Dossier
Lutte syndicale et action laïque
Si les organisations syndicales définissent des mandats, sur la laïcité comme sur d’autres sujets, qui peuvent être tout à fait intéressants… ils peuvent rester lettre morte y compris dans des organisations “radicales”. Pas forcément par mauvaise volonté, mais par le fait que des positions idéologiques pertinentes ne trouvent pas d’articulation avec l’action syndicale quotidienne. Nous évoquerons ici un exemple d’action syndicale laïque : le SNI du Rhône.
Le SNI du Rhône n’est pas une section syndicale anodine : c’est une section départementale de masse dirigée par L’École Émancipée (2).
Plantons le décor : une section École Émancipée
Bref rappel historique : avec la guerre froide, la CGT unique scissionne (CGT et CGT-FO). La puissante Fédération de l’Éducation Nationale (FEN) choisit l’autonomie syndicale dans l’espoir d’une réunification ultérieure. Elle s’organise en tendances, ce qui garantit un minimum de démocratie et la préserve de la scission. Il y a trois grandes tendances nationales : les “cégétistes” (future Unité & Action, liée au PCF), les “autonomes” (future UID, plus ou moins proche du PS-SFIO) (3), les “Amis de L’École Émancipée”.
Le SNI domine la FEN (le futur SNES est beaucoup plus petit, car la scolarisation dans les lycées classiques est faible). Il syndique la grande majorité des instituteur·trices, et est sans conteste le syndicat hégémonique : dans le Rhône, il syndique environ 80 % des instituteur·trices, et recueille près de 85 % aux élections professionnelles de 1952.
Dans le Rhône, à la Libération, les trois tendances forment une liste commune. Mais la situation politique évoluant, en 1947 l’ÉÉ recueille la majorité face à une liste “cégétiste” (une liste “autonome” n’apparaîtra avec difficulté que quelques années plus tard). Le SNI du Rhône prend son caractère particulier : faiblesse des “autonomes” et force des “cégétistes”, section dirigée par l’ÉÉ jusqu’en 1963. Au sein de l’ÉÉ se détache une figure très connue dans le milieu militant de l’époque, y compris sur le plan national : le trotskyste Paul Duthel (4). Il est secrétaire départemental plusieurs années, mais c’est toute une équipe de militant·es ÉÉ qui anime la section.
Nous présenterons dans cet article les grands traits de l’action syndicale laïque du SNI du Rhône durant la période 1948-1963. Après 1963, c’est la tendance U&A qui dirige la section.
La laïcité scolaire une lutte quotidienne
Un préalable : si le SNI du Rhône à direction ÉÉ est l’un des plus acharnés dans la défense laïque, il n’est pas en rupture avec la direction nationale sur ce point, il en représente plutôt une version plus radicale. Ce qui n’empêche pas de gros désaccords sur d’autres questions, le SNI du Rhône vote très régulièrement contre le rapport d’activité de la direction nationale.
Avec l’égalitarisme et la lutte contre la hiérarchie dans tous les domaines (hiérarchie administrative, salariale, catégorielle, etc.)… la laïcité est un pilier fondamental de l’orientation du SNI 69.
En fait, la lutte laïque est indissolublement liée à la défense corporative, à la vie quotidienne des instituteur·trices. La direction du SNI 69 va parfois jusqu’à sous-entendre que c’est par leur perfectionnement professionnel que les instituteur·trices défendront le mieux l’école laïque, en l’améliorant sans cesse. Sachant que cette amélioration est une amélioration en premier lieu matérielle. La première action laïque, c’est le soutien concret et matériel – avec bien entendu intervention syndicale dans les instances – aux “écoles en difficulté”. Le SNI récolte des fournitures scolaires, livres… auprès d’écoles mieux dotées, voire même met directement en contact les écoles entre elles, favorisant l’action directe de solidarité. Ce secours, “politique” mais aussi très concret, concerne les écoles publiques mal équipées et confrontées à la concurrence des écoles catholiques et aux pressions diverses du cléricalisme et de ses relais politiques. À savoir des écoles de l’Ouest de la France, mais aussi de la “Vendée lyonnaise” (5).
Moins spectaculaire mais très fréquente, la défense laïque c’est l’intervention auprès des pouvoirs locaux. Tracts en masse, meetings, réunions ou actions publiques, interventions en tous genres… sont de mise quand une mairie défavorise l’école publique, exerce une pression sur des instituteur·trices pour les faire assister à une cérémonie religieuse, octroi des subventions pas toujours légales aux écoles catholiques. Ces interventions peuvent se mener aussi contre la hiérarchie administrative, le secrétaire du SNI 69 n’hésitant pas à boycotter une réunion avec le Recteur car ce dernier a manqué à ses devoirs laïques.
