Colombie
De nombreux pays latino-américains connaissent ou ont connu le joug des militaires et d’une bourgeoisie “compradore”. Ce qui caractérise en plus des pays comme la Colombie ou le Mexique, c’est que l’appareil d’État est totalement infiltré par les narcotrafiquants. En Colombie, les accords de paix avec les différentes guérillas ont été des mystifications. Des ancien·nes de la guérilla ont été assassiné·es par des paramilitaires qui poursuivent leurs crimes en toute impunité.
Le Président Duque a promu une “réforme fiscale” qui exonère d’impôts les plus riches et entend faire payer la “crise” par les classes populaires.
Dès le 28 avril, la population est descendue massivement dans la rue. Elle a obtenu le retrait du projet et la démission du ministre des finances. Mais l’ampleur de la répression en dit long sur cet État : 37 mort·es et plus de 800 arrestations en une semaine. On dénombre des centaines de cas de violences policières et de viols dans les commissariats.
Brésil
C’est un des pays au monde les plus touchés par la pandémie de Covid. Bolsonaro porte une responsabilité énorme. Des enquêtes le visent désormais directement. Son ancien ministre de la Santé, le Général Pazuello est accusé d’avoir détourné des fonds et d’avoir privé les hôpitaux de la ville de Manaus d’oxygène au plus fort de la pandémie. Il a essayé de se soustraire à la commission d’enquête.
Mais Bolsonaro a d’autres priorités. Sa police a donné l’assaut dans le bidonville de Jacarezinho à Rio. Bilan : au moins 29 mort·es. “L’État ici, il rentre, il tue et il repart” a expliqué une habitante.
La mobilisation contre Bolsonaro s’amplifie dans le pays. Le 14 mai, anniversaire de l’abolition de l’esclavage (qui fut très tardive au Brésil, en 1888), des milliers de manifestant·es ont défilé contre le racisme et les violences policières.
Le retour de Keynes ?
Biden avait annoncé un plan d’infrastructures de 2250 milliards de dollars pour relancer l’économie. Une façon d’imiter le New Deal de Roosevelt dans les années 1930. Dans des périodes de crise où les capitaux privés ne suffisent plus, les investissements de l’État permettent de relancer l’économie (capitaliste). Le plan a été réduit à 1700 milliards. Même recul sur le taux d’imposition des entreprises. Après une proposition audacieuse (de 21 à 28 %), on est redescendu à 15 %, les maîtres du monde n’ont pas trop de souci à se faire. Reste une bonne idée, celle d’une levée (temporaire) des brevets sur les vaccins anti-Covid. Les annonces que “ce serait long et difficile” ont déjà commencé. N’est pas Roosevelt qui veut.
Amazon
Ce modèle économique piétine tous les droits du travail en faisant des profits énormes. En Alabama, les 2/3 des employé·es d’une usine d’Amazon ont voté contre la création d’un syndicat. La faute à pas de chance ? Le salaire minimum en Alabama est de six dollars par heure (soit cinq euros). C’est dérisoire et Amazon paie un peu plus. Le chantage à la “délocalisation” de l’usine a suffi à casser le projet syndical.
En Europe, Amazon avait trouvé le moyen de ne pas payer d’impôts, en déclarant toutes ses activités au Luxembourg. En 2017, Bruxelles avait intimé l’ordre au Luxembourg de percevoir 250 millions d’impôts. Amazon et Luxembourg ont fait appel et cet impôt a été annulé. Amazon Europe a déclaré avoir perdu de l’argent en 2020. C’est beau la comptabilité et c’est beau la justice européenne !
Podemos
Le mouvement est apparu en 2014, reflet d’un mouvement des indignés remettant en cause le modèle social et la corruption. Transformé en parti politique, Podemos a remporté en 2016 les mairies de plusieurs grandes villes dont Madrid et Barcelone. Mais le parti n’a pas réussi à dépasser le PSOE (Parti socialiste) et il a été contraint de devenir une force d’appoint pour empêcher l’extrême droite raciste (Vox) d’accéder au pouvoir.
La droite vient de remporter un triomphe électoral aux élections régionales à Madrid et Pablo Iglesias, le dirigeant historique de Podemos, quitte la vie politique.
Après l’explosion en plein vol de Syriza en Grèce, la gauche européenne qui s’était engagée à combattre le libéralisme se retrouve bien affaiblie.
Maroc
Le pays connaît à la fois une dérive autoritaire et une dérive nationaliste. Dans la répression contre le Hirak, le cas d’Omar Radi est emblématique. Proche d’Attac-Maroc et de l’association marocaine des droits humains, ce journaliste a été une première fois arrêté en 2017. Pour avoir dénoncé, en lien avec Amnesty International, l’installation sur son téléphone, du logiciel espion “Pegasus”, il est aujourd’hui arrêté à nouveau et accusé de viol (les relations sexuelles hors mariage sont interdites au Maroc). Il risque 15 ans de prison.
D’autre part, le Maroc a été chargé par l’Union Européenne de retenir sur son territoire les migrant·es cherchant à gagner l’Europe, ce que sa police fait habituellement avec beaucoup de zèle et d’inhumanité, sans oublier le racisme contre les Noir·es. Furieux que l’Espagne ait accepté d’hospitaliser un dirigeant du Polisario, le Maroc a ouvert sa frontière et des milliers de migrant·es (en majorité marocain·es) sont arrivé·es dans l’enclave espagnole de Ceuta.
À cette occasion, les images d’une volontaire espagnole de la Croix-Rouge réconfortant un réfugié sénégalais épuisé et désespéré, ont déchaîné sur Internet une haine raciste décomplexée. On vit une époque formidable.
Inde
Les grands laboratoires du monde ont eu l’idée géniale de délocaliser une bonne partie de la fabrication des médicaments en Inde. Il est vrai que, vu le montant des salaires, c’est idéal pour les actionnaires. Et puis la pandémie a pris un tour dramatique dans le pays le plus peuplé du monde. La gestion hyper autoritaire de Modi s’est révélée comme une mascarade populiste. Il a d’abord préféré exporter plutôt qu’immuniser sa population.
La décision de ne plus exporter les vaccins s’est révélée tardive et inefficace, vu le manque de structures hospitalières.
Modi n’a apporté aucun secours, ni médical, ni économique, à des pauvres dont les conditions de vie précaires ont favorisé la contagion. Il les a juste enfermé·es et réprimé·es. Le confinement a été essentiellement punitif.
Des élections provinciales viennent d’avoir lieu dans plusieurs États de l’Union Indienne. Le parti de Modi a reculé, mais il est loin d’être complètement défait malgré sa gestion catastrophique.
Pierre Stambul