Émancipation


tendance intersyndicale

Construire le mouvement du 5 décembre et ses suites

Au lendemain d’une grève d’une ampleur rarement vue (90 % de grévistes) les syndicats de la RATP, rejoints par des syndicats de la SNCF, appelaient à préparer la grève illimitée à partir du 5 décembre, contre le projet de réforme des retraites. Près d’un mois plus tard, le 16 octobre, CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL et UNEF, appellent à la grève le 5 décembre.

Pendant ce temps, depuis la publication du rapport Delevoye qui est la base du projet, chacun·e fait ses calculs et mesure ce qu’il/elle perd avec la “retraite universelle” par points voulue par Macron :

■ la fin du calcul sur les 25 meilleures années dans le privé, sur les 6 derniers mois dans le public ;

■ la fin des régimes spéciaux (sauf peut-être pour les policiers, les militaires et les gardiens de prison) et du Code des pensions pour les fonctionnaires ;

■ la fin d’un taux de remplacement garanti, d’une retraite et d’une pension dont le montant serait connu à l’avance, garanti et revalorisé selon la hausse des salaires ;

■ la baisse annoncée des retraites dont le volume global serait bloqué à 14 % du PIB alors que le nombre de retraité·es augmentera ;

■ la fin d’un système par répartition et de solidarité intergénérationnelle ;

■ un âge de départ à la retraite sans cesse repoussé.

De son côté le gouvernement multiplie les manœuvres et les annonces pour tenter de désamorcer la mobilisation qui monte : opérations de communication rebaptisées “grands débats”, déclarations restant dans le flou, invitation des directions syndicales à “dialoguer”, division des travailleur·ses alors que, contrairement aux annonces faites, ce ne sont pas seulement les travailleur·ses des régimes spéciaux et les fonctionnaires qui seront touché·es par cette réforme mais à l’écrasante majorité des salarié·es.

Les directions syndicales ont donc appelé à “une première journée de grève interprofessionnelle”. Pour reprendre une expression qu’elles utilisent si souvent, il s’agira donc de “mobiliser et réussir cette journée de grève”, qui bien sûr “en appelle d’autres”.

Mais que signifie réussir une journée de grève si la suite n’est pas envisagée avant plusieurs semaines ? Et pourquoi n’avoir pas écrit dans cet appel du 16 octobre la revendication qui pourtant s’impose, le retrait total de ce projet ? Il n’y a pas de marge de négociation. La seule issue possible d’un “dialogue” sur la base de ce projet, c’est de se faire berner par quelques effets d’annonce.

De plus en plus de structures syndicales, voyant l’inefficacité des journées saute-mouton, appellent à une grève illimitée ou reconductible à partir du 5/12: la CGT Services publics, les UD-CGT 13 et 76, les intersyndicales Éducation 92 et 93, etc.

En ce mois d’octobre, les cheminot·es montrent aussi la voie. À la suite d’un accident ferroviaire, ils/elles ont spontanément et massivement exercé leur droit de retrait, réclamant des mesures urgentes pour la sécurité des personnels et des passager·es. Celles et ceux du centre de maintenance du TGV Atlantique se sont mis en grève contre leurs conditions de travail, et ont paralysé le trafic, sans qu’il y ait eu d’appel syndical. Ils/elles se sont organisé·es et des syndicats ont suivi. Ils/elles ont retenu cette leçon du mouvement des Gilets Jaunes de l’an dernier.

Dans l’Éducation nationale aussi c’est possible. Réussir le 5 décembre c’est bien sûr être nombreuses et nombreux en grève ce jour là, avec tous les autres secteurs mobilisés. Mais c’est surtout s’organiser dès maintenant pour reconduire la grève le lendemain sans attendre les mots d’ordres des bureaucraties syndicales. Cela veut dire débattre dès maintenant de la reconduction dans les AG d’établissements, se réunir le jour même de la grève en AG interprofessionnelle ou en coordination locale, pour rassembler les informations des différents établissements et des secteurs, voter la reconduction, diffuser les motions et appels de grévistes. Cela veut dire engager un mouvement massif et durable jusqu’au retrait total de ce projet.

Raymond Jousmet


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