Ci-dessous les interventions et textes d’Emancipation lors du Conseil National de la FSU de septembre 2021. Vous pouvez par ailleurs consulter sur ce site la contribution d’Emancipation aux débats, ainsi qu’un compte-rendu rapide desdits débats.
Intervention Emancipation sur la situation générale
Je n’enfoncerai pas inutilement des portes ouvertes, donc serai bref sur un élément du contexte que nous connaissons : une pré-campagne électorale marquée par une ambiance très réactionnaire.
En revanche, il y a aussi deux particularités dans cette situation :
1) première particularité : le pouvoir ne met pas en « pause » ses contre-réformes, mais au contraire en a programmé ou confirmé de nouvelles agressions contre les travailleur.es et les libertés démocratiques. Le discours du Macron du 12 juillet en a constitué le cadre : il annonçait la mise en place du pass sanitaire (qui s’applique), la réforme de l’assurance-chômage (qui pourrait s’appliquer rapidement), et celles des retraites (qu’il pourrait vouloir appliquer dans les prochains mois). Par ailleurs, d’autres attaques très graves se produisent dans différents secteurs. Bien sûr dans l’école avec la loi Rilhac, les annonces de Macron sur les écoles de Marseille, les projets locaux d’évaluation : il s’agit de mettre en place des hiérarchies intermédiaires, de déposséder les personnels de leur autonomie professionnelle. Mais aussi dans la Fonction publique : de ce point de vue, nous ne voyons pas ce que les syndicats gagneraient à continuer de participer à ce dispositif qui vise à remettre en cause la notion même de grille salariale.
Toutes ces mesures préfigurent probablement une nouvelle vague d’offensives destructrices si un gouvernement de même type état au pouvoir après les présidentielles.
2) deuxième particularité : un fort rejet s’exprime dans la population sur la situation créée par en capitalisme en général, et contre le gouvernement Macron en particulier, même si pour l’instant il ne se concrétise pas dans un mouvement global. Il est tout à fait possible que ce mécontentement prenne des formes inattendues, y compris une abstention importante lors des élections présidentielles, qui constituent la clef de voûte de la 5e République.
Dans cette situation, quelles perspectives pour le mouvement social ?
Bien entendu, tout le monde ici est pour dire que la priorité est de mettre au cœur du débat politique les questions sociales, écologiques et démocratiques.
Mais la grande question est : comment s’y prendre ? De ce point de vue, nous ne partageons pas les perspectives tracées – au travers de leur contribution – par Unité & Action et Ecole Emancipée. Elles relèvent d’une approche bureaucratique, immobiliste, sclérosée et teintée d’électoralisme dans la perspective des élections professionnelles de 2022. On ne construit pas une alternative syndicale en se contentant de se replier sur la gestion routinière d’un appareil, de compter son nombre de cartes syndicales et son nombre de voix aux élections.
Pour Emancipation, il y a trois points centraux dans la situation :
1) compter uniquement sur la construction de mobilisations syndicales. Plusieurs camarades ont fait référence au collectif « Plus jamais ça ». Or ce collectif a une double réalité. D’une part, il constitue une plateforme possible de mobilisation, nous ne contestons pas cette idée. Mais d’autre part, il est aussi conçu comme un outil pour peser sur le programme des partis de gauche, et s’intégrer dans un dispositif politico-syndical d’alternance de gauche. C’est le sens des réunions discrètes, plus ou moins interlopes, plus ou moins assumées publiquement, avec diverses organisations politiques. Quand on voit la situation actuelle de la gauche, autant dire que cette perspective de participation à une alternance de gauche a fait long feu… Nous considérons qu’il faut mettre fin à cet aspect du dispositif, d’autant plus que nous entrons dans un contexte pré-électoral et que les accusations – pas forcément infondées – d’intrumentalisation des syndicats par des forces politiques, peuvent vite survenir.
2) faire face à l’inattendu. Il y a dans le pays un rejet de la situation créée par le capitalisme, par les différentes oppressions ou par l’autoritarisme. Et faire face à l’inattendu, cela veut dire face à des situations où surgiront des mobilisations très hétérogènes, sans orientation politique pré-déterminée et sortant des cadres habituels… dans ces situation se pose la question de l’intervention militante pour y défendre et y faire progresser une orientation progressiste, face à d’autres forces. Cette question avait déjà été posée lors du mouvement des gilets jaunes, elle s’est posée plus récemment concernant les manifestations contre le pass sanitaire. Force est de constater que le test pour le syndicalisme dit « de transformation sociale » est très négatif.
