Trois femmes disparaissent
Quand le cinéma et la vie s’allient pour fabriquer du romanesque féroce, l’œil de l’écrivaine s’allume. Qu’ont en commun Les Oiseaux, Marnie, Body Double, Working Girl, Le Bûcher des vanités et Cinquante nuances de Grey ? Autrement dit, deux indéboulonnables classiques d’Alfred Hitchcock, la bande image des années 1980 et le plus grand phénomène de porno-soft de notre époque ? Leurs héroïnes : Tippi Hedren, Melanie Griffith, Dakota Johnson, trois femmes activement disparues (seulement des écrans) de mère en fille…Sur le mode d’une narrative non-fiction réinventée, Hélène Frappat signe une enquête arachnéenne sur le réel proprement surréaliste d’une lignée de stars hollywoodiennes maudites. Et nous fait voir comme jamais ce que nous avions pourtant sous les yeux depuis le début, des femmes devenues les proies de réalisateurs prédateurs.
Trois femmes disparaissent, Hélène Frappat, éditions Actes Sud, janvier 2023, 192 p., 20 €.
L’autre moitié du monde
Espagne, la République vient d’être proclamée mais dans le delta de l’Èbre, les paysan·nes s’éreintent toujours dans les rizières pour le compte des puissants, ici la famille Ibanez, dominée par celle qu’on appelle la Marquise et son horrible fils. Pilar, la cuisinière est le symbole de l’exploitation éhontée qui sévit dans la région. Toya, sa fille, qui est l’héroïne, vit dans cette nature du delta qui n’a aucun secret pour elle. Mais l’utopie, le rêve d’une société plus égalitaire que l’on découvre au travers d’Horacio, le jeune instituteur et de son ami José avocat, se met peu à peu en place. Le roman nous fait vivre la révolte de ces paysans et leur expérience de collectivisation des terres, avant qu’ils ne soient sauvagement abattus par les fascistes aux ordres de Franco. Un récit passionnant et sensible ancré dans l’histoire de la guerre civile espagnole.
L’autre moitié du monde, Laurine Roux, les Éditions du Sonneur, 2022, 255 p., 18 €.
La vérité sur la lumière
L’Islande, la nuit du solstice d’hiver, une énorme tempête se prépare… c’est le cadre qu’a choisi pour son dernier roman l’écrivaine islandaise déjà bien connue et appréciée pour ses titres précédents Rosa candida, L’Embellie, Miss Islande, Ör. La narratrice Dyja issue d’une lignée de sage-femmes, est, elle-même, “mère de lumière”. Elle a aidé à mettre au monde son 1922ème bébé. Rentré chez elle, l’appartement hérité de sa tante Fifa, elle se replonge dans les manuscrits de l’arrière-grand-mère, déjà “accoucheuse de lumière”. Des réflexions sur la naissance, la fragilité des êtres humains à cet instant, leur développement souvent destructeur peu respectueux de la nature, et leur prise de conscience peu avant leur mort s’égrènent au fil des chapitres. De la délicatesse et de l’humour émaillent ce roman, avec la présence d’un voisin, un touriste venu d’Australie pour voir l’aurore boréale, et d’un électricien récemment devenu père qui broie du noir. Un roman lumineux.
La vérité sur la lumière, Audur Ava Ólafsdóttir, traduit par Éric Boury, éditions Zulma, 2021, 224 p. 20,50 €.
Libérés de la masculinité
Ce livre n’est pas sur Timothée Chalamet, le sex-symbol le plus maigrichon et imberbe qu’Hollywood ait jamais connu, mais sur ce qu’il représente : la libération de la mode et des corps masculins, la ringardisation du bad boy, l’émergence d’hommes qui se fichent d’être de “vrais hommes” et se montrent sensibles, humbles, à l’écoute… Peuvent-ils nous libérer du patriarcat ? Dans ce livre entre étude d’un phénomène de la pop culture, enquête journalistique et essai personnel, Aline Laurent-Mayard interroge avec drôlerie et beaucoup d’esprit le rapport que nous entretenons avec la masculinité, avec les normes de genre et la binarité. Que l’on soit homme, femme, non-binaire, une chose est certaine : face aux injonctions sociétales, tout le monde gagnerait à se sentir plus libre.
Libérés de la masculinité, Aline Laurent-Mayard, édition J C. Lattès, 2022, 240 p., 19 €.