Le Conseil national de la FSU s’est tenu les 22 et 23 septembre. Bien entendu, une grande partie des débats a tourné autour de la question de l’action contre le projet de budget du gouvenement Lecorn-Macron, et ce après les journées de lutte des 10 et 18 septembre. L’intersyndicale envisage une nouvelle « journée d’action » après sa rencontre prévue avec le premier ministre, mais avec quelles perspectives et quelels modalités d’action ?
Dans ce contexte, Emancipation a défendu une stratégie de lutte qui ne se borne pas à des « journées d’action » pour faire pression sur gouvernement, voire pour négocier quelques miettes. Nous reproduisons ci-dessous les interventions des élu.es d’Emancipation, ainsi que la contribution de la tendance Emancipation à l’entrée de ce Consseil national.
Intervention Emancipation dans le débat général
Aller un petit conte, pour le moral de ces enfants que nous aurions aimé rester…
Parfois, quand le monde semble tourner à l’envers, il peut-être utile, pour essayer de comprendre, de se mettre dans la peau d’un naïf ou d’un extraterrestre, à la façon de Voltaire ou de Saint Ex.
C’est ce que je vous propose de faire :
Imaginons Candide ne disposant que des appels de l’intersyndicale nationale.
Il serait étonné qu’une interpro qui s’apprêtait à appeler à une journée d’action fin septembre/début octobre, la propose 15 jours plus tôt, arrache le départ du premier ministre, une médiatisation du tonnerre et une énorme participation, sans même avoir appelé à des grèves dures, à des blocages, ni à des actions citoyennes.
Il se dirait sans doute « qu’ils sont fort ces syndicats, je vais adhérer ! »
Mais il déchanterait rapidement, ne comprenant pas pourquoi ces syndicats en sont réduits à brandir un ultimatum pour une possible éventuelle journée d‘action 15 jours plus tard encore à décider et à préparer.
Un ultimatum – terme plus du vocabulaire du militariste Lecornu – qui revient à donner du temps à l’ennemi, puisque toujours sans appel aux grèves dures, blocages ou action cioyennes.
A présent, prenons le Petit Prince se frayant un chemin dans les dédales des canaux Telegram, habitué qu’il est à ses escapades sidérales.
Il ne pourrait que constater la puissance de ce mouvement appelé « Bloquons tout » et sa capacité à attirer tous les publics dans des initiatives, comme par exemple le 10 septembre à Paris, la Place des Fêtes et la République, mais aussi le Chatelet ; et ensuite à réussir 3 ou 4 fois mieux le 18 septembre.
Il s’exclamerait assurément, « Qu’il est fort ce mouvement auto-organisé qui tout seul réalise tout ça, je le rejoins ! »
Pour déchanter ensuite devant le manque de coordination nationale de toutes ces actions locales.
Il est peu probable que Candide et le Petit prince se rencontrent, pour des raisons très compréhensibles.
Par contre, les syndicats, entendons par là, vu que nous ne sommes ni naîf-ves ni extraterrestres, ceux qui veulent construire une rapport de force et pas ceux qui sont prêts à se satisfaire d’un budget amputé de quelques milliards de moins, à la marge des revendications ; ces syndicats donc et le mouvement auto-organisé peuvent et doivent se rencontrer, se parler.
Ils doivent le faire vite, car la fenêtre de tir – comme dirait encore Lecornu – est étroite, pour ne pas perdre la dynamique des 10 et 18 septembre.
Charge au mouvement auto-organisé d’être plus devant les entreprises et services et sur leurs voies d’accès, et aussi de se doter d’un minimum de coordinations régionales et national.
Et charge aux syndicats d’intégrer et soutenir les AG et les dates qu’elles proposent :
Le 24 notamment, puisqu’il ya échéance du pseudo ultimatum,
Le 2 octobre, si l’intersyndicale le décide. Notre secrétaire générale ne nous a pas rassuré sur cette question en affirmant « il serait possible que nous puissions appeler à une journée d’action le 2 »
Le 4 octobre pour le quatre-vingtième anniversaire de la Sécu, dame vénérable et fragilisée, qui mérite mieux que des colloques.
Avec une mention spéciale pour le 14 actobre. L’appel de la FGBT à la grève en Belgique, sur une plate forme équivalente à celle du mouvement français « pas d’austérité en faveur du militarisme », avec Gaza en plus. Ce qui résonne avec la grèves appelée par la CGIL et les blocages de ports en Italie pour Gaza. Les syndicats majoritaires en France doivent suivre ces exemples et appeler à la grève le 14 qui pourrait ainsi avoir une portée européenne, avec, comme en Belgique et en Italie, un aspect revendicatif fort sur Gaza.
Prouvons que nous ne somme ni extraterrestres, ni candides et débattons de ces dates, oh combien tristement terrestres.
Intervention Emancipation : Palestine
Nous étions partis dans l’idée de déposer une motion sur la Palestine. Cette motion faisait écho à plusieurs revendications formulées hier au débat général, notamment celle – centrale – de demande de sanctions face au gouvernement israélien. Nous voulions aussi défendre le programme Pause. Tout cela ayant été intégré, nous retirons notre motion mais nous vous soumettons quand même une proposition d’amendement qui nous semble important dans la période.
