La mobilisation contre la réforme des retraites a mobilisé le secteur de l’éducation assez massivement. Si les temps forts ont été suivis, l’auto- organisation nécessite encore d’être développée quand elle ne l’est pas, ou entretenue quand elle existe. La rentrée exige un regain de la mobilisation pour soutenir et rejoindre les cheminot.es et traminot.es en grève. Retour sur l’état de la mobilisation dans quelques villes
Pas de retraite pour l’auto-organisation dans le Finistère !
Un regain de l’auto-organisation qui se heurte aux cadres classiques de mobilisation
Le mouvement des Gilets jaunes avec les Assemblées des Assemblées et la mobilisation dans l’éducation contre les réformes Blanquer l’année dernière avec la coordination nationale des établissements et collectifs en lutte permettent d’espérer le retour d’expériences d’auto-organisation pouvant jouer des rôles décisifs dans les luttes sociales.
Dans le mouvement contre la réforme des retraites, le nombre de participant·es aux Assemblées générales dans certaines grandes villes ou d’autres lieux où les traditions du mouvement social ont perduré, permet d’entrevoir cette possibilité. Le développement des cadres d’auto-organisation rencontre cependant plusieurs difficultés selon les endroits et les secteurs concernés. Si l’urbanisme, l’organisation du travail ou l’imprégnation d’idéologie bourgeoise favorisée par les grands médias sont des facteurs à prendre en compte pour expliquer les difficultés pour développer les pratiques d’auto-organisation, la question de l’attitude des directions syndicales à de nombreux niveaux vis à vis des Assemblées générales et des coordinations doit aussi être prise en compte pour rendre le mouvement contre la réforme des retraites plus puissant.
La relation entre structures syndicales et l’auto-organisation
La neutralisation des cadres d’auto-organisation et le dialogue social pour le pire
Comme point de départ pour tenter de dénouer le sac de nœuds de ces relations, nous pouvons partir de la posture de plusieurs intersyndicales (CGT, FO, FSU, Solidaires en général) de soutien à la grève générale voire plus subtile encore “d’appel à renforcer la mobilisation par la grève et sa reconduction quand et partout où les salariés le décident” tout en appelant sans émettre de réserve à une journée de grève et de manifestation en leur nom le 9 janvier 2020.
Si sur un malentendu, l’interprétation qui peut en être faite est celle d’un appel à la grève reconductible, la traduction en terme d’investissement de l’appareil syndical dans l’organisation et le développement de la grève, mais aussi les interventions de certains responsables syndicaux en Assemblées générales sont éclairantes sur la nature de ces appels aux salarié·es à s’en remettre à eux/elles même pour reconduire la grève et faire en sorte qu’il n’y ait pas de trêve jusqu’au prochain “temps fort de mobilisation et de grève”.
Avant le 5 décembre, il y eu un débat dans l’intersyndicale finistérienne pour l’appel à une Assemblée générale après la manifestation. Malgré un refus catégorique d’un des syndicats dans un premier temps, l’intersyndicale a fini par appeler à une Assemblée générale consultative. Mais pourquoi pas décisionnelles ? L’argument avancé aurait été que la décision de reconduction de la grève devait être prise boîte par boîte.
Si les appels lancés par des regroupements de personnes militantes mais isolé·es ont en effet des limites, le choix de passer uniquement par la structure syndicale pour favoriser le développement et la coordination des grévistes devrait en toute logique être défendue par celles et ceux qui conçoivent les AG comme consultatives. Mais ce travail n’est pas entrepris et ces mêmes représentant·es syndicaux mettent en avant leur soi-disant soucis de ne pas se substituer aux masses et leur lutte contre l’avant-gardisme pour justifier de laisser parfois même leurs propres syndiqué·es sans leur proposer de coordination.