Dès lors, il n’est pas étonnant que la rubrique “Défense laïque” du journal fédéral mensuel, L’École libérée, soit très abondamment fournie. Le souci d’être dans le concret en même temps que l’abondance de la matière amènent d’ailleurs à scinder cette rubrique pour en faire deux : “Opinions sur la question laïque” et “Action laïque”.
L’école… et après ?
Pour l’ÉÉ et le SNI 69, la défense laïque au quotidien ne se limite pas à l’école. Ce souci du concret est énoncé clairement par un membre de l’équipe départementale : “L’instituteur qui participe à une caravane ouvrière, dirige une colonie de vacances, anime un groupe CLAJ (6), lance un foyer rural fait beaucoup plus pour l’école laïque que celui qui passe ses veilles à pondre des articles enflammés pour telle ou telle revue” (7) (8).
L’action laïque est donc impensable sans les “œuvres” visant à contrer les “œuvres” de l’Église pour encadrer et influencer la jeunesse. Ces “œuvres” sont multiples, et constituent un champ immense d’action militante : colonies de vacances laïques (le SNI du Rhône en crée une), mouvement des Francas, Éclaireurs de France, clubs sportifs (USEP), clubs de loisirs, de cinéma… à chaque fois les militant·es et collègues de base sont appelé.es à s’y investir, il s’agit explicitement de jeter les bases d’un service public des colonies de vacances et du post-scolaire.
Dans certains cas, le SNI veille à ce que des militant·es “sûr·es” dirigent cette composante de l’action laïque. L’idéologie révolutionnaire de l’ÉÉ est visible au travers du fait que le SNI entend éviter la professionnalisation et le détachement du travail et du militantisme des responsables des “œuvres”.
Si ce vaste domaine est partie intégrante de l’action laïque, pour l’équipe départementale du SNI du Rhône l’horizon est encore plus vaste : en fait c’est l’ensemble de la vie sociale de l’instituteur·trice qui s’inscrit dans le combat laïque. Ainsi en 1952 la lutte laïque est relancée par les lois Barangé (voir plus bas), l’ÉÉ du Rhône présente dans le syndicat un rapport sur L’instituteur dans la post-école, qui précise à ce sujet : “La défense et le développement de l’école laïque n’exigent-ils pas que les instituteurs jouent un rôle éducatif important dans la Nation ?”, précisant même qu’il faut “considérer la post-école sous l’angle plus large de la participation de l’instituteur à la vie culturelle de la localité où il exerce”.
Logiquement, cette logique s’étend à d’autres “œuvres”, les “œuvres” mutuelles. Celles-ci sont ouvertement conçues comme une façon d’échapper à l’emprise des réseaux économiques privés mais aussi des influences cléricales (les deux sachant très bien se conjuguer). L’engagement dans les coopératives d’achat comme la CLEP (9), l’assurance complémentaire (MRIFEN) (10), la MAIF, la MGEN, les coopératives d’achats de livres… est ouvertement pensé comme un engagement militant et pas seulement dans une logique de services. Bien entendu, outre l’aspect militant, il est aussi probablement lié à l’idéologie de la “contre-société” porteuse de pratiques alternatives au capitalisme, qui est un héritage du syndicalisme révolutionnaire du début du siècle. Cet engagement peut être explicitement pensé comme laïque, c’est par exemple le cas de l’appel réitéré à se procurer des livres aux éditions du SNI, les éditions SUDEL. Ici, rappel est fait de leur aspect non capitaliste, et de leurs ouvrages dont le contenu respecte la neutralité religieuse.
Pour finir, le SNI du Rhône entend se donner des moyens spécifiques pour l’action laïque : une caisse d’action laïque avec un budget propre. Elle est alimentée par les syndiqué·es (par exemple en cas d’avancement au choix dans un nouvel échelon, versement d’une journée de salaire à la place d’un jour de grève…), et utilisée y compris pour aider les “œuvres” post-scolaires.
Pour autant, la laïcité n’est pas un long fleuve tranquille…
Combats et débats
Car, outre les accrochages réguliers avec des municipalités ou des membres de la hiérarchie réactionnaires, la politique anti-laïque des gouvernements est combattue par le SNI en général, et celui du Rhône en particulier. Et notamment deux lois : la loi Barangé, la loi Debré.
