Émancipation


tendance intersyndicale

Vers l’impasse ou la révolution !

Édito

Depuis plus de trois mois, nous sommes dans un mouvement de lutte contre la réforme de retraites qui sort de l’ordinaire et dépasse maintenant le cadre de la réforme.Le mouvement est inédit car l’intersyndicale reste unie, ce qui était difficile à prévoir, vues les trahisons récurrentes de la CFDT ces dernières années. Macron n’a pas laissé l’occasion à Laurent Berger de partir. Nous nous sommes tou·tes interrogé·es sur le frein qu’a pu constituer cette union pour propager et généraliser la grève. On ne pourra pas le savoir avec exactitude. Il reste pourtant que le mouvement contre la réforme continue et prend des tournures imprévisibles depuis le 49-3, le passage au Conseil constitutionnel puis le discours de Macron du 17 avril. Cette séquence de passage en force révèle les limites de la Vème république et a enclenché une autre phase du mouvement et la nécessité de passer à l’offensive.

On a ainsi pu participer un peu partout à des manifestations spontanées qui expriment largement la colère face à l’injustice de la réforme et la sourde-oreille du gouvernement. Au-delà de la réforme, Macron personnifie un système capitaliste qu’il faut mettre à bas. Ces manifestations sont, à certains endroits, largement interdites et réprimées ; cela montre aussi que le gouvernement reste aux abois. Les blocages de dépôts pétroliers, raffineries, des usines de traitement des déchets et d’entrée des villes, bien que plus classiques, contribuent à faire vivre le mouvement. La stratégie du gouvernement a aussi poussé l’intersyndicale à boycotter les réunions avec l’exécutif… pour 15 jours seulement et faire un premier mai unitaire, mais il faut aller plus loin !

Depuis janvier et en particulier depuis l’aval donné par le Conseil constitutionnel à l’allongement de durée de cotisations et au recul de l’âge légal de départ, Macron et ses ministres provoquent la colère du peuple et l’entretiennent, plus qu’ils ne l’apaisent. La stratégie gouvernementale qui consistait à “enjamber” la contre-réforme a sous-estimé la mobilisation dans la durée. Le gouvernement se trouve ainsi de plus en plus isolé, malgré les quelques miettes jetées ici ou là.

Alors que faire ? On ne lâche pas !

Depuis le 17 avril, les casserolades et autres charivaris rythment maintenant nos semaines et couvrent les voix de Macron, Borne et ses ministres lors de leurs déplacements, avec des coupures d’électricité bien ciblées. Il/elles n’aiment pas cela : les manifestant·es sont écarté.es des lieux, des préfets pondent des arrêtés pour interdire les “dispositifs sonores portatifs”, des ministres annulent leur venue. Cette nouvelle forme de lutte, à bas bruit mais régulière, permet de maintenir la mobilisation. Lâcher maintenant, tout le monde le sait, c’est accepter de perdre derrière les retraites tous nos conquis sociaux, de laisser le gouvernement achever de dépecer les services publics.

L’avenir du mouvement entamé en janvier dépend de sa capacité à résister à toute forme de propagande distillée par des médias complaisants à l’égard du pouvoir en place. Les AG sont essentielles car elles reflètent la diversité du corps social et non sa division. Nous avons aussi collectivement le devoir de nous prémunir au-delà de la personne de Macron contre le clone auquel il cédera la place (ou bien dont il aura préparé la venue), peut être encore plus grimaçant.

Notre combat est ailleurs, plus vaste, plus ardu, plus épuisant. On ne veut plus d’un monde gardé par des préfet·es et la police qui, plutôt que de préserver le vivant dont nous faisons partie, s’emploient à criminaliser celles et ceux qui se battent pour le sauver. On ne veut plus d’un monde où on préfère les profits, l’accaparement des biens communs plutôt que le partage et la vie ensemble, sans épuiser les êtres humains et les ressources de la terre.

En ce sens, ce combat n’est pas perdu tant qu’on le mène chaque jour, avec lucidité, inventivité, force et solidarité. En mai, le mouvement doit passer à l’offensive par la grève, les blocages pour ne pas se retrouver dans une impasse puis une spirale régressive mais au contraire basculer… dans la révolution ?

Marine Bignon, Sophie Carrouge, Victor Diaferia, le 24 avril


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