Après des réunions de commissions et des réunions de tendance, les débats ont repris au congrès national du SNES. Cette journée a été consacrée à la discussion sur le système éducatif. Le texte très pauvre – et se situant dans le cadre tracé par les contre-réformes du pouvoir – proposé initialement par la direction du SNES a été rendu plus revendicatif par de nombreuses interventions et de nombreux amendements. Nous mettons en ligne ci-dessous les interventions d’Emancipation, et mettrons les textes présentés par Emancipation avec les résultats des votes.
Intervention Emancipation : présentation de la motion sur le système éducatif
Bonjour camarades, Je présente la motion numéro 1 d’Emancipation, une motion générale sur le système éducatif. Nous relevons des évolutions positives du texte de la direction du SNES dans les discussions de ce congrès, et d’autres qui pourraient survenir : ainsi nous nous joignons à une partie des amendements de l’Ecole Emancipée, notamment sur le « lycée unique ».
Si nous présentons une motion globale, ce n’est pas pour nous compter mais parce qu’il y a entre nous des divergences sur le projet éducatif global : pour nous la perspective du texte proposé par la direction du SNES est celle d’une démocratisation scolaire dans le cadre du système capitaliste, ce qui nous semble insuffisant au vu des enjeux actuels.
De notre point de vue, deux articulations sont nécessaires concernant le projet éducatif :
1) d’une part articuler revendications immédiates, et perspectives d’ensemble dans le cadre scolaire. En prenant en compte la contradiction présente dans l’institution scolaire actuelle :
– l’école est un élément de l’appareil d’Etat capitaliste, et donc jour un rôle dans la division sociale et sexuée du travail.
– l’école est facteur d’émancipation, les enseignements étant porteurs d’éléments de compréhension du monde et de la société.
2) d’autre part articuler transformation de l’école et transformation sociale. Et par « transformation sociale », nous entendons mettre fin par la lutte de classes à une organisation sociale fondée sur la propriété capitaliste des moyens de production et la domination de la classe bourgeoise.
Nous proposons donc pour le SNES un projet éducatif en cohérence avec cette perspective d’ensemble, et axé sur trois points fondamentaux :
1) un projet d’école contradictoire à celui du gouvernement : cela impose un plan d’urgence et l’abrogation de l’ensemble des contre-réformes, ce qui implique le refus de participer à leur application (sujet des motions suivantes d’Emancipation).
2) un projet d’école contradictoire avec le dualisme scolaire, et donc un projet d’école fondé sur la laïcité : cela suppose notamment l’abrogation de al loi Debré, la nationalisation laïque de l’enseignement privé sous contrat.
3) un projet d’école qui refuse toute finalité d’orientation professionnelle précoce (par « orientation professionnelle précoce », nous entendons une orientation avant la fin de l’ scolarité obligatoire). Toute organisation est pensable est discutable (séries ou pas, spécialisation ou pas dans les études…) si elle est détachée d’une orientation professionnelle avant le bac… et inversement toute organisation qui reste dans le cadre du tri social a des limites évidentes qui sont celles du système capitaliste. Cela implique bien entendu que tout jeune titulaire du bac ait accès aux études de son choix sans restriction, et aussi de repenser l’organisation du post-bac et de l’université.
Intervention sur la motion Émancipation : « Réforme des concours et de la formation »
On ne peut que se féliciter du fait que le texte affirme l’exigence de l’abrogation de la réforme du CAPES. Il faut néanmoins préciser que cette réforme du recrutement concerne 6 concours dont le recrutement des PLP, des CPE, des professeurs d’école… Elle passe définitivement à la trappe le fait que la formation initiale pour les professeurs stagiaires devait être payée par l’État employeur. La mise en responsabilité des candidats, en qualité de contractuels, avant les concours, et l’introduction d’un oral qui relève de l’entretien d’embauche tendent à aligner le recrutement des futurs titulaires sur le recrutement des contractuels, lequel va être considérablement élargi.
Il s’agit donc d’avancer vers la contractualisation du corps enseignant ; tous les personnels sont menacés.
On doit se poser deux questions :
1-Comment en est-on arrivé là ?
Comment oublier que cette contreréforme a été précédée par deux ans et demi de concertations auxquelles notre syndicat et la FSU ont participé. (Après la commission qui a conduit au rapport Fillâtre, en 2018, les concertations se sont poursuivies jusqu’à la publication des arrêtés en 2021).
Que pouvait-on attendre de ces concertations avec Blanquer qui met en œuvre le programme de Macron. L’objectif est clairement annoncé : une société « sans statut », la destruction des acquis collectifs, l’individualisation des droits. Ces deux ans et demi de concertations ont désarmé les collègues au lieu de les armer pour organiser le combat
2- Et aujourd’hui, comment imposer l’abrogation de cette contre-réforme ?
Blanquer a mis en place un « comité de suivi des INSPÉ ». Il doit aujourd’hui servir à accompagner, le suivi, la mise en œuvre de la réforme du recrutement et de la formation », en lien avec les objectifs généraux de Blanquer et de Macron.