La loi Barangé de 1951 (précédée d’une autre loi peu avant, la loi Marie) porte sur des sommes encore relativement modestes (versement d’une allocation scolaire pour les élèves d’écoles privées, ultérieurement perçue directement par les établissements). Mais pour la première fois, le principe de financement public de l’enseignement confessionnel est avancé : c’est sa valeur politique plus que financière qui a une importance majeure. L’ensemble – ou presque (voir plus loin) – des organisations laïques se mobilisent, le pays se couvre de Comités de défense laïque y compris parfois au niveau communal. Le SNI national produit un bulletin spécial sur cette loi, et appelle à une grève d’une journée. Le SNI du Rhône propose un dispositif plus complet et des formes d’action plus radicales (10), mais s’implique totalement dans la grève du 9 novembre 1951 : 97 % de grévistes dans le Rhône (11).
Cet épisode ranime le militantisme laïque : soit dit en passant, cet exemple comme d’autres montre bien qu’en général la “guerre scolaire” dont se plaignent les réactionnaires, est plutôt déclenchée par leurs manœuvres.
Le second épisode majeur est bien entendu celui de la loi Debré de décembre 1959. Inutile de revenir ici sur son contenu, ainsi la grande mobilisation laïque ponctuée notamment par la manifestation et le serment de Vincennes pour son abrogation. Le SNI 69 s’implique dans une vaste campagne et un travail militant de fond, comme les autres sections départementales, recueillant environ 205 000 signatures dans le Rhône sur la pétition nationale (qui elle approche les 11 millions !). Relevons que l’ÉÉ est tout de même sur une position plus avancée, puisqu’outre l’abrogation de la loi Debré elle souhaiterait que le SNI et la FEN remettent en avant la question de la nationalisation laïque de l’enseignement privé.
C’est là que les difficultés dans le camp laïque surgissent. En effet, la nationalisation laïque est un des axes laïques très importants pour le SNI 69. Cette revendication fait consensus à la Libération entre les trois tendances, mais la situation évolue ensuite. Si, après des débats intérieurs, l’ÉÉ – et du coup le SNI du Rhône – en font un axe important, pour les deux autres tendances c’est plus compliqué : la majorité “autonome” s’y réfère mais en l’estompant peu à peu, tandis que pour les “cégétistes” elle n’est plus considérée comme valable, notamment car elle “divise”.
L’unité laïque et ses difficultés
Au niveau national, le CNAL (Comité national d’action laïque) se met en place en 1953, dans le prolongement des “États généraux de la France laïque” et suite aux lois Marie-Barangé. Il se prolonge par la mise en place des CDAL (Comités départementaux d’action laïque), bien évidemment y compris dans le Rhône. À l’époque, le CNAL représente une vraie force : il regroupe la FEN, le SNI, La Ligue de l’enseignement, les DDEN (12) et la FCPE.
Dans le Rhône, une structure encore plus large que le CDAL se met en place (concernant ce dernier, le SNI du Rhône voudrait d’ailleurs qu’il se décline dans les localités). Ce sera le GDEL (Groupe de Défense de l’École Laïque) qui regroupe partis, syndicats, “œuvres” laïques… reconnu par les autorités académiques, il sert à constituer un cadre unitaire très large.
Cela n’empêche pas débats et désaccords.
L’objectif de l’ÉÉ 69 est de constituer un front unitaire de défense de la laïcité. Mais la principale difficulté réside dans le rapport aux partis politiques. D’une part, le SNI 69 n’a rien contre le principe de leur présence, et même se montre relativement ouvert. Ainsi son AG départementale de juillet 1947, alors que la CGT est encore unifiée, vote une motion indiquant : “L’Assemblée Générale du SNI :
– considère que la laïcité n’est pas le monopole d’un parti politique (…)
– mandate ses délégués au Cartel d’Action Laïque (13) constitué sous l’égide de la CGT pour voter l’admission de toute organisation ou parti politique laïque qui accepte le programme du Cartel (PCI, Libertaires, etc…)” (14).
