1070 € d’amende pour trois collages féministes
Déjà plus de 25 féminicides comptabilisés en France en 2023. Un peu partout, des groupes de colleuses alertent sur la gravité de la situation : collages sur des panneaux d’affichages publics, collages sauvages, un moyen pour dénoncer l’inacceptable tout en se réappropriant la ville, en prenant de la force collectivement. La plupart du temps, les municipalités sont “tolérantes” avec ces actions, certaines affichent même leur soutien à cette cause juste.
Mais ce n’est pas le cas de toutes ; en février, la ville de Roanne a porté plainte contre une colleuse identifiée par la plaque d’immatriculation de son véhicule via la vidéosurveillance. Accusée de dégradations par la municipalité, celle-ci lui réclame 1070 €, pour trois collages anti-féminicides sur des murs et la devanture d’une boutique désaffectée. Une sacrée somme pour des affichages éphémères !
“Si la colleuse avait accepté de donner le nom de ses complices, la note la concernant aurait pu être divisée en trois” a déclaré l’adjoint en charge de la sécurité de Roanne. Que dire de la mentalité de cet élu ? Et toujours le même adjoint de demander au mari de la colleuse, présent lors de la convocation pourquoi il ne surveillait pas sa femme (la voiture étant à son nom), “Ce serait ma femme, je lui demanderais où elle va”, a t’il dit.
Après examen du dossier, le procureur de Roanne a décidé de ne pas poursuivre la colleuse, l’infraction n’étant pas assez caractérisée mais du côté de la mairie, on affirme étudier tous les recours pour la faire payer.
Cette affaire n’a nullement ébranlé sa détermination : soutenu localement par des associations et des syndicats, le collectif a affirmé : “Nous continuerons de coller”.
Joëlle
Métier de femme, métier déclassé*
Une étude de l’université de Zurich publiée dans la revue Social Networks confirme que lorsque les métiers se féminisent les hommes s’en vont. Lorsque la proportion de femmes dans un métier augmente de 10 %, la probabilité pour les hommes de rester dans leur emploi chute de 12 %. Si les femmes représentent 75 % des effectifs dans un secteur, alors les hommes ont deux fois plus de chances de partir, par rapport à un secteur où les femmes ne compteraient que 25 % des effectifs.
La première raison est le sentiment de déclassement ressenti, parmi notamment les enseignants du primaire, pharmaciens ou comptables, face à l’afflux de femmes dans ces emplois. Plus il y a de femmes dans un secteur, et plus le statut et le salaire diminuent, ce qui pousse ces hommes à quitter le navire. La deuxième raison serait le jugement porté sur les hommes dans ces secteurs qui exerceraient un “métier de femme”.
Pourtant, si les femmes sont souvent assignées au care, et les hommes aux compétences techniques, cela n’a rien à voir avec une prédisposition genrée pour les métiers correspondant à ces domaines. Il ne s’agit pas d’un choix ; contrairement à ce que l’on veut nous laisser entendre. En réalité, quel que soit le poste, les gens ont du mal à travailler dans des emplois mixtes, pour des raisons de conformisme ou de pression sociale. Cela aggrave l’inégalité salariale et la ségrégation genrée, et ralentit l’évolution de la carrière des femmes.
Alors à quand un traitement égal des femmes sur le marché de l’emploi ? Seules des politiques volontaristes et coercitives, ou une vraie évolution des esprits, permettraient de surmonter les réticences d’un monde du travail encore fortement patriarcal.
Véro
* Voir Libération du 10 février 2023