Émancipation


tendance intersyndicale

Alain nous a quitté·es

Il était né un premier mai, une date emblématique. Il est mort le 27 novembre à 69 ans. Il venait d’une famille modeste : des parents d’origine italienne, charcutiers à Embrun dans les Hautes-Alpes.

Après 1968, il est “mao”, mais déjà très opposé au stalinisme dans le comité d’action de la fac d’Aix.

Il arrive dans le GD 13 (Groupe Départemental des Bouches-du-Rhône) de l’ÉÉ (École Émancipée) en 1975. C’est l’époque d’affrontements assez durs entre “ligues” et “non-ligues”. Alain est dans le deuxième groupe. Il va rapidement apporter au GD sa culture, sa puissance d’analyse et ses indignations. Il est engagé dans le soutien aux dissidents des pays de l’Est et sera même frappé par le service d’ordre de la CGT.

En 1980, l’Équipe Responsable de la tendance a été phagocytée par des Lambertistes. Alain est de ceux qui organisent un Collège extraordinaire puis la Semaine de l’ÉÉ qui aura lieu au-dessus d’Embrun. La tentative des Lambertistes de prendre le contrôle de la tendance échoue.

Il est un des piliers de l’Équipe Responsable qui suit et devient notre (unique) représentant au Bureau National de la FEN (Fédération de l’Éducation Nationale) qui est une bureaucratie particulièrement antidémocratique. Alain, très attaché au syndicalisme révolutionnaire, défend une ligne qui rejette simultanément les deux grands courants “réformistes” : UID (Unité, Indépendance et Démocratie, lié au PS et qui dirige la FEN) et UA (Unité et Action, à l’époque très proche du PC et qui dirige le SNES).

Il participe à de nombreuses Semaines de l’ÉÉ dont celle de Lagrasse (dans l’Aude, 1986) où nous voyons pour la première fois Christine qui sera la mère de ses trois derniers enfants.

Le GD 13 est à nouveau ER (Équipe Responsable) en 1988 et les réunions se font chez lui. L’éclatement de la FEN est en route. Alain réalise qu’une partie de la tendance, menée par le secrétariat enseignant de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), a négocié avec UA et avec le SNETAA (syndicat de l’enseignement professionnel, très corporatiste) une alliance. Celle-ci deviendra officielle au congrès de Clermont-Ferrand de la FEN. Alain sera agressé verbalement avec une violence incroyable lors d’un Collège national de la tendance. Il en sera durablement marqué. Considérant (à juste titre) que le positionnement historique de la tendance est remis en cause, Alain démissionne de son poste et de la tendance. Les réunions de l’ER se font toujours chez lui, mais il n’y participe pas.

Il ne reviendra pas sur cette démission. Il restera quelque temps dans ce qui reste de la FEN avant de constater qu’il n’y a aucun espoir de ce côté-là.

Depuis sa démission, il y a 30 ans, nos routes n’ont jamais cessé de se croiser.

Il sera un des piliers locaux d’un très grand investissement des militant·es et des didacticien·nes dans la formation des maîtres et les IUFM. La question des savoirs a toujours été pour lui fondamentale. Il a été un formateur efficace et aimé et celles et ceux qu’il a formé·es étaient en nombre à ses obsèques pour dire tout ce qu’il a représenté.

Il sera un des trois citoyens de Marseille à porter plainte contre la municipalité de Marseille et son PPP (Partenariat Public Privé). Gaudin qui laisse les écoles de Marseille s’écrouler avait eu l’idée lumineuse de confier la gestion des bâtiments au privé. Cette lutte sera victorieuse.

Alain assurait aussi une “formation” au marxisme avec des militant·es de Martigues. On le voyait parfois silencieusement à des rassemblements pour la Palestine. Il participait à un groupe intitulé “réinventer la gauche” et avait un comportement très unitaire en vue des prochaines élections municipales à Marseille.

Il va beaucoup nous manquer.

Pierre Stambul


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