Émancipation


tendance intersyndicale

Œil pour œil

Depuis mon article dans le n°8 de la revue, le congrès de la CGT et la démission de Berger ont initié une nouvelle période pour l’intersyndicale, qui atteint ses limites. Souhaitons qu’elle reconnaisse enfin la place de l’auto organisation qui s’est renforcée. Ces deux structures sont condamnées à travailler ensemble et dans la durée pour battre Macron, ses sbires et aussi Le Pen.

Bloquer ce pouvoir odieux

Macron lâche ses sbires, les Darmanin et Le Maire, pour manier l’odieux. L’un pour traquer les associations écoterroristes, des soulèvements de la terre à la LDH et les militant·es d’ultra ou d’extrême gauche, qui seraient responsable de toute la colère suscitée par ce régime, pendant qu’il utilise une police (votant majoritairement pour l’extrême droite, il faut le rappeler) pour massacrer la jeunesse, les écologistes et les cortèges syndicaux et protéger les rassemblements fascisants. Et l’autre pour désigner à la vindicte publique “les maghrébin·es” (au bas mot 10 % de la population française) qui mettraient en péril les finances du pays, par de légendaires fraudes inhérentes à l’origine géographique, pendant qu’il absout les fraudeur·euses en col blanc qui n’ont pas su se contenter des énormes cadeaux fiscaux.

Ces deux candidats à la succession d’un Macron qui travaille plutôt pour laisser la place au RN, pensent s’affirmer en piochant dans le fond de commerce de ce dernier, atomisant le peu de consensus social républicain qui restait. On n’aura jamais assez de mépris pour cette lamentable coterie, qu’il conviendra de fêter dignement à chacune de ses sorties.

Afin de protéger la population et les militant·es de leurs exactions, sans laisser l’extrême droite poursuivre son œuvre de destruction, voyons comment améliorer le rapport de force de ce qui s’est construit en face et surtout comment le rendre durable, aussi bien sur les retraites, que sur l’ensemble de la politique néolibérale et sur les prétentions du RN. Avec tout ce que ce mouvement a d’enthousiasmant, de novateur, mais aussi avec ses limites qui font qu’on est passé très près de la victoire par KO et qu’on doit pour le moment se contenter d’un passage en force de plus, avec la promulgation de la loi par un Macron de plus en plus affaibli.

On peut éviter que tou·tes celleux qui son né·es après 68 ne voient leurs meilleures années de retraites transformées en les pires années de cette vie qu’on dit active : travail de plus en plus difficile à supporter, petits boulots mal payés, chômage encore dégradé par la clique Macron. On peut éviter toutes les attaques, y compris mises un temps en sourdine (comme la loi immigration et l’obligation du SNU qui refont surface) que Macron prétend imposer pendant encore quatre ans, enhardi par ce qu’il pense être une victoire à la Thatcher. On peut éviter que Le Pen et ses soudards ne se moulent dans cette société d’exclusion et de répression mise à sa leur disposition par la Macronie… Faisons des 100 jours de Macron un Waterloo.

Demander des comptes à l’intersyndicale

L’intersyndicale nationale est en train d’épuiser ce qu’elle sait faire : les journées d’action. Ces grèves de 24 h et les manifestations, y compris des samedis, ont permis d’exprimer le large refus populaire de la réforme et de parvenir à prolonger la mobilisation déjà plus de trois mois. L’unité syndicale, complète et inédite, surtout sur une telle durée, a favorisé le développement de la grève. Elle a privé Macron du semblant de caution sociale dont il avait bénéficié jusque là. Mais à quel prix ! L’incapacité de l’intersyndicale à appeler à la reconduction, aux blocages et plus généralement à l’auto-organisation du mouvement a freiné le développement de ces formes de luttes. Et c’est d’autant plus dommage depuis que le 49-3 a relancé la colère et les luttes de la base. De même l’omerta des syndicats de police de l’UNSA et de FO n’a pas permis que l’intersyndicale combatte ou simplement dénonce les violences policières systématiques qui visent à casser les secteurs mobilisés et la jeunesse et à dissuader de manifester, et y réussissent partiellement.

Entre l’attentisme vis à vis d’échéances prévisibles dans le cadre de cette république bourgeoise (votes au parlement, audience chez Borne, résultats des recours devant le Conseil constititionne) et les nièmes grèves de 24 h espacées, les directions syndicales auront certes préservé leur unité. Mais, ces dernières semaines, leur gestion routinière de cet exceptionnel mouvement n’aura pas permis, à ce jour, de porter le coup de grâce à Macron. Elles devront répondre collectivement et chacune de ce résultat. Elles essaieront bien de se dédouaner derrière le réformisme et le légalisme de Berger, dont les déclarations sur la “pause” et la “médiation” ont certes jeté le trouble et été fatales, au congrès confédéral de la CGT, à la ligne de Martinez qui les a reprises, alors qu’elles n’étaient pas par retenues par l’intersyndicale. Mais, quel que soit l’étiquetage de leur syndicalisme de lutte ou réformiste, ces directions sont loin de la radicalité des préambules des statuts régissant leurs organisations. Elles sont en fait toutes engluées dans le dialogue social où, depuis plusieurs années, elles se font littéralement promener dans des concertations et prétendues négociations qui leur prennent une bonne partie de leur temps militant et elles se voient imposer d’incessants reculs sur les acquis des grandes luttes ouvrières. Elles n’ont d’ailleurs pas cessé d’accepter de mener ce dialogue social pendant la mobilisation en cours sur les retraites : accords sur le télétravail et sur la protection sociale complémentaire dans les ministères de la Fonction publique, rémunérations et pacte dans l’Éducation nationale… Elles ont bien tenté de mettre la suspension de ce dialogue social dans la balance… mais jusqu’au 1er mai ! C’est une démonstration de force qui n’en est pas une. Cette reprise annoncée à l’avance prive l’intersyndicale d’un des moyens de poursuite de la lutte et apparaît pour ce qu’elle est : une rodomontade de plus (après le “bloquer le pays”… avec une grève de 24 heures le 7 mars).

