Ci-dessous et en pièce jointe, la contribution d’Emancipation à l’ouverture du CDFN de la FSU de septembre 2021 : après les manifestations de l’été sur le « pass sanitaire », voici maintenant la rentrée catastrophique et de nouvelles attaques annoncées par Macron notamment dans son discours de Marseille. La question centrale reste celle de l’auto-organisation des personnels pour combattre cette politique et se réapproprier leurs organisations syndicales pour en faire des outils de lutte.
Mobilisations, l’urgence de rattraper le retard
De nouvelles attaques contre les libertés démocratiques et le droit du travail
Cet été 2021 a été marqué par des mobilisations inédites pour cette période de l’année, et qui se poursuivent. En effet, les annonces de Macron du 12 juillet, formalisées dans une loi discutée au Parlement, constituent une nouvelle attaque contre les libertés démocratiques, les motifs sanitaires mis en avant ne servant qu’à masquer les intentions réelles de ce gouvernement.
Toutes les catégories de travailleurs.ses subissent les contrecoups d’un nouveau déconfinement davantage dicté par des contraintes économiques et les stratégies électorales que par des impératifs de santé. Plutôt que de faciliter l’accès à la vaccination (entre autres, dans les quartiers populaires et les zones rurales), Macron impose de façon autoritaire et brutale la quasi-obligation de la vaccination et du passe sanitaire. Et comme à son habitude il recourt à des moyens abjects :
– pari sur la division les travailleur.es, en désignant comme boucs émissaires des personnels de santé qui n’en peuvent plus, exploité.es au delà du tolérable, tout comme l’hôpital public.
– stigmatisation et mise à l’écart d’une partie des travailleur.es et de la jeunesse, particulièrement parmi les moins favorisé.es.
– conséquences catastrophiques pour une partie des salarié.es, notamment précaires, de cette nouvelle attaque contre le droit du travail, contre le secret médical et les prérogatives de la médecine du travail.
– instauration d’une société de surveillance généralisée, non seulement par la police mais aussi par les agent.es des services publics, les exploitant.es d’événements et d’établissements. Et cette perpétuation de l’état d’urgence par des moyens détournés est prévue pour durer, les mesures d’exceptions tombant le plus souvent dans le droit commun. Macron laisse déjà entendre que l’état d’urgence sera prorogé après le 15 novembre.
Face à ces attaques, les mobilisations nous confirment encore plus que ce gouvernement n’est légitime en rien : ni pour attaquer ainsi les soignant·es, ni pour prétendre imposer le passe sanitaire afin de régenter nos vies ; ni pour prétendre retarder l’âge de la retraite ; ni pour faire rembourser par les plus modestes la dette souveraine du pays ou le déficit de la sécu, liés à sa gestion et à son exploitation de la crise sanitaire (d’autant que les fortunes des plus riches ont augmenté cette année de 30 %). En fait Macron prouve un peu plus qu’il n’est que l’exécuteur des exigences patronales : toujours plus de profits en surexploitant les travailleur.se.s, et en pillant et polluant le monde.
De telles politiques au service du capital ont aussi des conséquences écologiques de plus en plus désastreuses, et qui se multiplient : réchauffement climatique, avec des dômes de chaleur en Espagne ou au Canada, canicule, incendies monstre, inondations meurtrières, particulièrement en Allemagne et en Belgique. Alors que l’environnement est une priorité et que les luttes se développent, les “JAD”, jardins à défendre, continuent à être évacués comme ça a été le cas à Dijon ou encore Aubervilliers.
Ces attaques, comme les mobilisations qui y répondent, nous rappellent que si le chemin des luttes est long et semé d’embûches (répression, division entretenue par le pouvoir et l’extrême droite) il nécessite qu’on l’emprunte et le trace, massivement, avec une stratégie claire et des initiatives dans tous les domaines. La crise sanitaire que nous traversons, et qui exacerbe les exploitations et oppressions déjà existantes, nécessite une lutte d’ampleur. En effet, le programme covax, ou encore la levée des brevets, sont sans doute nécessaires mais ne sont pas suffisants, dans un contexte où la vaccination est encore loin d’être pensée à une échelle mondiale, seule échelle pourtant à laquelle il est possible de mettre fin à l’épidémie de Covid. Ainsi, pendant qu’ici on contraint les travailleur.se.s et promeut une société du contrôle, là bas, on délaisse les populations des pays pauvres qui ne peuvent pas se procurer le nombre de vaccins dont elles auraient besoin. Cet état de fait pose la question de la nationalisation et/ou de l’expropriation sous contrôle des travailleur.ses des laboratoires et fabricants pharmaceutiques : le droit à la vaccination pour tous et toutes est fondamental pour espérer lutter efficacement contre à cette pandémie, ou toute autre à venir, du fait de la dégradation des conditions environnementales et des systèmes de santé organisés par les capitalistes et leurs serviteurs.
