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Les filles en lycée professionnel : l’entassement des ségrégations

Si les différenciations sexuées sont présentes dès le primaire, par exemple dans l’occupation de l’espace scolaire par chaque sexe, elles se prolongent au collège. À l’entrée au lycée les trajectoires entre filles et garçons vont se différencier de plus en plus, notamment avec les choix de matières, de filières puis de l’orientation professionnelle. La mixité n’est alors plus la règle.

“On ne peut comprendre ses orientations différenciées selon le sexe sans les replacer dans le problème général de la distribution socio-sexuée du travail” dit Annick Coupé dans l’ouvrage collectif Toutes à y gagner.

Les contenus scolaires sont construits sur des représentations très stéréotypées des rôles sexués qui n’ont que peu bougé depuis 50 ans. Les manuels eux-mêmes s’adressent plutôt aux garçons qui y ont des rôles actifs et sont surreprésentés. Les travaux de Mathilde Larrère, par exemple, ont prouvé la quasi absence des représentations féminines (sociale, professionnelle, politique ou artistique) dans les manuels scolaires. Cette invisibilité joue un rôle majeur dans les choix d’orientation des filles qui s’ajoute au poids de la différenciation sexuée dans la famille et dans la société. Les filles n’ont pas de modèle valorisant et permettant leur projection dans un autre avenir.

Les filles orientées dans la voie professionnelle n’échappent donc pas à cette première discrimination.

Dans le système scolaire, les filières, d’autant plus si elles ouvrent sur des professions précises et pointues, participent à la construction des territoires et des identités sexuées.

Dans le choix des filières joue aussi la représentation d’un avenir professionnel possible ; en lien avec un marché du travail très sexué : des pans entiers ne sont pas mixtes !

Par ailleurs, les femmes ne sont toujours pas considérées comme des travailleuses à part entière car le travail familial, domestique et éducatif repose sur elles. Leur salaire est aussi considéré comme un salaire d’appoint par la société. Au moment de leur orientation, les filles ont déjà intégré cela dans leur identité alors que les garçons ne construiront leur identité que sur leur profession.

Dans les faits, dans l’enseignement professionnel les filles demandent les filières sanitaires et sociales, où elles représentent 95 % des effectifs, la coiffure ou encore les métiers de secrétariat et peu d’entre elles sont dans la production. Le choix des filières pour les filles est restreint. Ces ségrégations sont encore renforcées avec l’avènement des familles de métiers.

Le choix des filières professionnelles féminisées correspond aussi au choix des familles, soucieuses pour beaucoup, de voir leurs filles intégrer des métiers qui correspondent à leur vision de la société et de l’avenir souhaité et souhaitable pour leurs enfants. C’est aussi, éviter aux filles de lutter pour se faire une place dans une filière, puis dans un métier qualifié de masculin. Difficultés accrues aussi au moment de chercher un terrain de stage : les entreprises sont peu enclines à accueillir des filles dans des équipes de salariés hommes, parfois aussi parce qu’elles ne possèdent pas, faute d’y être obligé par le législateur, de vestiaires et sanitaires dédiés aux femmes. Ce sont autant de freins psychologiques qui participent aux choix d’orientation des jeunes filles.

Par ailleurs, les filles subissent aussi, à l’instar des garçons, le poids de l’origine sociale dans la voie professionnelle ; les enfants des classes populaires étant les plus présents au LP.

Le lycée professionnel accueille, proportionnellement, le plus de jeunes issus de la diversité.

Les filles, de fait, cumulent un ensemble de discriminations et de préjugés qui participent au renforcement des stéréotypes de genre.

Sandrine Bernard