La CA Nationale du SNES s’est tenue dans une situation marquée par l’accélération des attaques contre l’Ecole publique de la part du pouvoir, et la nécessité de créer les conditions pour bloquer cette politique. Les débats ont été nombreux et importants, nous en retranscrivons l’essentiel ci-dessous, avec les positions défendues par Emancipation.
1) Discussion sur la situation sociale et syndicale
a) La situation générale :
Les différentes interventions ont dressé un tableau assez juste de la continuité des plans de relance au service du capitalisme qui ne servaient pas de manière conséquente la Santé ni l’Education ou par l’intermédiaire du « verdissement des EPLE » pour relancer le BTP et les projets écolo-capitalistes. A noter que les OGEC (Organismes de gestion de l’Enseignement catholique) pourront bénéficier indirectement du plan de relance du BTP pour rénover leurs locaux… Toujours sur le plan de relance, sur les 100 milliards, 40 miliards viennent de l’Union Européenne et sont soumis à une contrepartie en terme de « réformes structurelles »…
L’autre élément de politique générale concerne les précisions dans les nouvelles attaques de la Sécurité sociale avec la création d’une « 5ème branche sur l’autonomie » qui va concerner les personnes non autonomes de plus de 60 ans mais aussi le monde du handicap. Un « Ségur » est prévu à l’automne et une « loi d’autonomie » devrait pointer le bout de son nez au premier semestre. Cette 5ème branche serait gérée par le CNSA créé après la canicule de 2003 (fonctionnement non paritaire, opacité et recours au privé en perspective…). Toujours concernant la destruction de la Sécu, l’Etat va transférer 135 milliards de sa dette à la Sécu via la CNSA en 2024.
b) La situation dans l’Education :
Classes surchargées, collègues débordés de travail, inquiétudes très fortes sur la situation sanitaire et de l’Ecole publique… Cette réalité est constatable partout.
La question de l’enseignement hybride a marqué les débats. Le nouveau protocole sanitaire le mentionne indiquant que le gouvernement s’y prépare… Dans cette situation, bien que cela soit contesté au sein même de la tendance « Unité & Action » ainsi que par Emancipation, la direction nationale ne prend pas de position claire et tranchée pour l’instant. Pourtant tous les abus se profilent : dans une académique, une circulaire évoquerait la possibilité qu’un.e prof fasse un cours en « distanciel » à des élèves en présentiel dans une classe encadrée par un.e AED.
Par rapport au « retard » pris à cause de la période de confinement, la réponse du Ministère repose sur des visites d’IPR/IEN qui font le tour des académie pour faire un bilan avec pour seuls remèdes l’Accompagnement Personnalisé et le dispositif « devoirs faits ». Les Inspecteurs Généraux vont quand à eux inspecter les établissements s’étant mobilisés contre els E3C… Dans la CA Nationale, plusieurs interventions ont mis en avant la nécessité d’aménager les programmes, de mettre en place un plan pluriannuel de rattrapage.
Sur l’orientation, les attaques arrivent par les lycées sur les PSY-EN. Des régions ont défini des fiches de postes « clés en main » sur l’orientation pour professeur.es ou CPE. Chaque région pourra définir ces fiches. Pendant ce temps, des CIO départementaux sont mis en place avec des « bullshit jobs » pour le reclassement des personnels, ce qui pourrait préfigurer le sort qui attend les autres dans l’ensemble des académies.
Sur les AED et les AESH, le Ministère pousse pour la multiplication des contrats à temps partiel. Un arrêté a été publié sur le recrutement d’AESH référents, sur la base du volontariat, en encadrant leurs missions là où elle débordait sur celles des coordinateurs de PIAL. Il y a un arrêté sur les indemnités associées (600€ annuels) mais ces textes ne sont pas publiés et rien ne change dans certaines académies.
Avec le Covid, l’hypothèse de partager les AED entre différents bahuts est sur la table. Le secteur juridique rappel que travailler sur un autre bahut demande un avenant sur le contrat car il y a modification du lieu d’exercice.
Sur la formation des enseignant.es, les règles d’affectation sont opaques et des mères isolées se retrouvent en difficulté pour gérer car affecté.es loin de leurs lieux de résidence. La « bataille » continue pour que les biadmissibles et les inscrit.es sur listes complémentaires soient pris.es. Le Ministère s’était engagé sur les bi-admissibles mais seul 1/3 a été pris. « Bataille » aussi pour que l’épreuve orale ne soit pas transformée en entretien professionnel. La réforme de la formation initiale va se décliner entre mise en place 2021 et concours en 2022, sans connaître les épreuves auxquelles les formateurs et formatrices auront à préparer les étudiant.es.
