Troupes russes hors d’Ukraine !
À bas la politique impérialiste de l’OTAN !
L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe est inacceptable et nous en exigeons le retrait immédiat. Mais nous ne croyons pas à la fable selon laquelle les gouvernements français, américain, anglais, allemand et leur alliance militaire, l’OTAN, seraient de blanches colombes soucieuses de la démocratie et de la liberté, alors qu’elles s’efforcent d’étendre leur influence politique, économique et militaire en Europe de l’Est – et ailleurs dans le monde – depuis des années en profitant de l’affaiblissement de la Russie. Les États qui aujourd’hui s’indignent des prétextes avancés par Poutine pour essayer de légitimer son coup de force avaient avalé tranquillement ou réalisé des protestations de pure forme contre les prétextes occidentaux pour attaquer l’Irak en 2003 et contrôler ses ressources en hydrocarbures, en massacrant des centaines de milliers d’êtres humains et en jetant le pays dans le chaos.
Quand une armée surpuissante envahit un pays, massacre, détruit et piétine toute forme de droit international, la première réaction, c’est la solidarité avec la population victime, c’est l’exigence de l’arrêt des hostilités.
Poutine n’en est pas à son coup d’essai. Contre les Tchétchènes, contre la Géorgie et surtout contre le peuple syrien, il a déjà montré de quoi il est capable : crimes de guerre, génocide, crimes contre l’humanité, mépris non dissimulé de la vie humaine. Depuis plus de dix ans, des peuples des États issus de l’ex-URSS se sont soulevés contre les régimes dictatoriaux (celui de Poutine et ceux de ses amis) pour leurs droits démocratiques et leurs revendications sociales. En 2014, le peuple d’Ukraine a chassé l’autocrate inféodé à Poutine. En 2020, c’est le peuple du Belarus qui s’est soulevé contre les élections truquées, avec des grèves massives dans les principales usines. Puis, il y a quelques semaines, c’est un véritable soulèvement au Kazakhstan. En Russie même, des manifestations importantes ont eu lieu contre ce pouvoir. C’est tout cela qui est intolérable au régime de Poutine. Il ne peut accepter que les peuples chassent des régimes qui lui sont inféodés, et au final le menacent lui-même.
Cette forme d’impérialisme est en grande partie une conséquence de la dislocation il y a 30 ans de l’Union Soviétique, et de l’écrasement par le stalinisme et la “guerre froide” des impérialismes occidentaux des espoirs suscités par la révolution d’Octobre. Sur les ruines de ce pays multinational, les oligarques ont pris le pouvoir, en essayant d’asseoir leur légitimité sur le nationalisme et/ou sur la religion. Le nationalisme russe incarné par Poutine consiste, à l’instar de celui du tsarisme, à écraser toute autre forme de revendication nationale à l’intérieur des frontières de la Russie (d’où le génocide perpétré contre les Tchétchènes) et à s’arroger le droit d’intervenir dans tous les pays de l’ex-URSS où vivent des Russes ou des Russophones. Le nationalisme des grandes puissances ne peut mener qu’à des catastrophes, des guerres et des souffrances pour les peuples.
Cependant il serait illusoire de s’imaginer que cette guerre s’explique simplement par le régime capitaliste et réactionnaire de Poutine. La politique des impérialistes occidentaux en est tout autant responsable.
Au moment de la réunification allemande, Gorbatchev avait obtenu verbalement la promesse que l’OTAN ne s’étendrait pas. Promesse piétinée, l’OTAN est même intervenue au Proche-Orient et en Afghanistan. Plus largement, les grandes puissances capitalistes occidentales se sont efforcées de profiter de l’affaiblissement de la Russie pour étendre leur propre zone d’influence politique, économique et militaire en Europe orientale. En Ukraine, elles ont réussi à entraîner avec elles la majorité des oligarques et à détourner la mobilisation populaire pour renverser l’ancien gouvernement pro-russe et installer des hommes à eux au pouvoir à Kiev. À aucun moment, les dirigeants de l’OTAN ou ceux de l’Ukraine n’ont envisagé de renoncer à une demande d’adhésion qui a servi de prétexte à Poutine. Le dictateur a pu invoquer le précédent de la crise des missiles à Cuba : “Kennedy n’avait pas accepté des missiles russes à sa frontière, pourquoi devrions-nous l’accepter ?”.
Cette guerre est une guerre contre la population. C’est vers elle que va notre solidarité : sa résistance est légitime. Notre solidarité va aussi aux militant·es russes qui combattent la politique de leur gouvernement, et qui subissent la répression. Mais nous ne faisons pas confiance aux différents États, seule la mobilisation populaire peut ouvrir des perspectives progressistes. En aucun cas, nous ne soutenons un prétendu monde libre qui dénonce la violation du droit international en Ukraine mais soutient ces violations contre l’Irak, la Palestine, le Sahara Occidental ou le Yémen. Et en ce qui concerne la France, les interventions militaires en Afrique et les ventes d’armes à des régimes meurtriers ne témoignent en rien d’une défense du droit. Ce n’est malheureusement pas la première fois que des grandes puissances, souvent au passé colonial, agressent militairement un pays et un peuple.
Dans ces circonstances, les tâches du mouvement syndical sont :
- – soutenir politiquement et matériellement les populations exposées à cette guerre, d’Ukraine, des pays voisins, mais aussi de Russie. Particulièrement, celles qui résistent et combattent pour imposer un pouvoir auto-organisé des travailleur·euses, démocratique et libéré des oligarques ;
- – dénoncer les impérialismes et les militarismes sous toutes leurs formes, russe d’un côté, américano-germano-anglo-français de l’autre, qui par leurs appétits respectifs sont inévitablement conduits à s’affronter ;
- – descendre dans la rue, sur ces bases, pour exiger le retrait des troupes d’invasion et marquer la solidarité avec le peuple ukrainien ;
- – accueillir inconditionnellement les réfugié·es ukrainien·nes et refuser toute loi d’exception à leur encontre ;
- – exiger la dissolution de l’OTAN et la fin des menées impérialistes de notre gouvernement, en Europe orientale, en Afrique et partout ailleurs dans le monde.
Il n’y aura pas de paix véritable en Europe et dans le monde, tant que les pays seront dirigés par des gouvernements gérant les intérêts des grands groupes capitalistes pour qui les êtres humains ne sont que des instruments de leurs profits, que ce soit pour travailler tous les jours ou pour défendre leurs profits dans des guerres.
Émancipation tendance intersyndicale, le 13 mars 2022