Investir les mobilisations en cours
Or, dans quel autre contexte que celui d’une mobilisation, qui plus est suivie, est-il possible de porter ces revendications ? Qu’augurons-nous de l’état des organisations syndicales si nous refusons le travail, lent et difficile il faut en convenir, d’explication, de revendications, d’articulation des luttes ? A cet égard il est problématique que des militant.es de ces organisations se soient retrouvé.es, dans certains endroits, seul.es à porter ce travail, au sein des manifestations contre le pass sanitaire, sans le moindre appui des directions syndicales, sans même parler d’un indispensable investissement de celles ci.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’idéaliser un mouvement qui est clairement protéiforme, comme l’a été au début celui des gilets jaunes. Mais il est tout aussi difficile de faire l’impasse sur une analyse nuancée du mouvement, qui ne caricature aucune position ou intervention. C’est pourquoi il nous semble notamment contreproductif de surestimer la force des groupes fascistes dans ces manifestations, comme si la présence d’une pancarte permettait à elle seule de caractériser tout un mouvement. Il ne s’agit pas de nier ces forces non plus, mais les organisations syndicales doivent réfléchir, autrement que localement, à la manière d’intervenir dans ces mobilisations plutôt que de laisser des pressions s’exercer sur celles et ceux qui s’efforcent d’y faire un travail, en caricaturant les positions. Il nous faut ainsi éviter l’écueil qui consisterait à laisser le mouvement aux mains de forces réactionnaires et à affirmer qu’il ne faut pas s’y investir parce qu’il est réactionnaire.
Le rôle des organisations syndicales est de réfléchir à partir du travail de terrain et de développer les mouvements auto-organisés pour la satisfaction des revendications qui sont apparues dans les luttes : contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire, pour les libertés, contre l’état d’urgence sanitaire, les violences policières et la traque des exilé·es, pour la défense des services publics, la création de postes et les budgets nécessaires (Hôpitaux, Transports, École….). Il nous semble urgent de nous positionner, pour rendre audibles nos revendications, quand une partie de la population met en avant la question des droits du travail (création de collectifs de travailleurs.ses des secteurs de la restauration et des bars ou/et de collectifs de soignant.es par exemple dans plusieurs villes), et celle de la lutte contre le contrôle généralisé de la population. Certaines sections syndicales ont montré la voie, et les appels à articuler les revendications du mouvement avec les autres attaques telles que la contre-réforme de l’assurance-chômage, ou le recul de l’âge de la retraite, se multiplient.
Il est grand temps de sortir de la passivité, d’articuler les revendications et de se préparer à l’ampleur des luttes qui nous attendent ! Dans ce contexte, l’appel à manifester le samedi 18 septembre dans le cadre unitaire politique, associatif et syndical, qui avait appelé au 12 juin contre l’extrême droite, pourrait répondre à une partie des enjeux auxquels nous faisons face. Rejoindre et amplifier cet appel permettrait que les mobilisations tardives annoncées par les intersyndicales éducation et interpro les 23 septembre et 5 octobre s’inscrivent dans un plan de mobilisation.
A l’international
La situation en Afghanistan suscite des mobilisations qui mettent en avant la question de l’accueil des populations et de l’ouverture des frontières, ainsi que la question des violences faites aux femmes. Or, il faut rappeler que la situation actuelle en Afghanistan est le résultat combiné de l’intervention des pays impérialistes, de celle des troupes de l’Alliance du Nord et de celle des talibans, contre lesquelles les afghan.e.s luttent. C’est pourquoi il faut refuser que la lutte pour l’émancipation des femmes, et plus généralement de la population, soit instrumentalisée pour justifier une guerre ou l’intervention des pays impérialistes. Face au chaos actuel, la France doit assumer pleinement sa part de responsabilité et accueillir toutes et tous les réfugié.es qui le demandent. Nous devons également soutenir la population en lutte dans le pays et toutes les mobilisations du peuple afghan contre les forces réactionnaires.
