Émancipation


tendance intersyndicale

Editorial revue n°10 (juin 2021)

Droit dans les bottes… du R. N.

“Avant d’avoir des droits, vous avez des devoirs”, a asséné Macron à un sans-papiers à Nevers.

A force de courir derrière le R.N., il en arrive à placer les devoirs avant les droits, niant le Droit pour lequel il doit y avoir simultanéité des droits et devoirs. Et même en cas d’urgence, les droits devraient précéder les devoirs.

Comme le droit à la (sur)vie dont le sans-papiers aurait pu l’entretenir s’il l’avait écouté. Survivre durant huit longues années sans droit de travailler, harcelé par les “autorités”. Il aurait pu aussi lui parler de toutes ces autres années où il a galéré et risqué sa vie avant d’arriver sur le sol français. Des années de misère et d’exploitation (post)coloniales, puis de périls à traverser le désert, la mer ou la montagne ; à subir les atrocités des camps, des milices… Mais Macron le sait bien, vu qu’il est souvent derrière tout cela avec ses copains des multinationales, avec les guerres impérialistes ou les marchandages honteux pour empêcher l’immigration.

Ce propos immonde de Macron participe d’une stratégie de braconnage sur les terres de l’extrême droite, et traduit une orientation plus générale, au final pas très éloignée de celle du R.N., expérimentée d’abord sur les plus fragiles, opportunément privé·es du droit de vote, et généralisée à l’ensemble de la société (à l’exception bien sûr des possédant·es qui se partagent sept milliards de dividendes cette année, alors que plus de citoyen·nes que jamais sont contraint·es de s’inscrire à un chômage aux droits encore amoindris par Macron). Cette orientation, c’est la restriction des droits, au profit de nouveaux devoirs, dans une société de concurrence et de rentabilité, de contrôle social et de répression, où les rouages de l’État (police, justice, trésor…) tournent à plein régime au service du capitalisme.

Les exemples ne se comptent plus :
– Au-delà des restrictions sur la CMU pour les sans-papiers, le droit à la santé est remis en question pour tou·tes par l’obligation pour chacun·e de financer l’hôpital public, les libéralités vis-à-vis des lobbies médico-pharmaceutiques, les déremboursements sécu. Sans oublier les mesures liberticides de l’état d’urgence sanitaire…
– Le droit des mineur·es n’est pas bafoué que pour les sans-papiers isolé·es. Il est démantelé pour tous les jeunes, avec la fin de l’ordonnance de 47, la criminalisation de plus en plus précoce et la répression violente et vexatoire des mobilisations lycéennes…
– Le droit des associations est également visé, avec l’obligation de souscrire à une “charte républicaine” de la loi contre le “séparatisme” et avec la banalisation des dissolutions. Les droits syndicaux sont bornés par des “accords” de moins en moins protecteurs pour les travailleur·euses, par la fin des prérogatives des CAP et CHSCT et de l’équilibre des droits et devoirs des personnels dans la nouvelle codification de la Fonction publique. Le droit de manifester, est à présent soumis, en plus d’une déclaration, à une acceptation préfectorale…

Un tel bilan politique doit pousser à utiliser les quelques droits démocratiques qui restent pour se débarrasser de ses responsables. Mais ceux/celles-ci utilisent à plein des institutions réactionnaires, des médias en laisse et la passivité de la “gauche” parlementaire et syndicale surtout préoccupée par l’occupation de strapontins, pour présenter comme une obligation le choix entre la peste et le choléra, entre Macron et Le Pen. Au risque de finir par repêcher la seconde.

Dans une telle situation développons l’auto-organisation dans les entreprises, les lieux de formation, les quartiers, pour lutter contre cette politique ou toute autre encore pire pouvant advenir et forcer le mouvement politique et syndical à jouer son rôle. Et si cela ne suffit pas, il reste l’insurrection, présentée par l’article 35 de la Constitution de l’an I, comme “le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs”.

Olivier Vinay, le 29 mai 2021


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