Quand la contradiction qui consiste à exiger que les gens s’organisent pour être plus forts tour en leur disant de ne plus agir de manière conséquente une fois organisés anime une organisation, on comprend l’important turn-over et l’attachement de celles et ceux qui en restent à des intérêts propres à l’organisation mais pas forcément au mouvement social. Cette manière de prendre le pouvoir sans en prendre les responsabilités ne peut en effet faire sens que pour cette caste sociologiquement liée au développement du dialogue social, mode de gouvernance légitimiste vis à vis des institutions et nécessitant que cette caste soit la seule interlocutrice avec le gouvernement et les institutions pour obtenir des “avancées”. Pour celles et ceux qui veulent en finir avec les institutions soumises au capitalisme ou qui sont au moins conscient·e que rien de significatif ne s’obtiendra sans qu’un rapport de force contraignant soit engagé, ce type de syndicalisme ne peut faire sens…
En pratique, cette orientation de “chef·fes syndicaux” se traduit notamment par l’absence de mise en place de caisses de grèves, avec comme argument que leur création se pose une fois que les grévistes sont lancé·es dans la bataille de manière conséquente, avec les problèmes d’argent qui vont avec. L’idée que l’anticipation des problèmes d’argent empêche certain·es travailleurs et travailleuses de se lancer ne serait pas un argument recevable pour ces chef·fes syndicaux…
Ce qui n’est pas recevable, c’est de n’engager la structure syndicale que sur le rythme du calendrier gouvernemental des concertations toujours dans le cadre du dialogue social ! Le gros des structures syndicales vont de fait faire trêve jusqu’au 9 janvier, organisant parfois un ou deux tractages et un rassemblement pendant les vacances scolaires, alors que les cheminot·es ont déjà plus de 17 jours de grève dans les pattes !
Mettre beaucoup de drapeaux dans la rue le 9 janvier reviendra à mettre beaucoup d’air dans la sauce pour mieux se faire mousser auprès des autres “partenaires sociaux” mais aucun travail conséquent de développement et de structuration du mouvement n’aura été engagé entre temps !
L’articulation entre les sections syndicales et les Assemblées générales coordonnées pour le meilleur
Alors que les directions de l’UNSA et de la CFDT ont demandé une trêve pendant les fêtes de fin d’année, les réactions de la base de l’UNSA-RATP ou de la CFDT- Cheminot matérialisent bien l’existence de tensions entre l’orientation basée sur l’engagement d’un rapport de force et celle basée sur le dialogue social.
Faire converger les équipes les plus combatives des différents secteurs en lutte nécessite de créer des cadres de convergences et les Assemblées générales en sont. Cet objectif est d’autant plus important à réaliser que dans les AG actuelles, il y a une surreprésentation des militant·es politiques au sens large. Passer la consigne aux sections syndicales en lutte de ne pas participer aux AG interpro-interlutte car ces milieux y sont surreprésentés est auto-réalisateur : en effet, moins la décision est prise d’envoyer des délégué·es de sections syndicales en lutte dans ces AG, moins ces AG sont représentatives de personnes au delà de ses participant·es… L’effet est funeste des deux côtés : la teneur des AG en pâtit en même temps que les sections syndicales “représentatives” pâtissent quand à elles de l’absence de cadre de convergence.
Promouvoir les ponts et proposer des initiatives en coordination avec les AG permettrait aussi de faire la démonstration de la force et de l’utilité des syndicats auprès des travailleurs et travailleuses qui ont des appréhensions, fondées en l’état, sur ces organisations. Dans le respect de leurs mandats, il serait beaucoup plus productif pour une organisation de mettre à disposition ses moyens logistiques (tirages de tracts, prêt de sono, prêts de locaux…) et de montrer la force du réseau que permet d’établir une “marque” syndicale.
Dans le Finistère, les équipes syndicales plébiscitées par des Gilets jaunes pourtant plutôt asyndicaux voire hostiles au départ, sont celles qui font ce pari. L’UD-FO 29 a notamment cette tradition depuis plusieurs années.