du socle pour une part importante de la jeunesse.
Ces mesures, qui ne seraient pas sans conséquences sur les programmes, les horaires et les enseignements disciplinaires, s’intègrent à la volonté plus générale du gouvernement de remise en cause du cadre national de l’Enseignement public et du statut des personnels.
Un plan Attal destructeur !
Sous couvert “d’élévation du niveau”, le ministre Attal a annoncé sa volonté de réécrire les programmes, qui incluraient les contenus mais aussi les méthodes. À tous les niveaux, et plus particulièrement dans le primaire (où des manuels seraient labellisés), semble se profiler une pédagogie officielle et une remise en cause de la liberté pédagogique des personnels.
Au collège, dès la rentrée 2024 en 6e et 5e (puis en 4e et 3e en 2025), les élèves seraient placés dans trois groupes de niveaux “flexibles” en mathématiques et français. Les groupes les plus en difficulté seraient dédoublés (pour un maximum de 15 élèves). Assurément, en dépit d’une situation certes dégradée, il s’agirait de renoncer par avance à amener une classe à la maîtrise du programme, avec des conséquences désastreuses à la clé.
Par ailleurs, l’obtention du brevet serait rendue nécessaire pour pouvoir accéder à la classe de seconde. L’annonce d’une classe “prépa-lycée” ne pourrait vraisemblablement constituer qu’un pis-aller. Les déclarations du ministre anticipant d’ores et déjà une baisse des taux de réussite au brevet et au bac confirment l’éviction probable du lycée d’une partie non-négligeable de la jeunesse, en relation avec la réforme des lycées professionnels et la volonté gouvernementale de promouvoir l’apprentissage à marche forcée.
Vers un enseignement à plusieurs vitesses ?
Le plan Attal prévoit en collège que les “conseils de classe pourront proposer aux élèves en grande difficulté un renforcement dans les enseignements fondamentaux jusqu’à 2 à 3h par semaine”, tout cela “avec une réduction temporaire des cours dans d’autres disciplines”. Le ministère évoque des “parcours personnalisés”, ce qui ne peut qu’interroger sur le maintien d’une grille horaire nationale et d’enseignements disciplinaires. Dans le contexte de suppressions de postes et de recrutements insuffisants, il est permis de se demander qui assurera les différents cours de français et de mathématiques : s’agira-t-il uniquement de professeurs formés dans ces deux disciplines ?
De la même manière, le ministre annonce le retour du redoublement, mais il est surtout précisé que le passage dans la classe supérieure pourra être conditionné à des stages de “remise à niveau” pendant les vacances, et qu’il y aura une classe prépa-lycée qui se substituera au redoublement de la 3e. Tout cela relativise grandement l’intention affichée.
Plus fondamentalement, c’est un collège à plusieurs vitesses qui semble se dessiner. Pour certain·es, il sera possible d’aller au lycée, avec l’obtention du brevet ; pour les autres, les objectifs assignés seront ceux du socle commun dans le cadre de l’école du socle.
Le ministre annonce ainsi l’écriture d’un nouveau socle commun, qui serait basé sur quatre piliers : les compétences fondamentales en mathématiques et français (“travaillées dans toutes les disciplines”), les compétences psychosociales et des “repères” de culture générale. Le document ministériel évoque “des repères mentionnés dans les programmes” qui “devront faire l’objet d’évaluations aux moment clés du parcours de l’élève”, ce qui relativise la portée à la fois des programmes et du brevet, et remet en cause un véritable enseignement disciplinaire, socle d’une véritable culture.
Tout porte à croire qu’il s’agit pour le gouvernement de pousser encore plus loin la logique du socle commun, avec un programme qui serait réduit à des “compétences fondamentales” et des “repères” pour une part importante des élèves.
Quant à l’Intelligence Artificielle, selon Attal elle doit servir à “l’amélioration de la détection des difficultés des élèves et [à] la remédiation”. Or, il est impensable qu’elle soit utilisée pour la remédiation, comme le préconise Attal, car les élèves à besoins éducatifs particuliers sont ceux et celles qui, à cause de leur manque d’autonomie, ont le plus besoin, et d’écrit, et d’accompagnement humain. L’Éducation nationale ne doit pas servir de terrain d’expérimentation pour un futur marché de l’IA ou du numérique éducatif au détriment des élèves les plus fragiles.
Une offensive contre le statut des personnels
Le plan Attal conduirait nécessairement à une diminution du nombre d’élèves au lycée. Il impliquerait une autonomie accrue des établissements (constitution des groupes, parcours individualisés, emplois du temps, mise en place de dispositifs variés…) et constituerait un point d’appui pour la déréglementation des horaires et des programmes nationaux, et des enseignements disciplinaires au collège, avec pour corollaire la contractualisation et d’importantes économies à la clé.
Une telle configuration entrerait en contradiction avec le maintien du statut des enseignant·es, dans le cadre de la Fonction publique, et de leur qualification disciplinaire. À tout le moins dans tous les établissements.
La réforme annoncée des concours (en liaison avec le projet de réforme de la Fonction publique) entre ainsi en résonance avec le plan Attal. Le gouvernement a annoncé depuis plusieurs mois sa volonté de centrer les concours sur “les compétences qui seront ensuite nécessaires dans les classes”. E. Macron indiquait ainsi en septembre s’agissant des futur·es candidat·es aux concours : “On les accompagne, on leur apprend la pédagogie dès les premières années, on leur apprend les savoirs fondamentaux et on limite un phénomène qui crée de la frustration avec certains enseignants qui entrent avec un cursus parfois disproportionné et qui ont fait trois, quatre ou cinq ans d’enseignement supérieur avant de tenter les concours de l’enseignement […] Alors qu’on aurait pu, avec une formation post-bac en quelques années les recruter et développer en parallèle des mécanismes de formation continue”. La volonté d’affaiblir encore les concours, de créer des licences pluridisciplinaires est à rapprocher des mesures prévues dans le plan Attal.
Le projet de réforme Guérini de la Fonction publique, avec l’introduction d’une rémunération au mérite à la main des responsables locaux, et plus largement la volonté de substituer une fonction publique d’emploi à une fonction publique de carrière, est à relier aux objectifs d’autonomie du gouvernement.
Retrait du Plan Attal-Macron !
Retrait du projet de loi Guérini !
Assurément, les projets de gouvernement programment une transformation profonde de l’école, pour la jeunesse comme pour les personnels.
La responsabilité des organisations syndicales est d’exiger le retrait du plan Attal (“choc des savoirs”) et plus largement de demander le retrait du projet de loi Guérini sur la Fonction publique et des diverses mesures contre l’enseignement. Cela implique de quitter les concertations en cours avec le gouvernement.
Sur ces bases, il sera possible d’appeler les personnels de l’enseignement public à la mobilisation pour repousser les plans du gouvernement et ouvrir la voie à la satisfaction des revendications (hausse des salaires, créations de postes…)
Émancipation GD 13