Émancipation


tendance intersyndicale

Libérez Georges Ibrahim Abdallah ! Tout de suite !

La pandémie de coronavirus nous oblige à remettre le monde sur des rails qu’il n’aurait jamais dû quitter.

2020 : Un monde malade du capitalisme et du coronavirus

La pandémie nous impose d’urgence de construire un monde fait d’égalité des droits, de solidarité, de partage des richesses, de refus du militarisme, du racisme, du sexisme, du colonialisme, de l’impérialisme. Un monde qui mette fin à la marchandisation de la santé et de l’éducation, à la destruction progressive de la planète, et qui cesse de se soumettre à la dictature des marchés financiers.

Les pouvoirs commencent à s’apercevoir que les millions d’exclu·es que notre système capitaliste produit sont pour lui un problème ingérable en pleine pandémie : ils voudraient maintenir à la production ceux et celles que la précarité de leur statut ne protège pas et rendre invisible le pur abandon des autres.

Que faire des pauvres, des sans papiers, des sans abris, des migrant·es, des précaires qui n’ont plus rien, des prisonnier·es, des quartiers populaires à l’abandon… ?

Les réponses sécuritaires à la pandémie sont absurdes et porteuses de catastrophes aggravées, tout le monde le sait. La question des prisonnier·es en France est édifiante à cet égard.

Les dérives de la société de l’enfermement

La prison a pour but théoriquement d’isoler quelqu’un·e qui a commis un délit et de le “rééduquer” pour qu’il/elle retourne dans la société. La France, imitant d’autres pays comme les États-Unis qui comptent des centaines de milliers de détenu·es ou comme Israël qui a fait passer dans ses geôles un quart de la population palestinienne en 50 ans, est devenue une championne de l’enfermement de masse, dans des conditions souvent dégradantes. Plus de 75 000 détenu·es connaissent la surpopulation carcérale et les humiliations. Le but n’est pas de les rééduquer mais de les détruire.

Avec la suppression de la peine de mort en 1981, il y avait eu la suppression de la détention perpétuelle. Et pourtant Georges Ibrahim Abdallah est en prison depuis 1984 !

Il est libérable depuis plus de 20 ans. C’est d’abord le Parquet, donc l’État français qui s’y est opposé. Puis c’est Manuel Valls qui a refusé une libération décidée par la justice en 2012 alors que Georges était déjà en prison depuis 28 ans. Le gouvernement français ne s’honore pas en obéissant docilement aux injonctions venues d’Israël ou des États-Unis.

Les geôliers de Georges eux-mêmes considèrent que c’est un détenu modèle. Ce qui ne veut pas dire qu’il demeure inactif. Ses actions sont principalement des grèves de la faim en faveur des prisonnier·es palestinien·nes ou des déclarations de solidarité pour les causes qu’il défend.

Celui qui l’a arrêté, Yves Bonnet, a déclaré publiquement que Georges est innocent de ce pour quoi il été condamné et son pays, le Liban, toutes tendances politiques confondues, alors que la situation politique et sociale est explosive, est prêt à l’accueillir et l’a publiquement manifesté. L’ambassadeur libanais en France l’a visité à deux reprises.

Pourquoi cet acharnement ?

Le gouvernement français s’est dit prêt à libérer des milliers de prisonnier·es pour alléger la surpopulation des prisons, mais il a d’emblée exclu les condamné·es pour fait de terrorisme. Dans le cas de Georges, c’est évidemment un prétexte.

