Dossier
Nous poursuivons dans ce numéro la présentation d’articles éclairant les positions – et leur évolution – du courant syndicaliste des Amis de l’École Émancipée, puis de l’Émancipation, sur les questions laïques.
Le précédent numéro abordait ces questions jusqu’à l’après-guerre et l’orée des années 1950. Dans la seconde moitié du XXe siècle, des basculements se produisent en plusieurs étapes :
– l’adoption des premières lois anti-laïques dès le début des années 1950 (lois Marie-Barangé), qui visent à rétablir par des biais divers les financements publics pour l’école confessionnelle ;
– le basculement que constitue la loi Debré de 1959, une des lois fondatrices de la Ve République ;
– à partir de 1989, les opérations politiciennes pour récupérer la thématique laïque à des fins réactionnaires, en déplaçant le débat sur le service public vers un débat ciblant l’Islam. Le texte adopté par ce qui s’appellera peu après la tendance intersyndicale Émancipation témoigne des débats difficiles de l’époque (voir p.VI).
Sans répéter ce qui a pu être écrit dans les précédents numéros, pointons tout de même quelques traits saillants :
– l’articulation entre lutte syndicale et lutte laïque : c’est elle qui donne son contenu et son ampleur à la question laïque pendant toute une période. Les éléments que fournit l’histoire du SNI du Rhône (p.II du dossier) font bien ressortir cet aspect. La laïcité n’est pas seulement un thème idéologique, mais un aspect transversal qui irrigue le militantisme y compris sur des questions matérielles “de base” (équipements scolaires, effectifs…), tout comme le métier (comme en témoignent par exemple les articles de la revue abordant les questions pédagogiques sous l’angle laïque, comme les fêtes de fin d’année dans les écoles).
– la capacité du camp laïque à se mobiliser pour défendre l’école publique s’appuie sur cette réalité, mais aussi sur l’unité : l’unité corporative réalisée dans le syndicat (la FEN), l’unité “politique” réalisée dans des regroupements unitaires. Cette unité a depuis volé en éclats…
– faute de ces deux éléments, les laïques se retrouvent sur une position défensive, comme en témoignent les débats des années 2000.
Il faut toutefois se demander aussi s’il n’y a pas une évolution interne au courant syndicaliste dont il est question ici. On remarquera qu’à partir des années 1970 la laïcité dans toutes ses dimensions est moins fréquemment traitée. La séparation d’avec les trotskystes “lambertistes” (qui forment la tendance “Front unique ouvrier”) ne l’explique pas vraiment, dans la mesure où leur fort ancrage laïque est liée à leur intégration dans l’École Émancipée des années 1950-1960. Là encore, il y aurait une histoire à écrire…
Nous terminons ce dossier par un auteur qui n’a pas de lien direct : Rosa Luxemburg. Son article rédigé il y a plus d’un siècle montre que la laïcité conçue comme séparation des Églises et de l’État est une préoccupation commune des courants qui veulent combattre le capitalisme et les oppressions, et pas seulement en France. Il résonne avec les problématiques d’aujourd’hui.
Dossier coordonné par Quentin Dauphiné