Ce présent ouvrage parait dans un contexte qui voit un nombre exponentiel de résistances, suivies le plus souvent d’actes de désobéissance. Selon le contexte médiatique, ils sont plus ou moins connus et nous touchent de plus ou moins près. Il est question de réchauffement climatique, de souffrance au travail ou tout simplement de désespoir humain. Ce phénomène touche aujourd’hui tous les milieux. Les services publics n’y échappent pas, l’Éducation nationale non plus avec la mise en lumière récente du suicide d’une directrice d’école.
Il ne m’était pas possible de conserver pour moi cette expérience de désobéissance, et ce que j’ai pu en tirer en termes de compréhension de cette problématique, sans la livrer au public, notamment à celles et ceux qui veulent sortir de l’obéissance et relever la tête. Le fait d’avoir dessiné des perspectives susceptibles d’apporter des moyens aux individus qui veulent reprendre leur vie en main est également une des raisons de la sortie de cet essai.
La légitimité face à la légalité
Au cours de ma carrière d’enseignant-formateur, et donc en tant que fonctionnaire, je me suis retrouvé engagé dans la désobéissance à des réformes prônées par mon institution. Fort de mes valeurs et de mon éthique professionnelle, je me suis confronté alors au combat de la légitimité face à la légalité. J’ai rejoint le réseau des enseignants et enseignantes en désobéissance et nous allons ainsi, au nom de la démocratie critique, de la résistance éthique, nous opposer de manière ouverte aux mesures en question (évaluation, fichage, etc).
La partie centrale du livre décrit de manière plus précise cette désobéissance à travers la lutte collective des enseignants ; on y retrouve également l’affrontement personnel, professionnel face à ma hiérarchie. Devant l’obéissance hiérarchique, la soumission aux injonctions, nous avons opposé notre responsabilité professionnelle, notre loyauté aux missions de service public, notre cohérence entre pratiques et valeurs.
Les piliers de l’obéissance
À partir de cette expérience, j’ai tenté d’analyser les instruments de soumission des individus face au pouvoir, les grands principes qui font que chacun, aujourd’hui dans nos sociétés, se retrouve dans l’obligation d’obéir. À travers les principales références de la désobéissance civile et civique, j’ai repéré ce que j’ai nommé “les piliers de l’obéissance” identifiés notamment à travers le système hiérarchique, le poids de l’évaluation, la montée de l’individualisme, la perte des valeurs et de l’étique.
Et enfin, j’ai dessiné quelques perspectives pour l’avenir dans le cadre de réelles alternatives permettant à l’humain d’exercer sa pensée au sein d’une société organisée sur des valeurs de respect, de responsabilisation, de coopération et d’émancipation. Il s’agit alors d’envisager notamment l’élaboration d’une intelligence collective, une évaluation basée sur un paradigme radicalement différent, la réinstauration d’un ancrage sur les valeurs.
Le principe de la formation est également posé, non plus via une conformation des esprits mais bien en développant le principe d’autorisation afin d’engager chacune et chacun à trouver une réelle autorité sur son métier, sa vie.
En espérant que cet ouvrage donne des envies de libérer la parole et d’agir à la fois pour soi et dans le collectif.
Une 4ème de couverture écrit par Philippe Meirieu
Dans le tourbillon de mesures technocratiques et démagogiques qui fait fonction aujourd’hui de “politique scolaire”, il fallait la lucidité et le courage de François Le Ménahèze pour nous rappeler à notre devoir de résistance. Résistance à la dictature du contrôle de conformité qui se fait passer pour de l’évaluation. Résistance aux injonctions de circonstance qui oublient les textes fondateurs de notre École. Résistance à la pédagogie paresseuse de la sélection qui s’exonère du principe d’éducabilité de chacune et de chacun. Résistance à l’individualisme et à la concurrence sous toutes ses formes qui foulent aux pieds les promesses fondatrices de notre République.
François Le Ménahèze rappelle ici que ce qui fait de l’enseignant un homme debout, un véritable “instituteur “ qui “institue l’humanité dans l’homme”, exige de lui une éthique exigeante, qui refuse de coopérer avec tout ce qui dégrade l’entreprise éducative. Son livre de “désobéisseur” est un véritable livre d’obéissance : à l’essentiel.
François Le Ménahèze
Déjà auteur d’un roman, L’École nous donna des ailes, L’Harmattan, 2016 et co-auteur au sein d’un ouvrage pédagogique collectif Ouvrons des pistes… Itinéraires de 10 enseignants Freinet, CHT Nantes, 2016.
Son blog : www.lemenahezefrancois.ekablog.com
■ Désobéir est parfois un devoir. Récit et analyse d’une désobéissance en milieu scolaire. 2019. Éditions Libertaires.
À commander à l’EDMP (8 impasse Crozatier, Paris 12e, 01 44 68 04 18, didier.mainchin@gmail.com).