Soutenir et rejoindre les secteurs les plus mobilisés

La situation actuelle, impose de contribuer à réussir les actions de l’intersyndicale, si tant est qu’elle en propose encore après le 1er mai. Mais aussi, pour éviter que celui-ci ne soit un baroud d’honneur de généraliser les mobilisations de terrain. Bien sûr en premier lieu celles organisées dans les secteurs clés comme les déchets ou les transports, dont les travailleur·euses poursuivent ou reprennent la grève mais aussi l’énergie où la CGT annonce vouloir perturber les grands évènements (pas de retrait, pas de Roland Garros, pas de JO…). Un soutien efficace à ces luttes, le plus collectivement possible (décisions d’AG, de sections syndicales et à défaut individuellement) s’entend au niveau politique (demande de relais syndicaux, diffusion des appels, tracts…) ; au niveau financiers : pour permettre vraiment de durer les caisses de grèves actuelles doivent être multipliées par 10 ; au niveau pratique (renforts pour les initiatives, blocages, piquets de grève…) et aussi au niveau défense contre la répression (rassemblements lors d’arrestations, devant les commissariat, les tribunaux, renforcement des structures anti-répression et des street médics…). Le RIC électrique est une forme de soutien à développer, qui nécessite une coordination par réseaux sociaux et bien sûr le lien avec les travailleur·euses de l’énergie vis-à-vis desquel·les il peut constituer une excellente forme de solidarité. Chez soi couper les compteurs individuels à heure fixe (par exemple le début d’un discours macroniste) puis les remettre, à la même heure fixée pour tou·tes, avec une forte demande, radiateurs, plaques électriques. On peut ainsi mettre en berne les installations générales sans dommage pour les équipements.

Pérenniser la lutte

Ce mouvement exceptionnel, dans ce moment politique incertain, est l’occasion de renforcer et pérenniser toutes les structures de luttes. Ce qui suppose d’améliorer au maximum leur fonctionnement démocratique et d’enrichir leurs moyens d’action, à partir de ce qui fait le plus mal à tous les ennemis de classe.

Les syndicats d’abord seraient plus forts avec plus que les 10 % d’adhérent·es dont ils sont crédités en moyenne, et aussi plus indépendants vis-à-vis de subsides d’État. La désyndicalisation est enrayée depuis le début de la lutte sur les retraites. Mais ce qu’il faut viser, c’est le renforcement des syndicats les moins réformistes, sur une base de luttes, de soutien aux mobilisations auto-organisées à commencer par celles qui se poursuivent sur les retraites et d’abandon du dialogue social, en évitant partout la délégation de pouvoir, qui fait le lit de la bureaucratisation. Sauf enjeux locaux, il y a certainement plus de possibilités d’agir dans ce sens à Solidaires, à la CGT, à la FSU (avec les tendances réellement combatives), voire à FO.

Ensuite, les structures d’auto-organisation, AG, comités de lutte, de quartiers… doivent jouer un rôle plus important dans la multiplication et la diversité des luttes dans la durée. Celleux qui s’arrogent tous les droits par les passages en force et la répression doivent être mis en demeure chaque jour que durera leur “pouvoir” et partout de respecter le droit du peuple. En plus de la grève et de sa reconduction et des blocages, un certain nombre d’actions sont là pour le leur rappeler à chaque occasion. Les casserolades trop souvent méprisées ont depuis longtemps sonné le glas de régimes autoritaires, rappelons-le à celui qui sévit dans notre pays. Lorsque la grève devient plus difficile pour des raisons salariales, ou d’obligations vis-à-vis de usager·es (santé, éducation…), il ne faut pousser les nouvelles orientations DRH jusqu’au bout de leur logique. Puisque partout il est question de soumettre les augmentations salariales à des augmentations des missions, les retards importants liés aux blocages salariaux et à l’inflation doivent en toute logique s’accompagner d’une diminution des missions. À nous de l’organiser, de la façon qui nous convient le mieux et en lien avec les usager·es : boycott des réunions non obligatoires, abandon de tous les éléments de volontariat dans les pratiques professionnelles, communications a minima, ordinateurs en panne… Ce genre de grève du zèle est avant tout une grève de la productivité du travail, qui en France a toujours été relativement élevée et jamais payée (sauf en partie avec les 35 h). Cette productivité n’a cessé de progresser encore depuis 2015 et a subitement chuté en 2022 parce que le Covid a permis de remettre en cause l’intériorisation d’une conscience professionnelle nullement reconnue en retour. Faisons que 2023 soit encore un record de baisse, et les années suivantes aussi, dans le privé comme dans le public, il n’y a pas de raison d’oublier les patrons qui n’ont pas cessé de soutenir la réforme des retraites. Et en même temps regagnons le temps militant pour les autres actions, et mis bout à bout pour annuler les deux ans de plus à travailler que prétend imposer Macron.

Olivier Vinay, le 28 avril


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