Mais la réalité est nettement plus complexe. D’abord, car la direction ÉÉ du SNI 69, sur le fond, se méfie des partis, suspectés de vouloir instrumentaliser les différents cadres unitaires pour leurs propres objectifs. Là aussi on a probablement affaire à la culture syndicaliste révolutionnaire qui inspire l’ÉÉ. De surcroît, elle est hostile à la présence de partis extérieurs au mouvement ouvrier, en l’espèce le parti radical (parti bourgeois “de gauche” et “laïque”. Et il y a de solides raisons à cela : sous un discours “républicain” et “laïque”, celui-ci – notamment dans le Rhône où Édouard Herriot, une des figures, est maire de Lyon – fait montre aussi bien de conservatisme social que de compromissions très nombreuses sur le terrain laïque au niveau local. Dans le Rhône, en 1952 le SNI fait ainsi exclure du CDAL le parti radical, qui a combattu la grève laïque de novembre 1951 (il fera exclure aussi deux petits syndicats réactionnaires). Pour terminer sur cette question, on notera que pour l’ÉÉ et le SNI 69, l’indépendance par rapport aux partis n’empêche pas de les interpeller ou de donner des consignes de vote (ou de non-vote) lors des élections.
Plus que les partis, pour défendre la laïcité le SNI 69 compte en fait sur des partenaires jugés beaucoup plus fiables : les organisations de parents d’élèves, considérées comme indispensables pour ancrer la laïcité dans la population et pas seulement chez les instituteur·trices. Il faut rappeler que la décision de créer la FCPE a été prise par la direction nationale du SNI, qui d’ailleurs pendant un certain temps siègera ès qualités au Conseil d’administration de la FCPE. Conforme sur ce point à la ligne nationale, le SNI 69 contribue activement à mettre en place les sections locales de la FCPE… d’abord dans les écoles, puis dans le second degré où elle devancera finalement les associations réactionnaires.
Il faut toutefois noter que, ce faisant, le SNI 69 – comme au plan national – va faire un choix peu défendable aujourd’hui : limiter la direction du CDAL à quatre organisations (SNI/ FEN/FCPE/Ligue de l’enseignement) pour le soustraire à toute influence de parti politique ; ces derniers peuvent cela dit soutenir le CDAL. Si elle ne mesure pas forcément la portée de cet acte, la direction ÉÉ du SNI 69 est l’objet de nombreuses critiques, qui vont l’affaiblir.
La Laïcité : jusqu’où ?
C’est en effet la question qui est posée, de plusieurs façons.
D’abord, jusqu’où doit aller le syndicat sur le terrain laïque ? En effet, on ne plaisante pas avec la laïcité dans le SNI 69 : après la grande grève laïque du 9 novembre 1951, les très rares syndiqué·es non grévistes sont exclu·es pour un an ! L’ÉÉ ne s’oppose pas seulement à l’Église sur la question de la laïcité scolaire, mais aussi pour son rôle politique réactionnaire et son idéologie obscurantiste. Du coup, se pose la question du rationalisme militant et de l’anticléricalisme politique : le SNI du Rhône doit-il s’y engager en tant que tel ? Divers incidents émaillent la vie de la section départementale, y compris avec des syndiqué·es de base chrétien·nes. Un article très anticlérical de Paul Duthel (Ami entends-tu le vol noir des corbeaux ?) provoque la fureur de députés réactionnaires à l’Assemblée nationale. Les “cégétistes” critiquent le radicalisme du SNI 69, ce qui va affaiblir la position de l’ÉÉ. On remarquera toutefois que les deux tendances sont d’accord pour que le SNI fasse la promotion régulière d’initiatives et de publications d’organisations anticléricales/rationalistes (les “cégétistes” préfèrent l’Union rationaliste, les ÉÉ préfèrent la Libre pensée à l’anticléricalisme plus traditionnel). La principale divergence se situe autour de la question : le syndicat en tant que tel doit-il aller jusqu’à l’anticléricalisme et le rationalisme militant ?
Autre question, d’une importance considérable : le nouveau contexte politique à partir de la mise en place de la Ve République. Car la Ve République, c’est la loi Debré mais aussi la poursuite de la guerre d’Algérie et la politique économique et sociale gaulliste. Elle pose aussi la question de l’unité de la gauche pour présenter une alternative. Dans ce contexte, le SNI du Rhône a une orientation constante : constatant – non sans raisons – le caractère laïque peu affirmé du SGEN-CFTC (15) et reprenant ses critiques contre le catholicisme syndical de la CFTC, il refuse souvent l’unité d’action – au nom de la laïcité – y compris contre la guerre d’Algérie, contre la politique d’austérité dans la Fonction publique… unité d’action qui dans le Rhône se réalise parfois donc sans lui (16). Il refuse aussi de s’intéresser aux débats de la gauche.
Dans ce contexte, U & A progresse par deux biais. D’abord, face aux militant·es qui recherchent une issue unitaire contre le gaullisme, il critique l’isolement du SNI 69. D’autre part, face aux revendications égalitaires de la direction ÉÉ (augmentations salariales uniformes, refus de la hiérarchie…), il développe une orientation mettant l’accent sur les revendications catégorielles. Le courant U & A progresse : en 1963, il prend le dessus sur l’ÉÉ et celle-ci perd la direction de la section.
