La bataille de la Sécu
La création du régime général de sécurité sociale en 1946 n’a pas été le fait d’un consensus national inédit comme on l’entend souvent, mais le produit d’une histoire longue et conflictuelle. La question de l’intervention de l’État dans le domaine de la santé est posée depuis la révolution française, mais jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale l’État intervient très peu. Deux logiques antagoniques s’affrontent en 1946 qui éclairent les évolutions du système de santé en France jusqu’à aujourd’hui : à la “Sociale”, fondée sur l’autogouvernement du système de santé par les intéressé·es eux-mêmes, s’oppose “l’État social” qui fait de la protection sociale un instrument de contrôle de la population. L’étatisation de la sécurité sociale qui est à l’agenda des classes dirigeantes dès 1946 en a subverti le principe de solidarité, ouvrant la voie à un capitalisme sanitaire dont on ne cesse de constater les dégâts. La pandémie a mis en lumière l’impérieuse nécessité de reprendre le pouvoir sur la Sécu.
La bataille de la Sécu Une histoire du système de santé, Nicolas Da Silva, éditions La fabrique, octobre 2022, 328 p., 15 €.
Violences judiciaires
Des quartiers populaires aux Gilets jaunes, la question des violences policières est désormais centrale dans la société française. Or, si les violences policières peuvent se systématiser, c’est qu’elles sont sous-tendues par d’autres abus, moins spectaculaires, plus raffinés et éloignés des caméras, qu’il faut bien nommer pour ce qu’ils sont : des “violences judiciaires”. L’interpellation, la garde à vue, le jugement et l’emprisonnement des opposants politiques, d’un côté ; l’immunité accordée aux forces de l’ordre, de l’autre : c’est à chaque fois le pouvoir judiciaire qui valide ou actionne les agissements de la police. Dans un état d’urgence permanent, où la lutte contre le terrorisme semble tout autoriser, on assiste à une surenchère des arrestations, procès politiques et condamnations.
Violences judiciaires La justice et la répression de l’action politique, Raphaël Kempf, éditions La Découverte, 2022, 224 p., 15 €.
Féministes
Le mouvement féministe contemporain en France a plus de cinquante ans. Le but de ce livre est de restituer l’histoire occultée de la “tendance lutte de classes” à partir de trois colloques organisés par le Collectif national pour les droits des femmes. Il aborde l’histoire pionnière du MLF et de toutes ses tendances : celle des groupes femmes créés dans les entreprises et les quartiers, celle des militantes de gauche et d’extrême gauche, des syndicalistes. L’histoire des luttes ouvrières où les femmes ont dû s’affirmer (Lip, Renault, banques, Chèques postaux). L’histoire méconnue des groupes de femmes immigrées ou dans les populations colonisées. L’histoire des luttes pour la visibilisation et l’affirmation des lesbiennes. C’est aussi celle de la conquête du droit à l’avortement et son remboursement, celle de la création de collectifs féministes et des combats internationaux avec la Marche mondiale des femmes.
Féministes Lutte de femmes, lutte de classes, Suzy Rojtman, éditions Syllepse, décembre 2022, 360 p., 22 €.
L’insurgée
Caroline Rémy, dite Séverine (1855-1929), aura été l’une des pionnières du journalisme et l’une des grandes figures de l’histoire des mouvements révolutionnaires. Disciple et amie de Jules Vallès, première femme à diriger un quotidien national, elle a écrit plus de 6 000 articles dans de nombreux journaux : Le Cri du Peuple, La Fronde, Gil-Blas, L’Humanité etc. Sa plume ardente n’aura de cesse de défendre le peuple face à ses ennemis : le capital et la bourgeoisie. Ce recueil nous offre les textes les plus flamboyants de cette féministe, pacifiste et libertaire infatigable. Y apparaissent les grands et petits noms de l’anarchisme auxquels elle rend hommage, les batailles des femmes et du mouvement ouvrier, et le parfum de poudre et de révolte de ces années tumultueuses.
L’insurgée Séverine, préface de Paul Couturiau, éditions L’échappée, octobre 2022, 272 p., 20 €.