Émancipation


tendance intersyndicale

Des nouvelles et quelques réflexions sur l’expérimentation marseillaise !

Tout d’abord rien ne filtre du côté des directions syndicales qui devraient être vent debout contre l’expérimentation dans son ensemble. Pendant et après les élections, Macron poursuit ses contre-réformes, à bas bruit, et les anticipe quand c’est possible. Dans ce contexte, les écoles et les équipes n’ont pas de vision d’ensemble. La hiérarchie semble en avoir une.

Ce qui transpire de quelques écoles

Nous avons appris que pour le moment deux peut-être trois écoles (sur 59) avaient arrêté l’expérimentation faute d’avoir obtenu ce qu’elles demandaient. D’une part, on ne peut que constater que les directeur·trices des écoles sélectionnées sont acquis·es à la cause macroniste, aux bienfaits des réformes et du projet d’école. D’autre part, ces directeur·trices, qui préfigurent donc la nouvelle direction d’école, vont bien participer à l’entretien d’embauche des futurs professeur·es intervenant·es, bien que le terme d’entretien d’embauche soit réfuté, et qu’ils/elles minimisent en parlant d’audition, ou d’accompagner les inspecteur·trices. Un·e adjoint·e serait bien présent·e lors de cet entretien. Cela préfigure donc l’instauration d’une hiérarchie comme en entreprise.

Le préfet en charge de l’expérimentation et les autres collègues

Le préfet rend visite aux écoles concernées en compagnie des inspecteur·trices faisant partie de l’instance de pilotage. Une réunion a lieu avec les collègues qui, dans l’équipe, ont été moteurs du projet d’école. La visite se fait sur la base de propositions et de vidéos de formations. Un collègue rencontré, opposé au futur projet de son école a demandé sa mutation, refusant de cautionner ce qu’il considère contraire au principe d’égalité de traitement de l’Éducation nationale.

Quant au financement et à certains partenariats

Certaines équipes découvrent que le financement qui leur est attribué est très inférieur à celui promis au départ. La recherche de financements propres est donc envisagée par des équipes. Certains dispositifs originaux qui faisaient partie des projets ne sont pas acceptés par les inspecteur·trices et remplacés par d’autres, déjà cadrés par des partenariats existants. Une équipe d’enseignant·es l’a ressenti comme une mise au pas par l’administration. Quoi qu’il en soit, cela démontre de toute façon que le projet reste sous contrôle par le biais du financement et de la validation des partenaires. On peut parler d’“entrepreneur-isation” dans la mesure où il y a recherche des financements, puisque l’offre est insuffisante, et cadrage du projet par l’instance de suivi de l’expérimentation afin qu’il corresponde aux objectifs supérieurs de l’administration avant tout et qu’il s’inscrive dans les projets des collectivités (cité éducative, commune, département …), et des décideurs économiques. Tous doivent veiller à la valorisation potentielle du projet. L’administration, qui valide, se réserve le droit d’exploiter les expérimentations à sa manière, dans l’objectif, il ne faut pas l’oublier, de généraliser les expérimentations marseillaises. La marchandisation sous une forme ou une autre est aussi à l’ordre du jour par le biais du projet.

Un projet/une équipe, pas de projet/pas d’équipe ?

On peut constater que dans les écoles qui adhèrent à l’expérimentation, les discussions tournent beaucoup autour du projet. Tous les projets déclarés nécessitent de gros changements dans les écoles, jusqu’à la disparition de la classe en tant que telle. Ils sont donc chronophages. À côté de cela, de façon anecdotique, ils sont présentés comme remèdes à la difficulté scolaire. Sans remettre en cause la bonne foi des collègues, cela reste quand même à démontrer quand on voit que la plupart des projets semblent avoir pour but premier d’être en adéquation avec l’idéologie blanquérienne dominante. C’est à dire de la doxa neuroscientifique et numérique de Blanquer.

Le lien avec la recherche

Certains s’inscrivent même en partenaires de la recherche. Ce qui prouve bien in fine que les projets concernent des pédagogies non abouties, qui reposent encore sur des hypothèses, mais qui pourtant ont pour but d’être généralisées ensuite.

En conséquence, on comprend que le projet sert à la hiérarchie et qu’une fois lancé, il reste sous contrôle.

Sur le rôle spécifique des futur·es recruté·es dans l’expérimentation et l’autonomisation

Selon les projets que nous avons lus, les nouveaux/lles recruté·es, ne sont pas des professeur·es lambdas qui adhèrent au projet de l’école. Ils/elles auront pour tâche spécifique de faire vivre ce fameux projet et donc de donner une réalité à l’autonomie de l’établissement/école. C’est une nouvelle mission et en même temps l’instauration d’une potentielle hiérarchie. Ainsi l’établissement/école avec son équipe pédagogique et son personnel pourraient être cornaqués par le nouveau/lle recruté·e qui va veiller à ce que tout le monde contribue à donner une vitrine à l’établissement/ école. Le programme semble bien loin. Le projet valorisera l’école, qui sera évaluée, pour participer au classement des écoles et à terme à la marchandisation. Les futurs recrutés seront donc les propulseurs du projet, à son service, mais pas seulement.

Marie Contaux