Congrès de la FSU
Le Congrès de la FSU 13 vient de s’achever et le bilan n’est pas mauvais sur le fond pour Émancipation si l’on songe aux amendements adoptés, aux motions votées. Sur la Palestine, le nucléaire, nos points de vue deviennent majoritaires et certaines de nos propositions, sur la Catalogne par exemple reçoivent un accord presque unanime. Mais, sur la forme, le fonctionnement syndical interroge.
Il y a les “pros” à la tribune, et celles et ceux qui ne rentrent pas dans le cadre peuvent être sévèrement tancé·es… ou pas entendu·es du tout. Quelques exemples de demandes pourtant recevables par Unité & Action : une sur la féminisation des textes est rejetée avec un certain agacement : impossible, à ce stade, cela représenterait trop de travail ! Par ailleurs, un camarade propose une minute de silence pour les mort·es en lien avec le mouvement social : c’est comme s’il n’avait rien dit. Un autre évoque avec enthousiasme les mobilisations des Gilets jaunes, notamment à Martigues où il milite. Cela tombe à plat. D’ailleurs les Gilets jaunes sont quasiment absents des réflexions syndicales. On a l’habitude d’un système hiérarchisé, pyramidal dans le syndicalisme (et à bien d’autres niveaux, politiques ou associatifs), alors même que les gens sont de moins en moins formés (ou formatés) par des partis ou des organisations à la discipline stricte. Les Gilets jaunes ont montré qu’un mouvement social pouvait s’inscrire dans la durée – malgré la répression policière acharnée et la déferlante médiatique à leur encontre – sans l’appareil bureaucratique qui caractérise les syndicats en général, et la FSU en particulier : leaders, décharges, subventions, locaux dédiés, moyens financiers pour les camions, les sonos tonitruantes, les journaux, les déplacements, les accessoires… et sans toutes ces structurations qui filtrent la parole, la canalisent, et l’assèchent parfois.
S’exprimer, un exercice difficile
Car comment s’exprimer dans ces conditions ? Les responsables parlent longuement, en début de séance, quand l’assistance est concentrée. Les simples militant·es ont deux minutes, trois au maximum, ce qui exige une grande capacité de synthèse, d’autant plus que l’ordre d’intervention se décide à la tribune : si l’on n’est pas soi-même très expérimenté·e, l’exercice est difficile à maîtriser en fonction du déroulement des débats. Sans doute les congrès ne concernent-ils pas l’ensemble des adhérent·es, mais nombre de réunions syndicales fonctionnent sur ce même mode : tour de parole rigoureux, temps drastiquement minuté quand les responsables ont eu une heure ou davantage pour un exposé très approfondi. Si les tendances ont droit à la parole, il y a des moyens de marginalisation ; faute de parité, on note que les femmes s’expriment moins que les hommes dans des professions pourtant très féminisées. Et puis, les expert·es, les chevronné·es sont plus à l’aise que les jeunes ou les non spécialistes, c’est-à-dire presque tout le monde : il faut s’approprier les codes, connaître les sigles, comprendre les enjeux pour ne pas se laisser manipuler. Outre les questions de fond (maintien de concertations avec un gouvernement qui ne négocie jamais, routine et ritualisation d’actions inefficaces…), les questions de formalisme peuvent aussi éloigner les salarié·es du syndicalisme et décourager les plus volontaires. Nombre d’initiatives originales vont alors se développer hors champ syndical, dans des collectifs, des coordinations ; les Nuits debout, les Gilets jaunes, plus ponctuellement les Stylos rouges répondent certainement à ces besoins d’expression spontanée, et de créativité dans le mouvement social.
S’ouvrir à des modes de fonctionnement moins rigides
L’outil syndical reste un acquis essentiel, mais il lui faudrait s’ouvrir à des modes de fonctionnement moins rigides, avec des espaces où chacun·e, quel que soit son statut, pourrait s’exprimer librement, sans être interrompu·e , recadré·e, critiqué·e. J’ai le souvenir de ma première intervention dans une Assemblée générale gérée syndicalement ; personne ne me connait mais je m’inscris quand même. Une heure passe, puis deux… je vérifie que je n’ai pas été oubliée et constate avec surprise que nombre d’orateurs arrivés bien après moi sont invités à prendre la parole, mais ce sont des “ténors” (des hommes, si ma mémoire est bonne). Lorsque mon tour vient, en fin d’après-midi, la salle est presque vide !
À d’autres époques, on pouvait accepter de rester dans l’ombre quelques mois, quelques années… aujourd’hui l’envie d’une démocratie plus directe est forte, et les militant·es déçu·es par des pratiques trop autoritaires risquent de renoncer à s’inscrire dans le mouvement syndical.
Marie-Noëlle Hopital