Nous publions ci-dessous les articles issus du 4 pages Émancipation Lyon-69, en date du 25 février 2020.
À noter que suite à l’épidémie de Covid-19, le 5 avril, Gabriel Attal a annoncé l’inversion du calendrier des deux phases du Service national universel (SNU), qui devait débuter fin juin. “Le SNU permet à la jeunesse française de s’engager pour son pays, de s’engager auprès d’associations, de s’engager auprès de corps en uniforme. Notre pays, cette année, a plus que jamais besoin d’engagement, donc il serait incompréhensible qu’il n’y ait pas de service national universel cette année. Pour autant, évidemment, on l’adapte. Il devait commencer en juin […] Nous allons commencer au début du mois de juillet par la mission d’intérêt général où les jeunes pourront s’engager auprès d’une association ou d’un corps en uniforme qui est mobilisé pour venir en aide aux Français, puis le séjour de cohésion aura lieu quand les conditions sanitaires le permettront.”
Après avoir organisé la pénurie de personnel dans les hôpitaux, Macron a fait appel à des étudiants infirmiers payés 50 euros la semaine. Il entend maintenant envoyer au front des lycéens pour un travail quasi gratuit cet été…
La mise en place du Service National Universel (SNU) se poursuit. Le 3 février, Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse a lancé la campagne pour le recrutement de jeunes volontaires pour 2020. Dans tous les départements, les jeunes appelés, à partir de 15 ans, effectueront deux semaines d’encasernement, dans un lieu hors de leur département d’origine.
Les encadrants seront, selon les annonces faites le 14 février par G. Attal, des personnels de l’Armée, de l’éducation populaire, et de l’Éducation nationale.
Le gouvernement veut généraliser le SNU en 2024. Dès 2021, les sessions seront réparties “pendant les vacances scolaires”, sur l’ensemble de l’année, “à l’exclusion des périodes de Noël et du 15 juillet au 15 août”.
Depuis la suspension, en 1997, du service militaire, l’Éducation nationale se doit d’inculquer les notions de défense et de sécurité nationale. Le SNU, imbriqué dans le cursus éducatif, est considéré comme l’aboutissement de l’Éducation Morale et Civique (EMC) balisée par le protocole armée-école s’étend maintenant à l’ensemble du parcours scolaire et se prolonge à l’Université. Avec le SNU, la participation de l’Armée au formatage de la jeunesse devrait prendre une place importante.
En conséquence de quoi, l’Éducation nationale met à la disposition du SNU et de l’armée ses locaux (plusieurs lycées réquisitionnés, comme le lycée Rabelais à Lyon), son personnel (voir encadré ci-contre) et son argent, pour le financement du SNU – estimé à deux ou trois milliards d’euros par an.
Il s’agit d’une formidable opération de formatage et d’embrigadement de la jeunesse avec de nombreuses conséquences pour le personnel enseignant.
SNU et réformes du système scolaire
La mise en place du Service National Universel s’appuie sur le Rapport du groupe de travail relatif à la création du SNU, élaboré sous la direction du général de division Daniel Menaouine. Le schéma ci-dessous, extrait de ce rapport, met en évidence le lien entre système scolaire et SNU, lequel s’inscrit dans le “parcours de citoyenneté”. La loi Blanquer, dite “Pour une école de la confiance”, rend obligatoire la “formation” des jeunes de 16 à 18 ans. Mais cette obligation incombe au jeune et non à l’État. Les jeunes de ces âges seront contraints d’entrer dans un des dispositifs suivants : scolarisation, emploi, apprentissage, dispositif d’insertion, service civique (comme la phase 2 du SNU).
L’inscription du SNU dans le parcours de citoyenneté
La phase 1 du SNU dite de “cohésion” comprend 15 jours en internat et deux semaines “d’engagement” en externat, dans le prolongement de l’obligation d’instruction. Les objectifs stratégiques et pédagogiques sont ainsi définis : “développement personnel” ; “résilience” ; “droits et devoirs dans la République” ; “esprit de défense” ; “préparer l’engagement”.
La phase 2 “d’engagement volontaire” jusqu’à l’âge de 25 ans (engagement civil ou militaire, bénévole ou indemnisé), sera encouragée. Elle peut répondre à l’obligation de formation.
Les deux phases d’engagement pourront être effectuées dans les domaines suivants : Aide à la personne/sanitaire et social/humanitaire ; Environnement/développement durable ; Culture/numérique /mémoire ; Défense/sécurité ; Tutorat/éducation.
Des mineurs ni salariés, ni stagiaires, ni bénévoles : quelle aubaine cette “société de l’engagement” dans un contexte de suppression de postes, d’absence de recrutement de salariés !
Le choix des structures d’accueil est instructif (1). Ainsi, par exemple, “les collectivités territoriales, les services de l’État, les Armées, les services de police, de gendarmerie et de sécurité civile, les entreprises agréées « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS), les associations loi 1901 à caractère confessionnel ou comportant à titre accessoire des activités cultuelles”… pourront proposer des “missions d’intérêt général”. Mais “les associations soumises à la loi de 1905, les syndicats, quel que soit leur statut, les entreprises et fondations d’entreprise, les mouvements politiques” ne le pourront pas.
Soumission de la jeunesse
La Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) est mise en place au lendemain de l’élection de Macron. Sa mission : “contribuer à relever le défi de l’éducation civique et citoyenne des jeunes Français à travers un triple objectif : garantir l’attractivité des métiers de la défense et promouvoir notre modèle d’armée ; participer à l’éducation civique et citoyenne ; contribuer à la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de la jeunesse et de l’insertion professionnelle” (2).
