Émancipation


tendance intersyndicale

Vacances militantes

Il y a bien longtemps que je suis en retraite, mais je n’ai rien oublié.

Une année scolaire ne parvient pas à s’achever. Dans les classes pourvues de grandes baies vitrées, la chaleur monte. La léthargie s’installe. On est épuisé. Dans les grandes classes, il vaudrait mieux aller directement au bistrot pour trouver des élèves.

Arrive le jour tant attendu : les vacances ! On n’aurait pas tenu un jour de plus !

On en a rêvé, de ces journées sans emploi du temps fixe, sans obligations et… sans élèves.

Mais voilà que dans ce vide s’engouffrent les souvenirs de l’année scolaire écoulée. Est-ce que j’ai fait ce qu’il fallait ? Si c’était à refaire, qu’est-ce que je ferais ? Parfois ce sont des scènes plutôt drôles qui remontent à la surface, parfois des situations qu’on a eu du mal à “gérer”, pour le dire gentiment.

Les images défilent, les interrogations restent en suspens. Le sommeil vient difficilement, la fatigue persiste… Certain·es élèves sont là, bien présent·es, pêle-mêle : ceux et celles qui, un jour, ont fait une chose remarquable au moment où on ne s’y attendait pas, ceux et celles qui ont sombré et qu’on n’a pas su aider, ceux et celles qui provoquent…

Et voilà qu’arrive le directeur ou la directrice, à qui on n’a pas manqué de s’affronter. On revoit des séances de CA houleuses. Ai-je été à la hauteur ? L’ambiance pas toujours joyeuse de la salle des profs est bien présente, elle aussi. L’école vous “prend la tête”, même quand les vacances ont commencé.

Vacances : Faut-il envier les millions de jeunes et moins jeunes qui partent sur la Costa Brava ou ailleurs, mangent, boivent, se baignent et rôtissent au soleil en laissant derrière eux et elles leurs soucis ? Faut-il plutôt gravir des sommets, courir, faire du saut à l’élastique, risquer sa vie, courir le marathon, descendre des rivières en kayak pour exorciser le spectre de l’année scolaire ?

Non, ce n’est pas nécessaire, ce qu’il faut, entre boulot et dodo, c’est une zone tampon : les vacances militantes ! À des réunions succèdent des moments conviviaux, à des moments de détente, des moments de réflexion.

L’impression d’avoir à faire face seul·e à l’autoritarisme de la hiérarchie, d’être désarmé·e devant l’égoïsme de certain·es collègues, leur recherche des petits avantages, commence peu à peu à s’estomper

Ce qui semblait être un problème personnel cesse de l’être. Grâce aux échanges, à deux, en petits groupes ou en réunion, le vécu enseignant est vu de plus haut, dans toutes ses dimensions. La tête est plus claire, l’humeur moins morose, le pas plus léger.

Vivent les vacances militantes !

Ce n’est pas une utopie, la semaine d’Émancipation en est la preuve.

Françoise Hoenle


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