Dans l’éducation, des conditions de rentrée inacceptables
Contre-réformes et « gestion » de la crise sanitaire
Les personnels, comme les élèves et les étudiant·es pâtissent de la désorganisation délibérée de la rentrée par les équipes Blanquer-Vidal. Alors que l’École publique laïque a été désorganisée et attaquée comme jamais dans son histoire :
– rien pour rattraper les retards dus à la maladie et aux réponses incohérentes du ministère ;
– pas de créations de postes d’enseignant·es pour les rattrapages et dédoublements, pas plus d’assistant.es d’éducation, qui ont pourtant montré toute leur efficacité dans cette période de crise, pas plus d’agent·es pour effectuer le surcroît de tâches imposées par l’épidémie, pas plus de personnels médicaux pour la prévention, le dialogue, les soins, et les éventuelles vaccinations ;
– insuffisance extrême des équipements permettant aux personnels et aux élèves de travailler dans des conditions décentes (aération,capteurs de CO2, masques adaptés pour tout·es…).
Dans l’éducation, la mobilisation vis-à-vis des contre-réformes Blanquer reste la priorité, dès la rentrée et en s’appuyant sur des AG souveraines de personnels (coordinations, AG inter-établissements…). Des établissements, dans le Var, la Seine-Saint-Denis, ont fait grève le jour de la pré-rentrée, de la rentrée des personnels ou de celle des élèves et appellent à poursuivre le mouvement, contre les conditions de travail encore plus intolérables. Il faut soutenir les luttes, les promouvoir et les coordonner le plus largement possible.
La rentrée catastrophique ne doit pas cependant faire oublier un autre aspect central : Blanquer veut poursuivre son offensive initiée avec le « Grenelle de l’éducation ». En effet, la « revalorisation » au demeurant assez dérisoire est pensée comme allant avec l’application des « 12 engagements » qui constitue « une étape majeure pour la transformation de notre système éducatif ». Remplacements à l’interne, formations obligatoires pendant les vacances, développement et renforcement des hiérarchies intermédiaires… la caporalisation des personnels et les menaces contre les garanties statutaires, voici les objectifs du « Grenelle de l’éducation » et de l’agenda social proposé par le ministère avec des réunions programmées pour les prochaines semaines. La défense de l’école laïque implique de combattre le « Grenelle de l’éducation ». Cela implique pour les organisations syndicales de cesser des participer au divers « groupes de travail » à son sujet, et aussi d’informer et préparer la mobilisation des personnels.
Laïcité
La rentrée est aussi marquée par la campagne d’affiches « laïques » qui stigmatise les musulman.ne.s et fait lamentablement écho à la campagne sur le séparatisme du gouvernement. Une campagne ouvertement raciste, méconnaît ce qu’est la laïcité définie par la loi de 1905. Elle implique de reprendre l’initiative sur ce terrain, notamment parce que suite au rapport Obin un formatage des personnels sur la base d’une idéologie « républicaine » xénophobe se profile.
Précarité
Macron fait de la précarité un cheval de Troie contre les différents niveaux de la Fonction publique. Dans l’éducation, des milliers de personnels aux contrats toujours plus précaires sont actuellement victimes d’un plan massif de licenciement.
La seule réponse revendicative à la hauteur, c’est le réemploi de tous les non titulaires et leur titularisation immédiate et sans conditions…. Cette prise en charge syndicale de la précarité doit commencer au niveau des services, des établissements, des écoles par un suivi individualisé systématique dès le début d’année, l’accompagnement dans les démarches pour l’obtention des droits, l’organisation de rassemblements et délégations aux rectorats et l’aide à la mise en place de collectifs de lutte unitaires de non-titulaires qui se coordonnent à tous les niveaux, soutenus par les titulaires et les syndicats. La proposition de l’intersyndicale de la poursuite de la mobilisation des seuls AESH (pourquoi ne pas associer au moins les AED également fortement en lutte l’année scolaire passée) dans la deuxième quinzaine d’octobre, voire après les vacances d’automne, n’est pas faite pour rassurer.
La réactivation des réseaux interprofessionnels à la rentrée et la préparation de la grève reconductible jusqu’à satisfaction sont les meilleures réponses aux annonces de poursuite des attaques sur les retraites, l’assurance-chômage, aux conséquences sociales de la fin du « quoi qu’il en coûte » et aux largesses concédées au patronat, particulièrement avec le plan de relance. Ainsi préparée, la journée interprofessionnelle du 5 octobre ne doit pas rester sans lendemain.