L’essor du SNU, les partenariats entre Armée/Éducation nationale/Missions locales… permettront d’intégrer l’Armée dans la formation et favoriseront le recrutement des jeunes dans l’Armée.
Le discours sur la liberté de choix du “parcours individuel” (de l’élève, de l’étudiant…) vise à masquer la réalité. Corrélativement à la dégradation des conditions d’études, au renforcement de la sélection (Parcoursup), à la casse de tous les acquis sociaux, aux difficultés pour nombre de jeunes à trouver un emploi stable, rémunéré à la hauteur de leur qualification, la pression exercée sur la jeunesse est de plus en plus forte.
Avec le SNU, chaque année, 800 000 jeunes seront exploités, sans aucun droit, pour des durées variables, encouragés à poursuivre leur “engagement volontaire” par un service civique, utilisés pour des emplois aujourd’hui occupés par des salariés rémunérés selon une convention collective, un statut, avec des droits individuels et collectifs et la possibilité de s’organiser syndicalement.
Ne s’agit-il pas d’inculquer un esprit de soumission aux normes d’une société qui n’offre à la jeunesse que la précarité à vie, des conditions économiques, sociales, politiques inacceptable ?
L’engagement contraint se nomme embrigadement !
Le gouvernement veut rendre le SNU obligatoire dès 2024. On ne pourra pas se faire exempter et pour les récalcitrants des sanctions : non accès à certains diplômes, au permis de conduire…
Le gouvernement fait le choix d’un service national universel plutôt que des places à l’université, des postes dans l’Éducation nationale, une revalorisation des bourses, une Aide sociale à l’enfance qui accompagne les jeunes jusqu’à l’autonomie…
Le SNU et le “parcours scolaire” du jeune (organisé notamment par la loi Blanquer) sont conçus pour formater la jeunesse et la soumettre étroitement aux besoins du patronat et de “l’ordre” capitaliste.
Ce n’est pas de plus de valeurs morales, mais de moyens dont ont besoin les jeunes pour être autonomes.
Mise en cause du droit du travail, du statut des enseignants
Un arrêté du 14/03/2019 fait entrer le SNU dans le champ du code de l’action sociale et des familles. Le gouvernement recrute les encadrants du SNU en utilisant le “contrat d’engagement éducatif” (réservé à l’animation, aux colonies…). Or, ce contrat déroge très largement aux dispositions du code du travail en matière de temps de travail, de repos ou de salaire minimum.
Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), présenté en Conseil des ministres le 5 février, comporte un article qui vise à habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de définir les conditions de recrutement des personnes encadrant le SNU et de modifier le droit en vigueur.
Alors qu’il supprime des postes d’enseignants, le gouvernement veut utiliser des agents civils de l’État, de l’Éducation nationale et du Supérieur : “un congé spécial sera créé leur permettant de participer à ces missions contre une rémunération spécifique”. Dès cette année, des personnels enseignants sont recrutés pour des fonctions d’encadrement du SNU (3). Déchargé de leur service d’enseignement, remplacés sur leur poste, ils bénéficieront d’une indemnité spécifique.
“Le SNU est un projet d’émancipation et de responsabilisation des jeunes, complémentaire de l’instruction obligatoire”. C’est que qu’on peut lire sur la fiche de poste de recrutement de “Tuteur de maisonnée” réalisée par le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Sous couvert de revalorisation des salaires, alors qu’avec la retraite à points les enseignants perdront des centaines d’euros, Blanquer annonce 500 millions en 2021. Avec cette pseudo-revalorisation, “essentiellement au mérite”, de nouvelles “missions sont annoncées” : formations pendant les vacances, heures sup pour des remplacements…
Travailler plus et gagner moins, porter de nouveaux coups contre le métier, voilà les objectifs de Macon.
Il est plus que temps d’imposer aux directions syndicales la rupture des concertations et d’organiser la mobilisation pour l’abrogation du SNU. o
Émancipation est membre du Collectif national
“NON au SNU ! Abrogation du SNU !”
Voir aussi le tract du Collectif Lyon 69 contre le SNU publié dans la revue n° 6, février 2020 : Le service national universel : une menace pour toute la jeunesse – Un projet inacceptable pour les enseignants qui devront participer à sa mise en œuvre.
Consultable sur le site emancipation69
Dans l’académie de Lyon : 1500 jeunes recrutés cette année
750 dans le Rhône au lycée Rabelais ; 450 dans la Loire à Verrières-en-Forez et Perreux ; 300 dans l’Ain à Lélex et Valserhône.
Sur le site du département du Rhône : “Tout jeune Français, âgé de 15 à 16 ans, dans l’année suivant sa classe de 3e, résidant dans le département du Rhône, quelle que soit sa situation (lycéen, apprenti, jeune non scolarisé) peut déposer, à partir du 3 février, sa candidature sur le site : www.snu.gouv.fr
En avril, le préfet et le recteur de l’académie finaliseront les opérations de recrutement afin de garantir que la cohorte de volontaires soit bien représentative de la jeunesse du département.
D’une durée d’un mois, le SNU comporte : un séjour de cohésion de deux semaines qui aura lieu du 22 juin au 3 juillet 2020 ; une mission d’intérêt général de deux semaines (à effectuer dans l’année qui suit le séjour de cohésion). Les volontaires pourront ensuite, s’ils le souhaitent, poursuivre une période d’engagement de trois mois (minimum) à un an, jusqu’à leurs 25 ans”.
(1) SNU. Éléments de cadrage MIG.
(2) Philippe Pontiès, général de corps d’armée, directeur du service national et de la jeunesse (DSNJ).
(3) http://22.snuipp.fr/spip.php?article4060 ; https://www.info-jeunes.fr/sites/default/files/2020-01/Fiche%20poste%20Tuteurs_0.pdf