Des leçons ?
Bien évidemment, au terme de cette brève présentation il serait présomptueux de tirer des leçons définitives de cet exemple, en matière d’articulation entre action laïque et syndicalisme. Le contexte politique et syndical d’aujourd’hui est très différent. Ni de considérer que c’était le bon temps, un âge d’or, etc.
En revanche trois remarques générales peuvent être formulées. Elles ne prétendent pas non plus donner les solutions magiques pour relancer l’action laïque en 2020.
D’abord, il est tout à fait possible de faire vivre un syndicalisme de masse sur une base de lutte de classe et de revendications laïques sans compromis. Nous ne sommes pas condamné.es à une oscillation stérile entre un syndicalisme “radical” minoritaire et un syndicalisme d’appareil majoritaire. Mais cela implique de penser la question du l’unité syndicale organique, donc de la démocratie syndicale, du rôle des tendances, etc. C’est ce qu’ont réussi à faire d’une certaine façon les militant·es de l’ÉÉ 69 à la tête du SNI 69.
Ensuite, de toute évidence un syndicalisme laïque et cherchant à ancrer la laïcité dans la population, ne peut se résumer à des motions de congrès et quelques communiqués unitaires. L’exemple étudié nous montre que la laïcité a un ancrage de masse (permettant des mobilisations de masse) quand elle irrigue l’action syndicale dans son ensemble, et ne se cantonne pas au domaine de quelques militant·es “spécialisé·es”.
Enfin, l’action syndicale laïque s’ancre aussi dans des éléments très concrets et pas seulement idéologiques, qui nécessitent là aussi un travail syndical sans doute assez important. Si les lois Barangé et Debré ont suscité une mobilisation aussi intense et une relance de l’action laïque, c’est qu’elles avaient des conséquences au quotidien. Ouvrir les vannes des subventions publiques aux écoles confessionnelles avait des résultats très concrets et vécus comme tels. Ainsi le SNI 69 a procédé à des enquêtes détaillées pour étudier les effets d’une possible nationalisation des écoles privées dans le Rhône, notamment en étudiant les effectifs d’élèves, commune par commune. En 1962, dans une autre enquête, il fait apparaître que dans le public il y a entre 35 et 38 élèves dans les classes primaires, 42 à 55 élèves dans les maternelles… contre en moyenne 20 élèves par classe dans le privé !
Comme on le voit, si les temps ont changé, des enjeux très importants liés à la défense laïque et à l’abrogation des lois anti-laïques sont toujours aussi pertinents.
Quentin Dauphiné
(1) Syndicat national des instituteurs.
(2) ÉÉ dans la suite de l’article.
(3) Unité, Indépendance et Démocratie : courant qui donnera naissance à l’UNSA ultérieurement.
(4) Militant trotskyste “lambertiste”, même si ce vocable est peu pertinent pour l’époque évoquée ici.
(5) Ouest du département du Rhône, très marqué par l’influence cléricale et réactionnaire. Le Rhône est un département où le privé est relativement développé.
(6) Centre laïque des auberges de jeunesse.
(7) Citation issue du mémoire de maîtrise de 1981 de G. Dumas : Le syndicalisme des instituteurs du Rhône de 1945 à 1963.
(8) Réflexion à méditer pour un certain nombre de militant.es laïques, y compris ceux et celles qui font des dossiers “Laïcité” pour telle ou telle revue !
(9) Coopérative Lyonnaise de l’Enseignement Public.
(10) Mutuelle Retraite des Instituteurs et des Fonctionnaires de l’Éducation Nationale.
(11) Comme d’autres sections départementales à majorité ÉÉ, le SNI 69 n’hésite pas devant la perspective de la grève longue et réunit des AG (sous la direction du syndicat (on peut se le permettre quand on syndique à 80%…) quand celle-ci prend forme.
(12) Délégué·es Départementaux·les de l’Éducation Nationale.
(13) Prédécesseur du CNAL.
(14) Le PCI regroupe les militant·es trotskystes.
(15) La CFDT n’existe pas encore, elle apparaîtra par “déconfessionnalisation” de la CFTC en 1964.
(16) Il semblerait que les sections du SNI à majorité ÉÉ aient des attitudes diverses et variables sur cette question, même si – comme la majorité du SNI – elles se méfient beaucoup de la CFTC.