Le Conseil national du SNES se réunissait deux semaines après les premiers jours de rentrée. Il constitue un lieu d’information sur la situation de rentrée, et de débats sur les mandats et perspectives d’action du SNES.
Il s’est réuni aussi dans un contexte particulier. Après sa défaite aux élections législatives et la majorité relative du Front Populaire, Macron investit un gouvernement réactionnaire. Le SNES et la FSU avaient appelé à voter pour le « Nouveau front Populaire » (NFP), mais le débat s’était poursuivi et doit se poursuivre : peut-on soutenir de façon acritique une coalition de gauche, quand on sait les bilans néfastes des diverses unions de la gauche lorsqu’elles ont exercé le pouvoir ? Le syndicalisme peut-il se faire la courroie de transmission de forces de gauche réformiste ? Pour Émancipation, il n’y a pas d’issue si l’on reste dans le cadre institutionnel et parlementaire.
Si l’union organisationnelle avec le NFP a pu être portée au sein de la FSU, notamment par l’École Émancipée, les élu.es Émancipation ont noté que ce ne fut pas vraiment le cas dans ce Conseil national. Dans le débat sur la situation, nous nous attendions à voir une foule d’interventions dépitées de ne pas avoir le NFP comme interlocuteur au gouvernement. Mais dans son introduction, la co-secrétaire générale Sophie Venetitay a évoqué le syndicalisme comme une force stable qui pouvait marquer des points dans cette période d’instabilité politique, et comme un point d’appui pour lutter contre l’extrême droite.
Dès lors, les interventions ont surtout porté sur la situation de rentrée, les enjeux et les possibilités de l’intervention syndicale de la période.
A noter sur les questions éducatives, quelques points notables dans le cadre d’une rentrée à tout point catastrophique pour les personnels (du fait des diverses contre-réformes et de la politique d’austérité) :
– sur la mise en place du « choc des savoirs », l’application intégrale des groupes de niveau ne concernerait qu’une petite partie des établissements. Des collègues qui se chargent des groupes « faibles » seraient déjà dans une situation de souffrance professionnelle. En même temps, ce dispositif entraîne des divisions entre collègues et entre disciplines. Certain.es soulignent les « bienfaits collatéraux » de la diminution des effectifs dans les groupes, qui pourraient poser problème à certains collègues si on revenait en arrière en abrogeant le « choc des savoirs »… cela démontre la pertinence de revendications telles que l’abaissement généralisé des effectifs par classe. Toujours sur le « choc des savoirs » : concernant les classes « prépa-lycée », dans les faits elles recueillent essentiellement des élèves qui n’ont par exemple pas trouvé d’apprentissages… et non des élèves qui veulent aller au lycée. Ce dispositif était un miroir aux alouettes propulsé par le ministère, maintenant il apparaît nettement pour ce qu’il est.
– sur les manques de personnels : il est généralisé, mais il touche de plus en plus durement les AESH (y compris avec des démissions), il manquerait 17% d’AESH au niveau national (à noter que le rapport de la cour des compte sur l’inclusion augure d’une possible attaque contre les AESH). On remarquera que le ministère est capable curieux de pouvoir compter le nombre d’abaya en deux jours, mais est incapable de faire l’inventaire du nombre d’heures et de postes manquant.es… Il manque même des chefs d’établissement dans plusieurs académies.
– le « pacte enseignant » : pendant longtemps, beaucoup de projets pédagogiques divers étaient financés par des heures supplémentaires ponctuelles (les « HSE »). Le « pacte enseignant » a été vite présenté comme devant se substituer à ces éléments, pour imposer aux personnels de signer le « pacte ». Comme attendu en cette rentrée, les HSE sont supprimées ou fortement diminuée dans certains établissements. Cette baisse favorise la contraction de Pactes… mais dans certaines académies le nombre de « pactes » baisse aussi. Dans certains établissements, l’offensive contre les conditions de travail va déjà plus loin : les « pactes » sont utilisés pour assurer des heures de cours « classiques »… très clairement, on voit la fonction du « pacte » qui est de grignoter les garanties statutaires.
– la situation des TZR (titulaires sur zones de remplacement) et des contractuel.les a été plusieurs fois évoquée au cours de ce Conseil national. Le ministère met en concurrence titulaires et contractuel.les, contractuel.les « classiques » et Contractuel.les sur Zone de remplacement (CZR) pour les affectations… A noter que dans au moins une académie (Nice) il y aurait maintenant plus de contractuel.les que de titulaires pour les remplacements. L’une des tâches pour les organisations syndicales sera de dépasser cette division, mais pour cela encore faut-il avoir les revendications et modalités d’action adaptées sur les questions de précarité.
– la concurrence public-privé a aussi fait l’objet de nombreuses intervention avec, au-delà des subventions « cadeaux » au privé, les inégalités d’encadrement avec un taux d’encadrement souvent plus favorable dans le privé.
