Émancipation


tendance intersyndicale

Le congrès de la FSU débat de l’action

Traditionnellement, la congrès national de la FSU débat de l’action le dernier jour. Traditionnellement, le texte de la direction propose une journée d’action en guise de perspective. Traditionnellement, les deux tendances (UA et EE) qui dirigent la Fédération se félicitent et s’auto-congratulent d’un congrès productif, qui a marqué des évolutions positives, etc. etc.

Ce congrès aura respecté la tradition. Cela étant, il y avait une conscience du fait que la situation est périlleuse pour le syndicalisme et le monde du travail. Le secrétaire général est intervenu pour pointer ce qui selon lui constituait des nouveautés :
– l’urgence de la lutte contre l’extrême-droite
– l’appel à la grève féministe du 08 mars
– la possibilité d’un pas en avant vers un regroupement du « syndicalisme de lutte et de transformation sociale » (CGT, FSU, Solidaires).

Par ailleurs, la seule perspective proposée était celle d’une « journée d’action » fin mars. On notera toutefois deux moments forts. D’une part le vote unanime d’une motion pour défendre Oumar, jeune malien menacé d’expulsion. D’autre part, le soutien vibrant à la lutte des AESH du 94 (voir plus d’infos ici : https://www.questionsdeclasses.org/soutien-a-la-greve-illimitee-des-aesh-du-94-depuis-le-10-janvier/). Deux moments vibrants et forts.

Pour sa part, Emancipation a proposé deux amendements plus ou moins intégrés au texte général (sur le réseau éco-syndicaliste, sur la nécessité d’articuler revendications immédiates et changement de société). Emancipation a aussi déposé un texte alternatif sur l’action, traçant des perspectives de lutte que l’on pourrait synthétiser ainsi (extrait du texte d’Emancipation) : « C’est en affirmant et en popularisant cette perspective que la FSU s’adresse à l’ensemble des organisations syndicales, mais aussi aux multiples collectifs de lutte, antiracistes, féministes, écologistes, etc. :
– pour rompre toutes les concertations avec un gouvernement qui exploite et opprime ;
– pour un appel à la grève le 8 mars pour les droits des femmes en mettant en avant des revendications claires et urgentes pour améliorer la situation des femmes dans la société. Les syndicats ne doivent plus tergiverser plus longtemps sur le sujet et une mobilisation massive le 8 mars pourraient créer une dynamique favorable à la mobilisation de toute notre classe ;
– ne pas soumettre les mobilisations au calendrier institutionnel et politique et préparer dès maintenant les luttes nécessaires contre tout nouveau pouvoir réactionnaire, qui ne manquera pas de programmer de nouvelles agressions. »

Le congrès s’est achevé aux accents de L’Internationale, une partie des camarades d’Emancipation n’a pu cacher sa perplexité de voir certain.es congressistes l’entonner dans gêne apparente, après avoir défendu une vision bureaucratique et sclérosée du syndicalisme durant tout le congrès.

Ci-dessous, les interventions d’Emancipation dans le débat sur l’action.

Intervention Emancipation : texte action

Sur la question de l‘action la grève du 13 janvier est un cas d’école :  
Coup de tonnerre dans un ciel morose, elle atteste d’un profond mécontentement accumulé contre Blanquer et Macron, notamment chez les plus précaires, la AESH, Les AED les ATSEM et personnels ouvriers et de service… cette collère rend possibles une rapide reprise de la mobilisation à n’importe quel moment, année électorale ou pas.
Il faut donc prendre conscience des erreurs de la FSU dans cette mobilisation du 13, pour éviter de les reproduire.
Sur la plate forme d’abord : Les éléments à l’origine de la colère n’ont pas changé :
– La situation sanitaire demeure tendue. Ce qui a été arraché est très insuffisant et tarde à être mis en place.
– En matière de caporalisme, un temps destabilisé,Blanquer, a retrouvé sa morgue et son mépris.  
-Et en plus, en lieu et place des moyens promis, ce sont actuellement les DHG qui font réagir les personnels, dans le 92, le 94, des AG locales et des débuts de coordinations se mettent très vite en place. Elles définissent des revendications locales et globales.
La vitesse de montée de ces mobilisations autoorganisés est tellement rapide, que les syndicats doivent se doter de mandats et de formes d’organisation pour raccourcir les délais d’un aide politique, logistique et financière (caisses de grève syndicale).

Pour la dynamique du 13 janvier, l’appel rapide du SNUIP, rejoint par les autres syndicats, a joué un rôle déterminant ;
Ce mouvement a pu prendre cette ampleur parce qu’il est parti d’une mobilisation du terrain rapidement amplifiée par les syndicats.

Je pourrais m’arrêter là pour conclure en fanfare et gageons le peut-être applaudi sur l’indispensable complémentarité de l’auto organisation à la base et du renfort syndical que nous défendons à Emancipation depuis que nous existons  – et même avant.  
Mais cet idéal type de mobilisation conjointe n’a fonctionné que jusqu’au 13 au soir.  
Le 13 illustre des variantes que nous avons appris à connaître et à combattre depuis les mouvements de 1995 sur le Retraite et la Sécu, de 2003 sur les retraites, de 2006 sur le CPE, de 2010 sur les retraites, et donc aussi ce 13 janvier.

