La loi de 1905, enjeux d’hier et d’aujourd’hui
Le présent dossier n’a pas pour objet d’embrasser l’ensemble des problématiques liées à la laïcité. Dans ce numéro nous abordons principalement la clef de voûte de la laïcité institutionnelle, à savoir la loi de 1905. Son élaboration, son contenu et les attaques dont elle est l’objet.
Une première remarque en préambule : cette loi n’emploie pas le mot “laïcité” ni d’ailleurs “religion”, et une seule fois “Église” ! La loi de 1905 est la loi de “séparation des Églises et de l’État”, elle parle de “culte” mais pas de religion.
Car il y a deux façons de comprendre le terme “religion » :
– la religion comme un ensemble de croyances individuelles donc relevant de la sphère privée ;
– la religion comme corpus d’idées et de pratiques, plus ou moins structurée et ayant un point de vue sur le sens de la vie, les valeurs qui doivent s’appliquer dans la société et au final une conception de la société. Elle donne des indications sur quel but tendre, et comment organiser la société pour l’atteindre. Toute religion importante se structure comme un appareil, l’Église pour les chrétien·nes, qui défend des intérêts matériels et politiques : elle est avant tout une force politique et sociale – au mieux conservatrice et obstacle à l’émancipation – et le fond du problème est là.
C’est cette réalité qui est concernée par la loi de 1905, comme le montrent d’ailleurs les débats de l’Assemblée. D’où la notion de “culte” (un religieux étant un “ministre du culte”) : c’est une forme collective d’hommage à une divinité – qui suppose une organisation matérielle – et pas un acte individuel d’expression de sa foi.
La loi ne traite donc pas des questions d’expression individuelle de convictions religieuses. D’une façon générale, elle ne règle pas toutes les questions liées à la laïcité et ne prend pas position sur tous les sujets.
Quelques rappels ensuite pour aider à la compréhension de ces questions :
– la Séparation remplace et s’oppose à la politique concordataire, que nous présentons donc en premier ;
– la loi de 1905 n’est pas une loi de “pacification” comme on le lit souvent, surtout en ce qui concerne l’Église catholique qui lui sera toujours hostile. Le terme “laïcard” vient de cette époque, et des milieux les plus réactionnaires… et certains courants qui l’utilisent à l’occasion feraient mieux d’y réfléchir à deux fois.
– il faut plutôt parler de la loi de 1905 comme une loi de compromis ; compromis entre les classes (mouvement ouvrier et bourgeoisie), compromis entre différentes forces au sein de chaque classe, compromis entre appareils (appareil d’État républicain et appareil catholique). La loi s’intègre dans un processus de laïcisation sur le long terme, dans une situation où le rapport de forces est favorable, comme le code du Travail, la Sécurité Sociale, le statut général de la Fonction publique…
– les femmes sont totalement – ou presque – absentes de cette histoire, au moins en tant que dirigeantes. Rappelons, qu’à cette époque, elles ne sont ni électrices ni éligibles. Pour autant, elles jouent un rôle important dans certaines organisations laïques, représentant même une minorité non négligeable dans leur direction nationale.
Dossier coordonné par Quentin Dauphiné
SOMMAIRE
page II Petits rappels sur le Concordat en France
page IV Ce qui s’est (réellement) joué en 1905
page VIII Les attaques contre la loi de 1905