La discussion a aussi porté sur les questions de mobilisation. Après l’échec de la mobilisation du 10 septembre dans le premier degré, quelques sections académiques ont évoqué qu’il fallait considérer que les collègues avaient eu besoin de se rendre compte des problèmes et que les mobilisations de rentrée pouvaient vraiment commencer maintenant… ce qui revient à justifier a posteriori qu’aucune initiative intersyndicale d’ensemble n’ait été tentée pour faire face à une rentée particulièrement difficile. Plusieurs interventions ont aussi insisté sur la nécessité d’inscrire la perspective de la journée d’action du 1er octobre dans la perspective d’un « plan de bataille ». Bien sûr, tout le monde ne met pas la même chose dans cette notion de « plan de bataille » mais en tout cas, l’idée de se projeter sur le 1er octobre sans rien envisager ensuite constitue pour tout le monde une impasse.
Mais globalement, concernant « l’action », la direction nationale reste dans un cadre classique, alors que la situation dramatique nécessite une toute autre stratégie… ci-dessous, vous pouvez lire les interventions des représentants d’Émancipation.
Enfin, lors des Conseil nationaux du SNES il est d’usage de présenter un texte concernant les questions « droits et libertés ». Émancipation est intervenue à ce sujet, notamment sur la nécessité de distinguer antisionisme et antisémitisme, pour contrer le discours du gouvernement de Nethanyaou et des Etats qui le soutiennent.
Intervention Émancipation dans le débat général
Nous partageons une idée de l’introduction au débat, à savoir l’instabilité politique et sociale croissante. Cette instabilité peut déboucher sur le pire, mais cela n’est pas non plus inexorable.
Dans cette situation, avec un gouvernement qui s’annonce très réactionnaire, le mouvement ouvrier politique et syndical peut jouer un rôle important. D’un point de vue politique, le NFP a donné ce qu’il pouvait donner : une défait relative du macronisme et du RN lors des élections. Pour le reste, la stratégie parlementaire et institutionnelle ne donne aucune perspective. C’est donc l’action directe des travailleur.es qui est la seule à pouvoir changer le rapport de forces. De ce point de vue, on peut être dubitatifs par rapport au bilan syndical des derniers mois, que ce soit par rapport au moment des Jeux olympiques (malgré les déclarations de la secrétaire générale de la CGT) ou par rapport à la rentrée scolaire : la réalité est qu’il n’y a eu aucune tentative d’action nationale lors de la rentrée scolaire. De ce point vue, j’entends dire dans ce CN que « la rentrée c’est maintenant », c’est quand même une affirmation qu’on doit interroger : dans mon lycée, ça fait deux semaines qu’il y a une souffrance professionnelle évidente.
Autre point qui peut interroger : quand dans tel communiqué intersyndical on voit disparaître la revendication d’abrogation de la réforme des retraites (qui pourtant a été combattue par des millions de gens), ou quand dans tel autre communiqué on voit disparaître la revendication de l’abrogation du « choc des savoirs ».
Quelle est la situation aujourd’hui ? La réalité, c’est qu’après sa défaite électorale relative, Macron utilise les institutions de la 5e République pour opérer une manœuvre politique : un gouvernement de droite réactionnaire avec la bienveillance de l’extrême-droite, ce qui n’est pas un cas isolé en Europe. Il prépare une solution réactionnaire à la crise politique, sous la forme d’un plan d’austérité massif. Les personnels la vivent déjà en cette rentrée. Ainsi, dans mon lycée il y a déjà eu deux AG massives sur les conditions de rentrée. De même, la tête de liste Emancipation n’est pas ici car elle a une audience au rectorat, dans son lycée un préavis de grève a été déposé et une AG massive s’est tenue.
La perspective d’un plan d’austérité majeur donne un relief particulier à la « journée d’action » du 1er octobre. Il s’agit de la préparer en évitant certains écueils, ceux qui expliquent par exemple l’échec d’une autre action dans l’Education : la grève du 10 septembre dans le premier degré. Une grève à peine annoncée et préparée par des courriels un jour auparavant, sur une plateforme « parachutée » et limitée. Il s’agit donc de préparer l’action en réunissant des Assemblée s générales, de développer l’ensemble des revendications (comme le dit le camarade de Lille) pour montrer qu’autour de la question du budget se jouent beaucoup de choses (effectifs, conditions de travail, etc.), et de l’intégrer dans un plan d’action qui ne se limite à une « journée d’action » isolée.
Présentation de la motion Émancipation sur l’action
Pour Emancipation,
Nous partageons la plupart des éléments de caractérisation de la situation mais nous aimerions quand même proposer quelques clés de lectures peut être aussi partagées mais qu’on aurait besoin de voir plus explicites dans les productions du SNES.
Pour expliquer l’obstination de Macron a tenir sa feuille de route, il faut mettre en priorité en avant l’objectif de privatisation des Services publics qui explique à la fois le sous financement et le surfinancement de l’enseignement privé par exemple. La question de l’incompétence ou de la dette ne doit pas nous détourner de cette explication première.