La plate forme syndicale être au plus près de celle dont se dote le mouvement.
Et les perspectives de poursuite doivent être prévues,  avec  la grève reconductible et la proposition d’une initiative de centralisation pas trop éloignée.
Et le 27 janvier ne convenait pas car trop tardif et pas sur la même plate forme. Et la signature unanime, la veille de l’action, d’un accord contesté, avec un Macron encore plus contesté n’a pas aidé. Les syndicats se sont prévalus d’un rapport de force dans des négociation sur la PSC pour signer l’accord : le seul rapport de force qu’ils ont contribué à construire c’est celui du 13 au soir, trop tard pour peser sur les contenu de l’accord et sur un autre sujet. Mais par contre  ce bon rapport de force sur l’école, ils l’ont galvaudé. En voulant à tout prix faire rentrer le 27 là dedans, en emmenant pas au ministère de délégué.es des mobilisations et même pire en n’attendant pas les déléguées de la jeunesse pour la CFDT, l’UNSA et la FSU… (FSU qui aurait pu rattraper un peu le coup en laissant parler avant-hier les représentant.es de cette jeunesse) et en surévaluant les acquis de la journée, la FSU se payant même le luxe de signer un deuxième communiqué se payant même le luxe de signer, avec les syndicats spécialistes des trahisons en rase campagne, un deuxième communiqué encore plus vide puisque se satisfaisant de l’aspect sanitaire et n’ayant d’accord sur pratiquement rien d’autre.

N’étant pas adepte de la délectation morose je rappellerai un certain nombre d’éléments que  l’exécutif devrait considérer par delà le satisfecit de ses 92 %.
Nous devons travailler beaucoup plus sur un pied d’égalité et le plus possible au niveau interprofessionnel,  avec les nombreux collectifs qui sont vivants, qui représentent l’espoir de cette période d’offensive capitaliste et des extrêmes droites, et dont je ne voudrait pas qu’on dise un jour que le syndicalisme était l’antithèse et l’ennemi. Je n’en citerai qu’un tellement il a été maltraité pendant ce congrès : la coordination nationale féministe qui a rassemblé  la moitié des effectifs du congrès de la FSU avec une élaboration qui aurait fait l’honneur de notre congrès.
Il va falloir éviter les pièges des campagnes électorales, présidentielles certes, mais surtout professionnelles. En effet le rayonnement et l’indépendance des syndicats ne se mesure pas à la laisse, fût-elle dorée, que le pouvoir veut leur mettre au cou… pour les étrangler quand il le décidera.
Sur tout cela, je vous appelle voter la motion action Emancipation, à relire à tête reposée notre motion générale du thème 4.

Intervention Emancipation : débat sur l’action

Au printemps 2021, le mouvement social vivait une victoire majeure : celle des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, après 22 mois de lutte. Cette lutte, emblématique d’un mouvement social très marqué par les luttes des femmes, des personnes racisées, des travailleur.ses précaires et de la sous-traitance, doit nous faire réfléchir. A peine soutenues par le syndicat qui devait les organiser, elles ont redoublé de détermination pour trouver un autre syndicat mais aussi des soutiens extérieurs, qu’elles ont trouvé majoritairement dans les collectifs féministes et anti-racistes auto-organisés. Une lutte de tous les jours, une grève reconductible, une détermination sans faille pour des conditions de travail plus dignes mais aussi pour rendre visibles les travailleur.ses qui sont d’habitude dans l’ombre.

Cette détermination et colère, on la retrouve aujourd’hui dans un certain nombre de mobilisations, à l’intérieur et en dehors des secteurs du travail. Les dernières années ont été marquées par un foisonnement de luttes : GJ, écologie, féminisme, collectifs contre la répression… Les plus précaires de la population et la jeunesse crient leur colère face à un système qui n’est pour elles et eux plus aménageable.

La question qui se pose à nous est la suivante : comment œuvrer à soutenir et construire à partir de cette colère et des outils d’organisation existants ? Pas avec des journées d’action sans lendemain, pas en restant isolé.es des collectifs de lutte qui se développent de plus en plus, pas en ayant en tête les perspectives électorales et les aménagement qu’elles pourraient ouvrir, quand une très large partie des secteurs mobilisés s’apprête en réalité davantage à s’abstenir, écoeurée par un système politique dont ils et elles ne voient plus que les trahisons.

L’heure est donc au respect de l’indépendance syndicale, pour mener un combat offensif et à la hauteur des luttes en cours.

Quand les lycéen.nes se font réprimer devant leurs établissements scolaires, quand une centaine de collectifs féministes s’organise pour œuvrer à la grève, quand un réseau éco-syndicaliste se développe face à l’urgence climatique, quand les collectifs contre l’extrême droite se développent et s’efforcent de s’associer avec d’autres luttes contre toutes les oppressions, comment justifier de ne pas s’investir dans ces cadres ? Comment justifier de ne pas engager en urgence des discussions pour œuvrer au plus près des luttes à la convergence que nous appelons, trop souvent abstraitement, de nos vœux ?

La base dont nos syndicats veulent se revendiquer est là, les revendications existent. C’est notre rôle de porter haut et fort ces revendications, mais aussi un rapport de force à travers des mobilisations contrôlées par la base.

Pour cela, un moyen : des assemblées générales, interprofessionnelles, inter-collectifs, pour mettre au centre la question de la grève – grève pour les salaires, grève contre l’inflation, contre la précarité, grève féministe du travail reproductif, salarié ou non salarié… décidée à la base.

Je conclurais sur un dernier point : on a beaucoup parlé dans le congrès de l’extrême droite, mais l’extrême droite, c’est dans la rue qu’elle se combat et plus les mobilisations sociales sont nombreuses, moins on entend l’extrême droite.