A noter également sur le contexte dans l’Education, il y a une forte demande de ruptures conventionnelles que les Rectorats peinent à accorder… La crise du recrutement n’est pas finie…
2) Quelle orientation syndicale ?
a) Les grandes lignes.
La direction nationale réaffirme son ancrage dans le « dialogue social ». Pour la construction du rapport de force, on attendra les élections 2022 et pour préparer ces élections, les campagnes du collectif « Plus jamais ça » dont le comité d’animation se rapproche de celui du « Pacte pour le pouvoir de vivre » animé depuis 2 ans par la CFDT. A noter aussi que l’organisation de Foire Aux Questions semble être le nouveau joker en matière d’action de U&A à chaque fois qu’un problème appelle une réponse syndicale…
b) Le « Grenelle des professeurs »
Par rapport à la participation au « Grenelle des enseignant.es », la volonté d’y participer a fait l’objet de quelques échanges. La direction nationale U&A veut y participer, affirmant que la participation du SNES et de la FSU se ferait sur la base d’une absence de contrepartie en terme de dégradation des conditions de travail et des statuts en échange de la « revalorisation » salariale espérée.
En attendant, techniquement, il apparaît qu’un calendrier est prévu pour discuter de l’utilisation des 400 millions affectés à la revalo d’ici 2021. Il y aura un second calendrier à partir du mois de novembre pour travailler à un plan pluriannuel. On peut en déduire, mais on s’y attendait, que le Ministère nous prévoit un train de réformes puisque chaque « revalorisation » devrait faire l’objet d’une contrepartie… Dans le plan, il y aurait l’idée d’une prime pour les lycées qui présenteraient un projet (prime attribuée à l’ensemble de l’équipe).
c) Les positions défendues par Emancipation
Vous pouvez télécharger nos textes ci-dessous pour plus de précisions.
Les interventions d’Emancipation dans le débat ont porté sur plusieurs questions
– la politique de ce gouvernement a des traits communs avec celle des autres gouvernements au niveau mondial : licenciements, réformes structurelles des secteurs publics à marche forcée, incapacité à faire face à la crise sanitaire…
– dans l’éducation, la rentrée conduit à accéler une mise au pas des personnels, vers une privatisation de l’éducation, et la répression continue… Tout cela s’accompagne du fait de rejeter les responsabilités sur les individus (autonomie des établissements). C’est une des tâches du « Grenelle des professeurs » qui est annoncé : individualiser la situation des personnels, y compris dans les primes… c’est la logique qui a été à l’œuvre dans la « Ségur de la santé » aussi. Nous sommes par conséquent intervenu.es sur les positions à prendre par rapport aux tentatives du gouvernement de faire co-élaborer ses régressions par les syndicats, au travers de dispositifs comme le « Grenelle des professeurs ».
– sur le contexte des mobilisation, il est difficile et pour autant la crise n’a jamais autant suscité de réaction : des mouvements écologistes, antiracistes et féministes ont mis un nombre de personnes dans la rue, inégalé non depuis longtemps. Cela montre le potentiel de mobilisation existant. Dans l’Education, nous avons aussi souligné le constat calamiteux de la gestion de la crise sanitaire, qui accentue les problèmes déjà liés aux inégalités et aux contre-réformes.
– nous avons aussi montré que les mobilisations font face à une répression d’ampleur : dans ces conditions, il y a encore moins de choses à négocier avec ce pouvoir. Il faut refuser de participer au « Grenelle des professeurs » qui est un piège, et coordonner l’action des syndicats nationaux de la FSU pour unifier leurs réponses face au gouvernement.
c) Fonctionnement interne du SNES
Traditionnellement, dans les CA nationales du SNES est débattue un texte spécifique sur les questions « Droits et libertés » souvent intéressant et exprimant des engagements progressistes et internationalistes. Depuis le « confinement » de mars, ce n’est plus le cas. Avec d’autres tendances, Emancipation a exprimé la demande que de nouveau l’instance délibérative du SNES puisse s’exprimer pleinement sur ces problèmes.
Concernant le congrès national du SNES qui doit se dérouler du 29 mars au 2 avril à Montpellier, plusieurs scénarios sont envisagés en fonction de la l’état de la crise sanitaire. La CAN nationale tranchera lors de sa réunion du 20 janvier. Pour Emancipation, quelque soit le choix retenu, il est important que le pluralisme des approches syndicales dans le SNES soit pris en compte lors de la tenue du congrès national.