Émancipation


tendance intersyndicale

« Grenelle des professeurs »… encore une arnaque !

Dans d’autres circonstances, cela passerait pour du comique de répétition : à nouveau, le 31 août Blanquer agite la question de la « revalorisation » des enseignant.es en annonçant un « Grenelle des professeur.es ».

Cette fois-ci ce ne sera pas seulement un effet d’annonce : le projet d’ « agenda social » envoyé aux syndicats représentés au CTM prévoit rien moins que 17 groupes de travail (1)… dont la plupart ne concernant pas les rémunérations ! De quoi s’agit-il donc ?

Aller plus loin

Sur cette question, il ne faut pas isoler les enseignant.es du reste du salariat. Il y a certes une dégradation des conditions de travail et un mépris de plus en plus fort social de la part des pouvoirs successifs… mais cela ne touche pas que les seul.es enseignant.es. Toutes les catégories sont touchées (agent.es, administratifs…), par exemple les Vies scolaires sont massivement composées de précaires hors statut et avec très peu de droits (sans oublier les AVS et AESH par exemple).

Par ailleurs, c’est toute la Fonction publique qui est touchée. C’est pourquoi les revendications doivent s’articuler autour de ce qui est commun à tou.tes les personnels : le point d’indice, base du salaire. Déblocage du point d’indice, échelle mobile pour éviter le « grignotage » par l’inflation, augmentations uniformes en point d’indices…

Inversement, la politique des pouvoirs est de casser les cadres et repères collectifs pour individualiser, diviser et mettre en concurrence les travailleur.es. Il a déjà posé des jalons en ce sens, mais cela reste insuffisant. Il lui faut donc aller plus loin dans la dégradation des conditions de travail, et le « Grenelle » est aussi fait pour ça.

Une transformation déjà commencée

Blanquer comme Macron ne l’ont pas caché : les discussions sur la « revalorisation » constituent en fait un projet de transformation du métier (Macron : « transformer en profondeur le métier d’enseignant », 03/10/2019).

Et cela a déjà commencé : par exemple avec un décret augmentant le nombre d’heures supplémentaires imposables par les chef.fes d’établissement (2 heures supplémentaires / semaine), et un autre permettant d’imposer des jours de formation pendant les vacances scolaires… Blanquer déclarant sans rire que cela constituait une augmentation du pouvoir d’achat ! On a ici le contenu profond de la « revalorisation » à la sauce gouvernementale : c’est finalement le « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy… en fait alourdir le temps de travail pour économiser des postes et de la masse salariale. Mais pour cela, il faut pouvoir affaiblir les garanties statutaires des personnels.

La transformation des métiers, et la casse des statuts qui va avec, a d’ailleurs déjà commence. Par exemple la période du confinement, puis du post-confinement et de la rentrée, a vu se multiplier les attaques, comme l’ « enseignement hybride » qui est théorisé depuis (voir l’article à ce sujet dans le présent numéro).

L’argent plus tard, les régressions maintenant !

Blanquer multiplie les annonces, qui se ramènent en fait à une « prime d’équipement » et 400 millions d’euros dans le prochain budget. Cela fait très pour les plus de 850 000 enseignant.es. Quant aux promesses de programmation « pluriannuelle » d’augmentation de la masse salariale, on sait ce qu’elles valent : le Conseil d’État avait rappelé que cet engagement n’avait aucune valeur, lors du projet de loi sur les retraites.

C’est qu’en fait, s’il y aura sans doute quelques millions mis sur la table, l’essentiel est ailleurs. Le gouvernement est clair : « en échange » d’une diminution drastique des retraites, les enseignant.es auraient une « revalorisation »… elle-même conditionnée par une aggravation des conditions de travail.

C’est le sens profond de l’ « agenda social » proposé par le ministère pour les prochaines semaines (1). À part un groupe de travail par catégorie, tout le reste porte sur est des questions qui sans lien direct avec la question des salaires (« relations avec les parents » par exemple). En échange de quelques modestes mesures catégorielles, probablement sous forme de primes voire de primes individualisées en fonction du « mérite »… une dénaturation du métier, pour le soumettre encore davantage au contrôle de la hiérarchie, introduire de nouvelles obligations de service. Ce n’est pas un hasard si en parallèle se préparent les « États généraux du numérique », proclamant là aussi de changer qualitativement le métier. La conséquence logique et rapide serait une offensive contre les garanties statutaires.

Dans cette situation, il importe de mener le débat dans le mouvement syndical (2), pour refuser ce marché de dupes, pour que les organisations refusent ce dispositif et pour construire la mobilisation nécessaire pour combattre les visées gouvernementales.

Quentin Dauphiné

(1) Ce qui n’est pas le cas de tous (Sud, CNT… par exemple). Le document du ministère est téléchargeable sur www.emancipation.fr, rubrique « À propos du Grenelle des professeurs ».

(2) Nous reproduisons par exemple ci-dessous la motion d’Émancipation sur le sujet au Conseil National de la FSU.

Motion Émancipation Conseil National de la FSU  : « Grenelle des professeurs »

Le ministre Blanquer a annoncé, le 30 Août, l’ouverture d’un « Grenelle des professeurs », avec pour objectif principal une « transformation profonde du système éducatif ». Il s’agit de la reprise de l’objectif plusieurs fois affiché par le gouvernement, de « transformer en profondeur le métier d’enseignant ».

Pour le CDFN de la FSU, il ne saurait être question d’accepter un processus de « concertation » visant à lier une modeste augmentation des salaires à :

► une réforme des retraites catastrophique pour les personnels

► un alourdissement de la charge de travail (missions nouvelles, formations pendant les vacances…)

Le ministère de l’Education nationale a fait parvenir aux organisations syndicales un « agenda social » proposant un dispositif axé sur un grand nombre de groupes de travail.

Le CDFN de la FSU constate :

► que la question proprement dite des rémunérations ne concerne qu’un groupe de travail pour chaque catégorie concernée. Les sommes annoncées par le ministère restent très limitées, sont loin de constituer une vraie amélioration du pouvoir d’achat de tou.tes les personnels, et surtout sont liées à une dégradation des conditions de travail.

► que la majorité des groupes de travail n’a aucun lien avec la question salariale, et vise à redéfinir le métier, notamment par le renforcement du poids de la hiérarchie : « faciliter les mobilités entrantes et sortantes », « culture et pratiques managériales », « finalisation de la réforme des concours », etc.

Dans ces conditions, le CDFN de la FSU estime que le « Grenelle des professeurs » se situe aux antipodes des revendications des personnels, tout particulièrement dans le contexte de la situation sanitaire et des difficiles conditions de la rentrée, dans un contexte où le ministère veut développer l’enseignement « hybride » (combinaison présentiel / distanciel) de manière pérenne.. Il a surtout comme objectif d’alourdir la charge de travail, de mettre la pratique professionnelle sous tutelle de la hiérarchie, d’attaquer les garanties statutaires.

Le CDFN de la FSU considère qu’il ne saurait être question de participer à des concertations sur de telles bases. La FSU proposera de constituer une intersyndicale pour lancer une vaste campagne d’information pour préparer la mobilisation pour contrer les plans du gouvernement et pour la satisfaction des revendications :

► fin du gel du point d’indice

► rattrapage des pertes de pouvoir d’achat, notamment par une augmentation uniforme en points d’indice

► plan d’urgence pour l’éducation (créations de postes statutaires, diminution des effectifs…).