Édito
“On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste” (Gébé, L’an 01).
Quand le quotidien est trop sordide, il faut prendre du recul pour réfléchir ensemble aux transformations qui s’imposent. Lorsque le capitalisme a tout transformé en marchandise et que sa mondialisation a creusé de façon incroyable les inégalités et bousille la planète… Lorsque les politiques, en France, mais pas seulement, balayent tout ce qui reste d’humanité, de solidarité, d’acquis sociaux, de services publics, à coup de diktats, de mensonges et de répression violente de tou·tes celles et ceux qui se battent pour une toute autre société… Lorsque l’épidémie sème la mort, la maladie, le chômage, la précarité des plus fragiles… Lorsque la ligue des possédant·es, avec leurs politiques et leurs médias aux ordres utilisent la crise sanitaire pour que le monde de demain soit celui d’hier en pire.
Il est urgent de les empêcher de remodeler le monde à l’identique comme en 2008 après la crise des subprimes.
Alors ? Relocaliser l’économie. En finir avec la Bourse, les actionnaires, les flics, les “directeurs et directrices de ressources humaines”, les préfet·es, les inspecteur·trices, les PDG, la précarité, le taylorisme. En finir avec les ghettos, la stigmatisation, le racisme, le sexisme. En finir avec l’idéologie sécuritaire et les manifs gazées. Réhabiliter l’égalité, la solidarité, l’enrichissement auprès de l’autre, la connaissance. Se réapproprier des médias dignes de ce nom, en finir avec les énergies fossiles et les Fukushima en puissance. En finir avec les soudards qui multiplient les guerres et la domination. Trump, Bolsonaro, Nétanyahou, Modi, Assad, MBS, Erdogan, Poutine… la liste est trop longue. À la poubelle ! En finir avec les dogmes capitalistes qui affament des peuples. Réhabiliter un vrai droit international et un droit pour tous les peuples.
Mais pour en finir avec tout ce que conspuaient déjà les chansons populaires, sans nous poser la question finale “mais alors c’est qui qui donnera la paye l’samedi ?” et donc la question de la dépossession radicale des exploiteur·es, retrouvons déjà les réflexes et les structures de l’auto-organisation des dernières grandes luttes contre les projets du pouvoir qui reviennent en force. D’abord sur les prises de conscience importantes pendant le confinement : une santé où les hôpitaux fonctionnent et ne dépendent pas des intérêts des labos ; une école qui ne soit pas de la sélection et du numérique mais une éducation critique ; des transports collectifs accessibles en toute sécurité partout ; des modes de consommation et de vie alternatifs à la loi du marché (circuit courts, cantines solidaires, AMAP en plein essor…), impératif pour la sauvegarde de l’environnement : les rorquals dans les calanques de Marseille, les daims déambulant en banlieue parisienne, les dauphins dans la lagune de Venise, le ciel débarrassé de son nuage de particules…
Sur ces aspects au moins, la pandémie n’a pas eu que du négatif. Mais pour amplifier et développer ces évolutions afin d’en faire les moteurs d’un puissant mouvement revendicatif et de luttes unitaires, il importe avant tout d’imposer un retour des libertés fondamentales, avec en premier lieu celle de manifester comme l’ont fait les travailleur·ses de Renault à Maubeuge et la Marche des solidarités.
Pierre Stambul et Olivier Vinay,
le 30 mai 2020