Le festival MIMA (Mirepoix Marionnettes)
Chaque année au début du mois d’août, et depuis plus de trente ans, se tient à Mirepoix, petit village d’Ariège chargé de culture et de traditions, le festival MIMA, deuxième festival de marionnettes de France après celui de Charleville-Mézières, avec plus de 25 000 spectateur·trices présent·es cette année.
La ligne directive est claire : valoriser l’image de la marionnette, encore trop souvent associée dans l’imaginaire collectif à l’idée poussiéreuse d’un guignol devant un parterre d’enfants rieurs.
À MIMA, les enfants ne sont pas à vrai dire le premier public visé. Ainsi l’édition 2019 proposait en première page de son programme une représentation de Chambre Noire par la compagnie franco-norvégienne Plexus Polaire. Ce spectacle est interdit aux moins de seize ans. Il y est question de la vie de Valérie Solanas, activiste américaine qui tenta d’assassiner Andy Warhol, celui-ci ayant volé l’unique exemplaire de son manifeste féministe, le SCUM Manifesto. Le spectacle retrace la vie douloureuse de cette femme, les attouchements du père, l’aveuglement d’une mère peu présente ; il met en scène un corps meurtri par la prostitution et aussi les interminables séances d’interrogatoire face à un policier répétant inlassablement les mêmes questions. Investissant l’espace d’une scène de théâtre, Chambre Noire présente une importante scénographie avec projections vidéos, musique en live, une création lumineuse stylisée évoquant les néons et les nuits des nights clubs américains : une création qui s’éloigne donc drastiquement des spectacles de marionnettes intimistes.
Un essor des petites formes intimistes
Pourtant, les petites formes intimistes connaissent également un essor dans l’univers de la marionnette contemporaine. Les spectateur·trices du MIMA ont pu assister à Miniatures, par la compagnie Kiosk Théâtre sous-titré “Que seriez-vous prêt à sacrifier pour séduire les autres ?”. Ce spectacle d’une quinzaine de minutes se joue dans une caravane avec une jauge de huit personnes. La marionnettiste anime sur une table de petites figures constituées de vieilles photographies trouvées dans les brocantes, à partir desquelles elle a imaginé l’histoire d’un enfant qui, dans une tentative désespérée pour être accepté par les petites filles qui le tyrannisent, déplume sa poule, son unique amie, parce que ces enfants cruelles lui en ont demandé une plume. Ainsi, sous ses allures légères, ce petit conte se transforme en drame sur la solitude et sur la violence parfois présente au cœur des relations entre enfants.
Mais ce n’est pas pour autant que la joie et les rires sont bannis de la programmation du festival ! Dans Conversation avec nos ancêtres, le Théâtre de Cuisine retrace l’histoire de l’évolution avec des jouets en forme de dinosaures, de chimpanzés et des Playmobils défilant le long d’une grande table sur un tapis activé par une manivelle. Animé par une comédienne énergique et très drôle, ce spectacle se veut être une satire de l’Anthropocène.
Le MIMA c’est aussi, comme à Avignon, un in et un off. Dans ce dernier, la programmation est plus familiale. Les spectacles se passent en plein air et sont tous auto-produits, se rémunérant au chapeau. Les formes sont plus courtes, le public est souvent très proche des interprètes et les moyens sont moindres, mais l’inventivité et l’émotion, elles, ne le sont pas ! Modestes pour la plupart, ces propositions touchent d’autant plus et atteignent le public de façon très directe.
Promouvoir la marionnette actuelle
Le MIMA relève haut la main le défi qu’il s’est fixé de promouvoir la marionnette actuelle et ses formes associées. Qui dit marionnette actuelle parle en effet d’un art protéiforme, à la jonction de propositions très contemporaines (par exemple dans Turing Test, de la compagnie Nokill, où des espèces d’êtres robotiques doués de parole évoluent sur la scène) et de spectacles qui s’inscrivent dans la continuité de formes anciennes et traditionnelles telles que le Bunraku, art japonais datant du XVIIe siècle, ou encore la marionnette à fils. Entre ces deux extrémités, nous trouvons le théâtre d’objets et de figurines, le théâtre de papiers ou encore la marionnette habitée, dans laquelle le corps du marionnettiste ne fait plus qu’un avec celui de la marionnette, et la liste ne connaît d’autres limites que celle de l’imagination de l’artiste. En outre, comme c’est le cas dans le monde du spectacle vivant de manière générale, la tendance est au mélange des arts, aux propositions hybrides entre marionnette et danse, marionnette et cirque, ou même cinéma. Faisant preuve d’une capacité d’inventivité et de renouvellement indéniable, l’art de la marionnette est loin d’avoir dit son dernier mot !
Élise Bergès