Cette divergence est une divergence d’orientation très importante. Car elle implique des divergences sur la construction de l’action y compris dans nos propres secteurs : par exemple concernant les formes d’auto-organisation qui pourraient apparaître. Mais aussi par exemple sur la question de la lutte contre l’extrême-droite : elle ne peut pas se mener uniquement par des mots, des tracts ou des stages syndicaux entre convaincus, mais aussi en la combattant sur le terrain, auprès de gens pas forcément politisés et que justement il faut amener du côté du mouvement ouvrier.
3) la nécessité d’organiser les mobilisations non seulement en partant d’en bas, mais aussi en construisant les jonctions entre secteurs, pour dépasser les frontières catégorielles. Nous le voyons en particulier sur deux terrains :
– l’éducation : nous assistons à une offensive sur la question des hiérarchies intermédiaires (sur la direction d’école dans le premier degré, avec le « projet local d’évaluation » dans le second degré). Il s’agit donc de soutenir, populariser, généraliser les résistances locales (par exemple soutenir les écoles boycottant le dispositif annoncé par Macron à Marseille) et réaliser la jonction entre ces résistances.
– le pass sanitaire : le mépris social qui s’est exprimé dans certains milieux syndicaux par rapport aux manifestations du samedi contre le pass – mépris à l’égard de manifestations où les femmes étaient nombreuses, ce qui interpelle de la part d’une fédération syndicale se targuant de féminisme – doit cesser. Le pass, instrument liberticide et dirigé contre les droits des travailleur.es, a par ailleurs été combattu par des mobilisations syndicales dans l’hôpital public et dans les bibliothèques par exemple. Aujourd’hui nous sommes dans une situation où il y a un projet de loi pour prolonger l’état d’urgence sanitaire, donner au gouvernement la possibilité de poursuivre l’usage du pass jusqu’en juin 2022 : la question est de participer à la construction d’une mobilisation pour le retrait de ce projet.
Intervention Emancipation sur le féminisme
La période montre un certain nombre de grèves de secteurs féminisés : les sages femmes, les aides à domiciles, ont été en grève, mais également les soignantes et les bibliothécaires se sont mobilisées à l’occasion des manifestations anti-pass, contre les suspensions. Bref, des premières et deuxièmes lignes de travailleuses s’organisent et se mettent en grève. Mais la période est aussi celle de développement des mouvements et collectifs féministes. Or, ces collectifs commencent à s’exprimer et se questionner davantage sur la manière d’organiser un mouvement national, et sur la question de la démocratie du mouvement féministe. Notamment, le choix de Nous Toutes Paris de faire la manifestation contre les violences faites aux femmes le 20 novembre, journée du souvenir trans, a beacxoup questionné et contribue à diviser davantage un mouvement qui peine déjà à s’unir sur un certain nombre de questions. Dans ce contexte, les organisations syndicales ont tout leur rôle à jouer, pour soutenir les collectifs auto-organisés et contribuer à fédérer autour de la question de la grève féministe, qui traverse tout le mouvement. Il faut contribuer à impulser une véritable campagne de grève féministe, avec les collectifs auto-organisés, campagne qui doit commencer dès maintenant.
Pour ce faire, il faut diffuser dès maintenant du matériel, prévoir des stages, des tournées sur les lieux de travail, impulser des AG de travailleuses et les coordonner, y compris avec les collectifs, localement.
Intervention Emancipation : présentation de la motion sur le pass sanitaire
Je ne reviendrai pas sur le débat général qui a eu lieu hier, la position du secrétariat se matérialisant dans le texte « action » présenté aujourd’hui. Emancipation a déjà exprimé ses analyses et divergences sur des questions comme les formes d’action sur diverses questions (mobilisations dans l’éducation, mobilisations féministes…), sur l’articulation entre luttes syndicales et alternative politique, sur comment lutter contre l’extrême-droite…
Je me limiterai donc ici à la présentation de la motion d’Emancipation sur le pass sanitaire. Il faut en effet être attentifs et attentives à trois aspects sur le sujet :
1) les conséquences déjà visibles pour les salarié.es : certaines catégories de salarié.es sont touchées dans notre secteur, mais il faut avoir conscience de ce que cela représente pour les soignant.es de l’hôpital public : à défaut de vaccination et de pass, c’est la suspension et l’absence de salaire qui ne sont plus des menaces mais des réalités. Aujourd’hui les organisations syndicales de ce secteur chiffrent à 20 000 le nombre de personnels des hôpitaux publics qui sont suspensu.es : c’est considérable et catastrophique. Cela met en difficulté les services hospitaliers pour toute une série d’opérations (car leur rôle n’est pas seulement de soigner le Covid), c’est un affaiblissement supplémentaire et un coup porté au service public hospitalier.
