Protection sociale complémentaire
C’est une aubaine pour Macron et un mauvais coup pour les travailleur·es, les retraité·es, la sécu et les syndicats.
Le 26 janvier, restera un jour noir pour les travailleur·es et leurs organisations syndicales, avec la signature de l’accord interministériel sur la protection sociale complémentaire (PSC) dans la Fonction publique par toutes les directions syndicales des organisations dites “représentatives”, (CFDT FP, CFE-CGC FP, UFSE-CGT, FGF-FO, FSU, Solidaires FP, Unsa FP). Leur unanimité redonne une certaine vigueur aux signataires. Les voilà prêt·es pour une campagne unitaire de reconquête “du 100 % Sécu”… et de tout ce qu’iels viennent d’abandonner en rase campagne, en signant, sans aucun rapport de force, l’acte de reddition de l’accord PSC.
Cet accord présenté par le pouvoir et les directions syndicales comme “gagnant-gagnant”, est en fait gagnant-doublement perdant.
Le gagnant, c’est incontestablement Macron
Celui-ci exploite la signature unanime sur la PSC, comme gage de ses capacités à imposer la paix sociale, et à octroyer royalement du pouvoir d’achat.
Ce cadeau des directions syndicales sur des thèmes centraux de la campagne présidentielle, bien relayés par les médias gouvernementaux et patronaux, va jouer un rôle décisif pour l’éventuelle réélection de Macron. Et en plus cette débandade intersyndicale permet à Macron de déblayer le terrain pour achever, s’il est réélu, sa casse de la Fonction publique, des retraites et de la sécu. Il lui suffira d’appliquer la méthode qui lui a si bien réussi sur la PSC. Et pour la sécu, la voie est ouverte par l’accord PSC vers la “grande sécu”, et la 5ème branche-dépendance largement privatisées et inégalitaires.
Les perdant·es ce sont les travailleur·es et le syndicalisme
Les acquis que les travailleur·ses perdent avec la signature de l’accord PSC ont été détaillés dans les textes et interventions d’Émancipation pour dissuader les syndicats de signer (voir par exemple page 4).
Mais c’est le syndicalisme qui sort le plus affaibli de cette affaire. En plus des entorses à la démocratie pour imposer cette signature, de la consultation absente, précipitée ou bâclée, des mandats syndicaux fondamentaux bafoués, des reports de votes “arrangés”, la caution à une telle liquidation de la PSC ne passe pas, ni les méthodes, arguments et propos, indignes de milieux syndicaux avertis, employés pour arracher la décision à tout prix. Le découragement, le retrait de l’activité militante et la désyndicalisation vont s’aggraver.
Le “suivi” de cet accord, en plus de ceux déjà signés, les pseudo négociations prévues sur la prévoyance, ainsi que toutes les “négociations” annoncée par la ministre, vont s’ajouter aux innombrables concertations/cautions déjà existantes.
Refuser cette intégration à l’appareil d’état
La responsabilité de la signature de l’accord PSC incombe aux dirigeants syndicaux en place, pas aux syndicats, ni à leurs membres qui peuvent et doivent se désolidariser de cette signature. Et aussi la dénoncer dans l’unité la plus large possible, syndicale, intersyndicale, des personnels, des retraité·es… Il ne faut pas cesser d’exiger des comptes de tou·tes celles et ceux qui l’ont favorisée en conscience, afin d’obtenir un retrait de signature, et de mobiliser contre tout ce que cet accord induit de régressions.
Le syndicalisme évolue mal : la bureaucratisation des exécutifs les rend encore plus sensibles aux coups et aux pièges du capitalisme, notamment le dialogue social et les moyens gouvernementaux institués par les accords de Bercy, pour venir à bout de l’indépendance et de la pugnacité des syndicats, pour attiser la concurrence entre eux et pour maintenir le syndicalisme en laisse. La distinction d’un syndicalisme de “lutte” ou “de transformation sociale”, (en opposition au “syndicalisme de cogestion” ou “réformiste”, dont on disait après chaque trahison qu’il négociait le poids des chaînes) a toujours été bien trop laudative.
Les syndicats de “lutte”, n’ont rien gagné depuis longtemps et pour autant ils ne se donnent pas les moyens de gagner, comme on l’a vu, quand, le 13 janvier, ils ont desserré la pression de l’importante mobilisation de la base qui enfonçait Blanquer et Macron. Les directions syndicales de “transformation sociale” de ces syndicats “de lutte” étaient trop occupées à saborder les principes de solidarité et d’égalité hérités des bâtisseur·es des transformations sociales fondamentales de l’après-guerre. Elles espèrent ainsi pouvoir négocier la taille de leur laisse et se positionner au mieux dans la compétition des élections professionnelles, qui avec la perte des CAP et CHSCT (autre versant de la loi de transformation de la Fonction publique avec l’accord PSC et l’explosion de la précarité), ne sert plus qu’à mesurer les longueurs respectives des laisses de l’ensemble des signataires.
Pour les opposant·es à de telles évolutions, il reste à les contrer dans leurs syndicats et à travailler encore plus avec les luttes auto-organisées et avec les syndiqué.es et les syndicats qui soutiennent et contribuent à étendre ces luttes et qui refusent et combattent la cogestion.
Olivier Vinay, le 26 janvier 2022