C’est aussi par l’objectif de privatisation et pour se faire de destruction des Services public qu’on peut expliquer aux collègues que le niveau de souffrance inédit qu’ils et elles subissent procède d’une logique de plan social destiné à les faire craquer. Il y a un parallèle à faire avec les méthodes de management de Orange par exemple.
C’est aussi le développement des intérêts des capitalistes français qui permet en partie d’expliquer les cadeaux faits par Macron et certains médias à l’extrême droite, avec la nécessité d’investir dans le nationalisme et le militarisme pour la jeunesse.
Par rapport à la confrontation des modèles économiques et politiques et la polarisation sociale qui se joue, tout peut arriver et les syndicats doivent servir d’outil de référence pour mener la confrontation au gouvernement, sans quoi l’extrême-droite risque d’étendre encore son influence sur celle et ceux qui veulent un changement de système.
Face à l’échec du Nouveau Front populaire à représenter une issue face au mécontentement social, nous avons apprécié les interventions dans le débat d’hier qui évoquait la nécessité d’un plan de bataille dans lequel les syndicats devraient jouer un rôle central. Pour cela, nous proposons que le syndicat se mette à l’affût des luttes et résistances qui ne manqueront pas de se développer, au-delà même de la question immédiate de notre champ d’intervention professionnel :
– des femmes et minorités de genre (notamment pour la défense du droit à l’IVG le 28 septembre, contre les violences faites aux femmes le 25 novembre…),
– des écologistes (telles que les « Soulèvements de la terre »), des quartiers populaires et
– des populations discriminées qui subissent le racisme ;
– des luttes qui peuvent prendre une dimension mondiale, comme le mouvement de solidarité durable avec le peuple palestinien et qui montrent la volonté populaire de prendre en main l’avenir en portant la perspective d’une rupture avec la société capitaliste.
En ce qui concerne notre champ professionnel, l’espoir après l’échec de la mobilisation du 10 septembre va dans la perspective d’une recherche de construction d’un mouvement d’ensemble qui pourrait commencer le 1er octobre sous réserve d’une préparation préalable suffisante et de la mise en perspective dès maintenant d’un plan d’action.
Un plan d’action qui renforcerait les chances de satisfaction des revendications de l’Education nationale en inscrivant sa stratégie dans une stratégie interpro :
– abrogation ou le retrait des contre-réformes de Macron, à commencer par la contre-réforme des retraites.
– rattrapage des pertes de salaire et l’indexation des salaires sur les prix, des augmentations uniformes de 400 € en points d’indice.
Dans l’Education nationale et la Fonction publique, la lutte contre le projet de budget peut servir de point d’appui dans l’optique d’un plan d’urgence pour l’école publique :
– recrutement massif de personnels sous statut à la hauteur des besoins : enseignant.es, AED, AESH…
– des moyens à la hauteur des besoins pour l’inclusion, dans les établissements publics d’enseignement, comme de prise en charge spécialisée. baisse généralisée du temps de travail et des conditions de travail décentes (baisse des effectifs, indépendance pédagogique individuelle et collective, formations sur le temps de travail…).
– unification par le haut des conditions de travail, des statuts et des salaires des personnels.
– réemploi et la titularisation immédiate de toutes et tous les non titulaires.
– abrogation de toutes les récentes contre-réformes (réforme Blanquer des lycées, choc des savoirs, pacte enseignant, etc.).
Dans cette optique, le SNES appelle les personnels à préparer la grève du 1er octobre et ses prolongements, en se réunissant en Assemblées souveraines et intersyndicales. Cette mobilisation pour l’éducation doit se construire à partir de la base, en lien avec les usager.es de l’école.
Intervention dur le texte « Droits et libertés »
Pour Emancipation,
Nous maintenons l’amendement car nous pensons qu’il y a un enjeu à défendre l’utilisation du concept d’antisionisme parce que la lutte contre la confusion entre l’antisémitisme et l’antisionisme est un élément important de la lutte contre l’antisémitisme.
C’est sur le caractère ethnico-religieux de l’État israélien que jouent les relais du gouvernement israélien comme le CRIF, pour coller une étiquette antisémite sur celles et ceux qui luttent contre la colonisation et le génocide en Palestine. C’est en fait le gouvernement israélien et ses relais qui associent le caractère ethnico-religieux au caractère colonial d’Israël et c’est cette association, le sionisme qu’il faut combattre en expliquant que le sionisme doit être dissocié de la judaïté. C’est cette nécessaire dissociation entre sionisme et judaïté qui explique d’ailleurs aussi au passage la revendication d’un état laïque et démocratique binational pour mettre fin au conflit.
Contrairement à certaines idées véhiculées, distinguer l’antisionisme de l’antisémitisme est une condition nécessaire pour distinguer les antisémites et les vrai.es antisionistes.
Aussi, factuellement, selon nos sources, les mobilisations et grève des israéliens s’est faite contre le gouvernement par rapport à son incapacité à faire libérer les otages et pas par rapport aux actes génocidaires dont il est commanditaire. Nous en demandons la suppression de ce passage.