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Marc Weinstein : penser le totalitarisme néo-libéral

Note de lecture :

Une découverte à partager, a fortiori dans la période. Cette lecture est très éclairante. L’auteur, universitaire, spécialiste de la littérature russe, écrit sur de multiples sujets, dont celui des totalitarismes – notamment l’article paru dans la revue Illusio, numéro 10/11- 2013.

Pour Marc Weinstein, le totalitarisme du XXIe siècle ne recouvre pas un régime politique s’appuyant sur la terreur, la simple répression, mais il vise à l’obéissance à une norme privée de la performance concurrentielle, norme entreprenariale.

Le sujet devient alors une “entreprise de soi” où les trois dimensions : savoir-pouvoir-vouloir, se réduisent dans une “indivision totalisante” où le savoir se transforme en technostructure, le pouvoir en État et le vouloir en économie-Capital.

Dans son premier axiome, l’auteur décrit le totalitarisme comme une tendance socio-historique du modernisme, à distinguer de la modernité qui, elle, pourrait constituer un horizon démocratique, écologique, artistique.

Le second axiome montre que le totalitarisme se caractérise d’abord par la transformation de la “peur normale en peur artificielle et stratégique”. Le management par la peur, la novlang, l’étranglement du temps (cf. fonctionnement de la Bourse), et de l’espace (mondialisation) devenant un facteur d’inaction civique et politique, un facteur d’impuissantement. Le troisième et quatrième axiome interroge le rôle de l’État : l’État n’est plus une dictature – fasciste, soviétique – l’État n’est plus “protecteur” (CNR).

Dans l’État du XXIe siècle, c’est d’abord la technostructure qui produit le pouvoir : l’État organise juridiquement la totalisation de la concurrence (à l’œuvre dans toutes les réformes menées depuis les années 80, dans les textes européens).

Enfin, l’auteur analyse comment le sujet – porteur de trois dimensions : l’oikos, sphère privée, l’agora, sphère professionnelle, sociabilité, et l’ecclesia, sphère politique – se réduit alors à une indivision totalisante.

C’est par l’enchâssement systématique de l’agir productif dans l’être social subjectif (cf. sport de compétition), que le néolibéralisme réussit à remettre gravement en question le caractère pluriel du sujet, dans un contexte de performance concurrentielle et de surveillance généralisée. Comment sortir enfin de cette nouvelle forme de totalitarisme : comment réinventer des socialités plurielles et des processus démocratiques ?

Emmanuelle