Ces objectifs sont clairs. Ils sont précisés dans les documents issus du Grenelle et le rapport « Quels professeurs au XXIe siècle ? » ». La loi de transformation de la Fonction publique (TFP) donne le cadre juridique qui va permettre de nouvelles offensives contre les garanties statutaires. Blanquer a indiqué qu’il ferait de nouvelles annonces fin mai. Et il est clair que l’individualisation des carrières va de pair avec le parcours individuel de l’élève, la réforme du bac, du lycée, la loi « école de la confiance »… en conformité avec l’ensemble des objectifs de Macron.
Alors, peut-on attendre la moindre amélioration en participant à ce comité de suivi ? Nous sommes déjà intervenus en ce sens dans les instances syndicales, et au congrès de la FSU, il y a un an et demi. Quel combat a été mené pour informer, organiser la mobilisation contre ces projets de destructions des statuts ?
La participation du syndicat aux groupes de travails inscrits dans l’Agenda de Blanquer ont-ils permis de barrer la voie aux contre-réformes ? À l’évidence non. Et pour Blanquer, ce dialogue social devrait se poursuivre dans « le comité de suivi des INSPÉ, de la réforme du recrutement » afin d’entraver les résistances en associant le syndicat à la mise en œuvre.
Si l’on veut vraiment se donner les moyens d’imposer l’abrogation de la réforme des concours, il faut organiser un combat global contre la casse du métier et des garanties statutaires ; et y mettre toutes les forces du syndicat.
Cela implique de commencer par cesser toute participation au comité de suivi de Blanquer.
Je vous invite donc à voter la motion Émancipation sur la « réforme des concours et de la formation ».
Intervention Emancipation motion éducation prioritaire et amendement conseil d’évaluation de l’école :
Bonjour,
J’interviens pour défendre la motion Emancipation sur l’éducation prioritaire, ainsi que l’amendement émancipation sur le conseil d’évaluation, deux pièces de choix de l’offensive Blanquer contre le cadre national de l’école et le statut.
–> S’agissant de l’éducation prioritaire, il est clair que son existence même (encore synonyme, en dépit des attaques et des dégradations, de moyens supplémentaire voire d’effectifs plus réduits dans les classes) ne cadre pas avec les objectifs généraux du gouvernement. Il faut le dire, on ne peut pas parler s’agissant des contrats locaux d’accompagnement (CLA) ou des territoires éducatifs ruraux (TER), de moyens supplémentaires tel qu’on l’entendait jusqu’à présent, ce sont des moyens hors la classe, tout au plus des ressources mais à la condition de travailler plus et d’exercer davantage de missions, ce qui va avec le démantèlement du statut.
En effet, ces dispositifs (CLA et TER) sont le Cheval de Troie de la contractualisation, dans la ligne des préconisations des ateliers du Grenelle de l’éducation ou du rapport « quels professeurs au 21ème siècle », avant une généralisation à tous les établissements qui ne peut faire aucun doute.
C’est pourquoi notre syndicat doit exiger le retrait du projet de réforme de l’éducation prioritaire, et d’engager le combat pour l’obtenir. Cela commence par demander le retrait de l’expérimentation des contrats locaux d’accompagnement et des territoires éducatifs ruraux.
Mais est-il possible de demander l’arrêt de la réforme en cours de l’éducation prioritaire et d’accepter en même temps de participer aux comités de suivis dans les académies expérimentatrice, alors même que leur fonction est de mettre en œuvre la réforme ? Est-il possible de demander l’arrêt de la réforme et en même temps d’accepter d’en discuter avec la secrétaire d’état Nathalie Elimas, qui régulièrement fait référence à ces concertations et s’en félicite ?
La réponse est évidemment non, notre congrès doit se prononcer pour le retrait de la réforme de l’éducation prioritaire et annoncer que le SNES refuse toute concertation sur ces bases et quitte les comités de suivi. Sur ces bases, il sera possible de construire la mobilisation en défense de l’éducation prioritaire et au-delà pour stopper l’offensive du gouvernement. Tel est le sens de la motion émancipation.
–> S’agissant du conseil d’évaluation de l’école (CEE) dont le S3 Créteil a également fait état, il faut rappeler que son existence est notamment saluée par le rapport « quels professeurs au 21ème siècle », ce qui indique bien qu’il s’intègre dans le dispositif général de casse du métier et d’autonomie des établissements. C’est un outil néo-libéral.
On est surpris de l’extrême modération du texte des rapporteurs à ce sujet, avec une référence limitée à l’auto-évaluation (sans évoquer donc l’évaluation externe et ses conséquences en terme notamment de risques psycho sociaux) et sans se prononcer sur le conseil d’évaluation de l’école, alors même que des collègues subissent la première campagne.
Pour notre part, nous considérons doit se prononcer pour la suppression du conseil d’évaluation de l’école et appeler les collègues à refuser de s’engager dans cette démarche en leur donnant les moyens de pouvoir le faire. Cela implique donc que notre syndicat, et au-delà notre fédération, refusent de siéger dans le conseil consultatif du conseil d’évaluation de l’école.