Une des causes du maintien de Georges en prison, c’est l’alignement complet de la politique française sur la politique impérialiste incarnée par les États-Unis et Israël. Le mouvement auquel Georges appartenait (les FARL, Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises) est accusé d’avoir exécuté à Paris, il y a près de 40 ans, deux hommes appartenant respectivement à la CIA et au Mossad. Leurs employeurs ne pardonnent pas, mais ce qui est totalement inacceptable, c’est que le gouvernement français se comporte en serviteur fidèle, comme il le fait d’ailleurs dans bien des aspects de sa politique étrangère : soutien inconditionnel au régime criminel d’Arabie Saoudite, interventions militaires réitérées avec les résultats qu’on a vus en Libye, criminalisation de toute critique du sionisme qui détruit la Palestine, perpétuation éternelle du néocolonialisme incarné par la “Françafrique”…

Une autre raison est que Georges est communiste et révolutionnaire. Il croit en la lutte des classes. Il considère qu’il faut en finir avec le colonialisme et l’impérialisme. Ses idées l’ont amené, dans le cadre des invasions sanglantes du Liban par Israël, à résister par les armes et à s’engager totalement pour la cause palestinienne. Maintenir Georges en prison, c’est, de la part de nos dirigeants, une façon de dire que le communisme et la révolution sont des idées qu’il faut détruire par tous les moyens puisque, pour paraphraser Madame Thatcher, “il n’y a pas d’alternative”. C’est aussi signifier que les Palestinien·nes doivent capituler.

La manipulation du concept de terrorisme

Le tour de passe-passe consiste à accuser Georges d’être un terroriste.

L’histoire montre que, dans toutes les luttes de libération nationale, les insurgé·es ont d’abord été accusé·es d’être des terroristes. Cela a été le cas des combattant·es vietnamien·nes ou algérien·nes avant qu’ils/elles ne deviennent des partenaires de négociation.

Fils de combattant·es de la MOI (Main d’Oeuvre Immigrée, bras armé des résistant·es communistes pendant l’occupation) dont le père faisait partie (dans le “triangle” Boczor-Glasz-Stambul) du groupe Manouchian, j’ai souvenir que l’occupant désignait les combattants de “l’Affiche Rouge” comme étant “l’armée du crime”. Si les nazis avaient gagné, ils seraient restés des terroristes. Or ils sont aujourd’hui considérés comme des héros.

Manipuler le concept de terrorisme est obscène de la part des dirigeant·es sionistes et de leurs soutiens. Car le terrorisme, ils/elles connaissent : Menahem Begin ou Yitzhak Shamir qui ordonnaient des assassinats aveugles contre la population palestinienne et les Britanniques dans les années 40 n’ont-ils pas été d’incontestables terroristes ? Et aujourd’hui, les bombardements aveugles sur Gaza dont la population est enfermée, ou les assassinats extrajudiciaires ne sont-ils pas des actes de terrorisme. ?

Nelson Mandela pensait que “nous ne serons jamais totalement libres tant que le peuple palestinien ne sera pas libéré”. Il n’opposait pas la résistance non-violente à la résistance armée : “si la résistance pacifique ne rencontre que la violence, son efficacité prend fin”. Il est aujourd’hui célébré comme un grand résistant alors que l’ANC a longtemps figuré sur la liste des organisations “terroristes”.

Las actes commis par les FARL dans les années 70-80 sont des actes de résistance dans le cadre d’une lutte armée, ils ne peuvent en aucun cas être qualifiés d’actes de terrorisme.

Un homme qui ne s’est jamais renié et qui ne se reniera pas

J’ai eu le privilège de rencontrer Georges dans sa prison de Lannemezan. Il est resté le militant enthousiaste de ses jeunes années, avide de s’informer, de comprendre, d’analyser.

Du fond de sa prison, il me parlait tout récemment de la nécessaire solidarité, pas seulement avec la Palestine, mais aussi avec les Soudanais·es en lutte contre leur dictature ou avec les Gilets Jaunes.

Il est très attentif sur toutes les luttes qui surgissent. Il a gardé intact son espoir révolutionnaire.

Peut-être le pouvoir voudrait qu’il abjure pour le libérer. C’est absurde, il n’abjurera pas. Et ce que nous vivons lui donne largement raison.

Au contraire la nécessité de rompre avec un modèle de société, dont le caractère absurde et malfaisant éclate en cette période de pandémie, est plus forte que jamais.

Videz largement les prisons françaises !

Libérez Georges, tout de suite et sans condition !

Pierre Stambul, 8 avril 2020