2) d’une façon plus générale, le pass est une attaque contre les droits des travailleurs et des travailleuses et menace le secret médical (c’est d’ailleurs l’angle du droit des travailleurs et des travailleuses qui a été choisi par la démarche unitaire en direction du Conseil constitutionnel). Cela pose aussi le problème de la conception de la santé au travail : le combat syndical sur cette question a toujours été de faire reconnaître que le problème de la santé au travail était celui de la responsabilité de l’employeur. Avec le pass, le salarié est rendu responsable de sa propre santé mais aussi de celle des autres : cela crée un précédent dangereux, et l’on ne connaît que trop bien la tendance des gouvernements à user des précédents pour les généraliser.
3) le prolongement du pass : on le sait, un projet de loi est en préparation et sera prochainement soumis à l’Assemblée, visant à permettre l’extension de l’état d’urgence sanitaire et du pass jusqu’en juin 2022. On ne connaît que trop bien la logique de ce gouvernement, qui est de pérenniser beaucoup plus longtemps qu’annoncé initialement des mesures de restriction des droits démocratiques et sociaux.
Le prolongement du pass aurait en outre des conséquences plus que négatives. Un certain nombre de personnels hospitaliers ont pris u congé-maladie ou des congés pour échapper au pass jusqu’au 15 novembre : si le pass est prolongé, ce sera encore plusieurs milliers de personnels supplémentaires qui pourraient être suspendu.es.
C’est pourquoi la motion d’Emancipation propose qu’outre la défense des personnels concerné.es, la FSU se prononce pour le maintient de la gratuité des tests PCR pour tous et toutes, la retrait du pass sanitaire et en tout état de cause le refus de son prolongement au-delà du 15 novembre.
Motion Émancipation : pass sanitaire
Le 12 juillet, E. Macron annonçait la mise en place de mesures adoptées, le 05 août par la loi « relative à la gestion de la situation sanitaire ». Elles comportaient notamment la mise en place du pass sanitaire, l’obligation vaccinale pour certaines professions sous peine de suspension et de perte du salaire.
Le gouvernement a annoncé récemment qu’un projet de loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire et permettant de recourir au pass sanitaire jusqu’en juin 2022, serait présenté au conseil des ministres et examiné par l’Assemblée à partir du 19 octobre.
Pour le CDFN de la FSU, cela signifierait qu’une fois de plus, des mesures de restriction des libertés démocratiques présentées comme provisoires seraient prolongées selon le bon vouloir du gouvernement.
Par ailleurs, il relève que le pass sanitaire :
– vise à rendre responsables les personnels soignants de la situation catastrophique de l’hôpital public. Dans le même temps, les suppressions de lits continuent, et selon des sources syndicales plus de 20 000 personnels sont aujourd’hui absent.es de l’hôpital public du fait des décisions gouvernementales : le pass sanitaire et l’obligation vaccinale affaiblissent une nouvelle fois l’hôpital public, facilitant la politique gouvernementale de démantèlement de la santé publique.
– constitue une attaque contre le Code du travail et le secret médical. Il vise à diviser les travailleur.es, mais aussi à remettre en cause la logique de la santé au travail, en faisant reposer sur les salarié.es la responsabilité de leur santé alors que cela relève de la responsabilité des employeurs. Des catégories entières de personnels de la Fonction publique comme de l’Education nationale sont concerné.es (soignant.es, personnels de la Fonction publique territoriale, PsyEN, infirmières scolaires…)
– ouvre la voie à une surveillance généralisée de la population.
Le CDFN de la FSU :
– s’oppose à toute sanction liée au pass sanitaire et à l’obligation vaccinale à l’encontre des personnels.
– se prononce pour la gratuité des tests PCR pour tout.es, le droit et les moyens de se faire vacciner pour qui le souhaite.
– se prononce pour l’abrogation de la loi du 5 août, du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale pour certaines catégories de personnels (soignant.es, PsyEN, infirmières scolaires…) qui en découlent… et pour le retrait du projet de loi visant à prolonger l’ « état d’urgence sanitaire » et l’usage du pass sanitaire.Pour 8, Contre 57, Abstention 4, Refus de vote 25