Cet amendement – et qui va dans le sens du débat qui nous réunit aujourd’hui : l’action – propose, d’ajouter une phrase de soutien à ceux et celles qui luttent sur leur lieu de travail contre le génocide. Nous pensons aux dockers bien sûr, que ce soit en France (Fos-sur-Mer), en Italie (Gênes, Livourne, Ravenne) ou encore aux salariés de Roissy qui se sont mobilisés contre l’envoi de matériel militaire en Israël il y a quelques mois. Bien que les déclarations de soutien soient essentielles, nous en sommes convaincus, c’est en continuant de faire pression ici sur nos gouvernements, par la grève, que nous pourrons aider face au génocide en cours. Nous aimerions donc une mention claire en ce sens dans le texte, qui adresse notre solidarité [la solidarité de la Fédération] à ces camarades pour leurs modes d’action courageux et exemplaires et qui doivent gagner d’autres secteurs partout où c’est possible.
Par ailleurs et en dernier point, je me permets de vous faire part d’un message qui nous a été envoyé tout à l’heure par Pierre Stambul. Comme on le sait, plusieurs bateaux de la flotille pour Gaza ont été attaqués cette nuit. Un message type circule sur les réseaux sociaux pour écrire au Quai d’Orsay et interpeller les autorités françaises pour qu’elles interviennent. Je propose, si c’est possible, de transférer ce message sur la liste du CDFN afin que cette action bénéficie d’un maximum de soutien et de relais.
Intervention Emancipation sur l’action
(Suite et fin du conte d’hier dans le débat général)
Il faut vraiment être candide pour trouver que les directions syndicales en France, dont celles de la FSU, sont très fortes. Il suffit pour cela de détailler les communiqués.
Elles n’ont même pas la force de présenter une vision objective de la situation du rapport de force dans le pays. Une vision qui serve les luttes.
Elles n’ont même pas la force de reconnaître que ce n’est pas elles, pas plus que leur pétition, qui nous ont mis en capacité de remobiliser en cette période de tous les dangers, où le monde ne fait même plus semblant d’être régi par le droit, où l’extrême droite n’a jamais été aussi forte et la gauche parlementaire aussi faible, où le Pouvoir le plus faible de la moribonde cinquième République détruit tous les conquis sociaux, comme aucun autre n’a osé le faire avant, et lance le pays dans une fuite en avant militariste.
Elles n’ont même pas la force de citer « bloquons tout » et le 10 septembre, mouvement qui a su mobiliser medias et citoyennes particulièrement jeunes, avec des formes de démocratie, d’action et d’exclusion de l’extrême droite tout à fait intéressantes, qui a fait chuter Bayrou, qui a largement dépassé les prévisions pour le 10 et, accessoirement, assuré un succès inédit des initiatives intersyndicales et du 18.
Elles n’ont même pas la force de mettre humblement le mouvement syndical, potentiellement structurant à tous les niveaux, au service de cette dynamique citoyenne qui s’est construite au niveau local ; niveau qu’elle a du mal à dépasser pour l’instant. Et ce bien sûr, sur un pied d‘égalité et de respect avec les actrices de « bloquons tout »
Elles n’ont même pas la force des syndicats représentatifs italiens ou ielges solidaires de Gaza victime d’un génocide, se privant ainsi d’un élément fort de mobilisation de la jeunesse, y compris des quartiers populaires.
Elles ont juste la force de donner du temps à Lecornu et de reprendre leur stratégie éculée des journées d’action espacées, dont plus personne ne veut et qui a mené à l’échec tous les mouvements depuis 1995, dont on fête les 30 ans… 30 d’échec des directions syndicales, dont le dernière en date contre la réforme de retraites de 2023.
Depuis la rentrée Emancipation intervient dans les bureaux nationaux de la FSU, pour que la direction de la Fédération ne laisse pas passer cette chance, sans doute la dernière, de bloquer la politique des Macron-Lecornu-Retailleau qui rapproche encore plus l’extrême droite du pouvoir.
Le CDFN peut encore éviter la démobilisation, avec toute ses conséquences politiques et sociales, avec la désyndicalisation et la construction d’alternatives à un syndicalisme définitivement ringardisé parce qu’il ne gagne jamais et qu’en plus il signe unanimement des accords désastreux.
Ce qui suppose de :
- prendre contact avec les AG « bloquons tout » et avec les débuts de coordinations régionales et nationales afin de mettre en cohérence les actions syndicales et citoyennes, notamment le 25/9 pour la mobilisation de la jeunesse, le 2/10 puisqu’il est décidé, le 4 /10 pour le 80 ème anniversaire de la sécu pour lequel l’intersyndicale n’a même pas proposé une manifestation de rue, ce qui laisse la place à une initiative de « bloquons tout ! », le 10 /10, anniversaire du 10/9 et le 14/10 appel belge et probablement luxembourgeois qui pourrait de ce fait devenir une journée de grève européenne pour le retrait des accord de coopération Europe/Israël.
- En finir avec les journées d’action espacées.
- Appeler à des formes d’action dures, dont l’actualité a été validée par le succès du 10 : grève reconductible (ou au moins plusieurs jours comme proposé par le SNES), occupations, blocages. Monter d’un cran dans la mobilisation, ce n’est pas seulement aligner plus de gens dans les manifs.
Voilà l’orientation que doit retenir la FSU avec les 7 organisations syndicales, ce qu’il semble vain d’espérer, ou à défaut avec les syndicats réputés de lutte et/ou au niveau de l’éducation. Comme le proposent le SNES et des sections départementales dans ce conseil national.
